Géomorphologie 6

1.  Le relief
2.  L'érosion
a)  L'érosion sur les interfluves, ou érosion aréolaire
1°.  La désagrégation thermique
2°.  La désagrégation mécanique
3°.  L'oxydation
4°.  L'hydratation
5°.  La dissolution
6°.  L'hydrolyse
7°.  Le rôle des organismes vivants
b)  Les mouvements des débris
1°.  Sur les versants rocheux
2°.  Sur les versants non rocheux
c)  L'érosion par les eaux courantes, ou érosion linéaire
1°.  Les torrents
2°.  Les autres cours d'eau
d)  L'érosion par les eaux souterraines
3.  Roches et modelé
a)  Les roches sédimentaires
1°.  Les roches sédimentaires meubles
2°.  Les roches sédimentaires cohérentes
b) Les roches éruptives
c) Les roches métamorphiques
1°.  Les dômes
2°.  Les filons
3°.  Le granité
4°.  Les diorites
5°.  Les micaschistes
6°.  Les gneiss
7°.  Les leptynites
4.  Roches et relief volcaniques
a)  Introduction
b) Les boucliers et plateaux de laves
c) Les trapps
d) Les volcans stromboliens
e) Les volcans d'explosion
1°.  Le type vulcanien
2°.  Le type ignimbritique
f) Les formes volcaniques particulières
5.  Relief et structure
a) Les structures tabulaires
b) Le relief de cuesta
c) Les structures plissées
d) Les structures faillées
e) Les contacts
1°.  Les contacts sans faille
2°.  Les contacts avec faille
6.  L'évolution du relief
a) La théorie du cycle d'érosion de Davis
b) La succession des cycles d'érosion
c) Critique de la théorie davisienne. Nouvelles théories de remplacement. Introduction à la géomorphologie climatique
7.  Les paysages glaciaires
a) Introduction
b) Les divers types de glaciers
c) Le travail de la glace
d) Les formes glaciaires
8.  Les paysages périglaciaires
a) Caractères et domaines du gel
1°.  Intensité et durée
2°.  Régions affectées
3°.  Processus d'action du gel
4°.  Formes de ségrégation de la glace
5°.  Le rôle du gel
6°.  Les processus du dégel et de la fonte des neiges
7°.  Rôles du ruissellement et du vent
8°.  Les formes dues aux processus périglaciaires
9°.  Le réseau hydrographique
9.  les paysages arides
a) L'action érosive du vent
b) La désagrégation mécanique
c) Le paysage désertique
10. Les paysages tropicaux humides
a) Le modelé de la forêt dense
b) Le modelé des savanes
c) Formes d'aplanissement
11. Les paysages littoraux
a) Processus subaériens
b) La plage
12.  Les applications de la géomorphologie

Le propre de la géomorphologie est d'observer, de décrire et d'expliquer les différentes formes du relief, qu'il est possible de définir comme l'ensemble des saillies de l'écorce terrestre. Les forces constructrices, dites forces tectoniques, et les éruptions volcaniques édifient le relief, sur lequel s'exerce l'érosion ; celle-ci se traduit par l'enlèvement et l'accumulation de matériaux et agit en fonction de la nature des roches (facteurs lithologiques), de l'agencement des terrains (facteurs structuraux) et de l'aire d'action (facteurs climatiques).

7.  Les paysages glaciaires

a) Introduction

Les glaciers occupent une superficie de 15 millions de kilomètres carrés, dont 97 % dans l'Antarctique et au Groenland. Au maximum de l'extension quaternaire, cette superficie était trois fois plus grande et embrassait l'Amérique du Nord jusqu'au confluent de l'Ohio et du Mississippi, et l'Eurasie jusqu'à une ligne reliant Londres, les bouches du Rhin, le pied des montagnes de l'Allemagne moyenne, le cours moyen du Dniepr et du Don, alors que la Sibérie était libre de glaces.

Les glaciers actuels sont de dimensions très variées, depuis les plaques de neige persistantes, appelées névés, jusqu'aux inlandsis, immenses étendues continentales (l'Antarctique occupe environ 14 millions de kilomètres carrés). Les glaciers résultent de l'accumulation de neige d'une année sur l'autre. La neige persiste au-dessus d'une limite qui est fonction de l'altitude et de la latitude. Au-dessus de cette limite, cependant, certains pics sont trop raides pour que la neige y subsiste : ce sont les nunataks. Par contre, d'un glacier peut s'échapper une langue glaciaire qui débordera la limite des neiges à une altitude souvent très inférieure. L'extension des glaciers est fonction des conditions d'alimentation et de fusion.

Le glacier du Mont Rose (Italie).  On remarque au centre la langue glaciaire résultante et sa moraine médiane.

Le bilan glaciaire est la somme algébrique des quantités positives, représentant l'alimentation, et des quantités négatives, représentant l'ablation. Si ce bilan est nul, le volume de glace reste identique. Un bilan négatif se traduit par un recul, un bilan positif par une avancée du glacier. L'ablation résulte de plusieurs facteurs, notamment, la fusion et l'évaporation. En fonction du bilan glaciaire, de la nature de la glace et de l'extension du glacier, il existe plusieurs types de glaciers.

b) Les divers types de glaciers

— Les inlandsis ont la forme de lentilles biconvexes. Leur épaisseur moyenne est de l'ordre de 2 kilomètres. Cette accumulation énorme de glace s'explique plus par la faiblesse de l'ablation sous les climats froids que par l'abondance des précipitations. L'alimentation est en effet très faible en raison de la sécheresse du climat, ce qui explique que le Groenland soit actuellement considéré comme une survivance remontant à des périodes plus humides. Chaque été, la glace superficielle de l'in-

landsis fond en creusant des canyons de quelques mètres, les bédières, et l'eau disparait dans des puits appelés « moulins » dans les Alpes. La fonte atteint particulièrement les langues glaciaires qui s'échappent de l'inlandsis. Si elles atteignent la mer, elles se fragmentent sous l'action de la houle et des marées en icebergs.

— Les calottes glaciaires revêtent des montagnes (système glaciaire du mont Rainier) et émettent des langues divergentes à leur périphérie, des cuvettes, des plateaux (Vatna-Jokull, en Islande, a 8 400 kilomètres carrés de superficie).

— Les glaciers de cirque, de dimensions réduites, occupent les montagnes dont le sommet dépasse de peu la limite des neiges persistantes. Ces glaciers sont dominés par des parois rocheuses abruptes, d'où descendent des avalanches qui les alimentent.

— Les glaciers de vallée, nombreux dans les chaînes alpines, ont la forme d'un réseau dendritique. Le secteur d'alimentation est constitué de plusieurs langues issues des cirques supérieurs. Ces langues s'unissent par des confluences. La langue résultante, de forme convexe car l'ablation est plus forte sur les bords en raison du frottement sur le rocher, descend vers l'aval ; elle est plus ou moins recouverte de dépôts, les moraines.

Les moraines latérales sont constituées par les matériaux tombés sur le glacier ou arrachés aux parois de la vallée. Quand deux langues glaciaires confluent, leurs moraines latérales rentrent en coalescence pour former une moraine médiane. La moraine interne est formée de pierres que le glacier transporte dans sa masse. Sur le fond, le glacier transporte des blocs représentant un volume appréciable : c'est la moraine de fond. Le glacier déplace sur son front des matériaux qui constituent la moraine de front, ou vallum morainique.

— Les glaciers de piémont s'observent quand les glaciers de vallée sortent de la montagne et forment des lobes de piémont. Ces lobes présentent alors un phénomène de fusion grandissant, surtout s'ils arrivent dans un secteur tiède, comme le glacier alaskien de Malespina.

Les processus de l'érosion glaciaire sont mieux connus grâce à la cristallographie et à la dynamique du glacier. La neige tombe sous la forme de cristaux enchevêtrés, de forme plus ou moins dentelée. Immédiatement après sa chute, la neige qui contient beaucoup d'air a une densité très faible (0,1). Sa densité augmente sous l'influence de la pression, des changements de température et des réarrangements à l'échelle moléculaire. La neige peut ainsi fondre, puis regeler. Elle se modifie plus vite sous les climats maritimes, caractérisés par une succession de redoux qui fondent la neige et de retours au froid, que sous les climats à gel durable, polaires ou continentaux. La neige qui a tenu pendant l'été est la neige de névé (densité : 0,6). Pour que la densité augmente, il faut plusieurs dizaines d'années, la glace pure ayant une densité de 0,91.

La glace coule de l'amont vers l'aval. La vitesse en surface est plus forte au centre que sur les bords. Cette vitesse, très lente sur les inlandsis, devient très forte sur leurs émissaires et sur les langues alpines ou alaskiennes. Elle peut être augmentée considérablement par une accumulation de glace : ainsi, dans la partie amont, la vitesse hivernale est généralement plus élevée que la vitesse estivale. Dans la partie aval, l'eau de fonte sous le glacier et l'appel au vide créé par l'ablation accroissent la vitesse en été.

Le mouvement de la glace est complexe : il procède à la fois du mode visqueux (ne conservant pas sa forme après avoir subi des efforts), du mode plastique (conservant les déformations) et du mode élastique. Ainsi, la glace peut soit ne pas mouler tous les creux de son lit, le vide existant alors entre les parois et le glacier étant la rimaye, soit épouser les obstacles, soit s'individualiser en courants juxtaposés, superposés ou emboîtés, soit enfin se casser en surface par des crevasses et en profondeur.

c) Le travail de la glace

Le travail de la glace a donné lieu à des controverses. Les ultraglacialistes font de la glace le plus actif des agents d'érosion : elle peut creuser profondément et indépendamment de la topographie préglaciaire de la même façon que les eaux courantes agissent. C'est l'hypothèse du lit fluvial. Au contraire, les antiglacialistes admettent que les glaciers protègent le relief qu'ils recouvrent, et que leur action se limite au transport des débris issus de la fragmentation par le gel des matériaux situés au bord du glacier ainsi que sur l'espace occupé plus tard par le glacier. C'est l'hypothèse du défonçage périglaciaire. Enfin, les transactionnels admettent le creusement mais nient que la surface préglaciaire soit totalement remodelée. Le glacier se contenterait d'aménager le lit fluvial, transformant les bassins de réception en cirques et les vallées fluviales en auges. Sur la surface préglaciaire, le glacier débite en gros blocs les roches diaclasées surtout sur les secteurs inclinés vers l'aval, tandis que le frottement et l'abrasion seraient moindres sur les contre-pentes et les roches non diaclasées.

L'existence de ces différentes théories montre le caractère complexe du mouvement du glacier, qui peut agir soit en érodant considérablement, soit en agissant par légères touches.

Le glacier façonne le lit rocheux par les processus de raclage et de polissage. Le raclage résulte du frottement exercé sur la roche en place par les blocs et les débris contenus dans la glace. Sur les parois, le raclage crée des cannelures larges de 5 à 50 cm et de deux à cinq fois moins profondes. Sur les parois et sur le fond, les pierres emportées créent des stries profondes de quelques millimètres. Sur le fond, les pierres donnent naissance à des griffures, sillons étroits, qui fournissent des indications quant à la direction et au sens de l'écoulement de la glace. Le polissage est l'œuvre d'une glace peu chargée en matériaux grossiers. S'il dure longtemps, il entraine une usure en arrondissant les saillies et donne naissance aux roches moutonnées. La glace érode également par quarrying, c'est-à-dire par déchaussement de blocs (surtout dans le cas des roches diaclasées). La glace façonne les matériaux transportés : les matériaux de la moraine de fond (till ou duft) sont plus triturés que ceux de la moraine de surface et contiennent par conséquent plus de limon. Les matériaux glaciaires sont peu aplatis et peu émoussés.

d) Les formes glaciaires

— Une des formes glaciaires les plus simples est le cirque, qui se présente sous la forme d'une dépression semi-circulaire dominée par des parois abruptes. Il existe des cirques en forme de niches accrochés au flanc de la montagne, présentant pour les plus étendus un fond plat occupé parfois par un lac et pouvant se terminer à l'aval par une contre-pente qui les barre, et des cirques en escalier comme le cirque de Gavarnie.

Le cirque de Gavarnie

Les cirques, rarement isolés, se groupent et leurs fonds sont à des altitudes voisines. Dans les régions de moyenne montagne, comme les Vosges, ils entaillent les croupes. Dans les hautes montagnes, ils entaillent des crêtes aiguës modelées non par l'érosion glaciaire, puisque la glace n'y subsiste pas, mais par le gel. Le niveau des crêtes reste sensiblement à la même altitude : cependant, une pyramide, ou horn, formée au point d'intersection des crêtes peut dominer. Une niche de nivation est sans doute à l'origine d'un cirque, le creux du cirque s'approfondissant par gélivation, d'abord entre les flaques de neige qui s'accumulent dans la niche, ensuite sur les parois.

Vue d'un front glaciaire montrant des torrents alimentés par les eaux de fusion, et la zone d'accumulation de la marge glaciaire (Glacier de Capps, Alaska)

— La vallée glaciaire, due à l'action d'une langue glaciaire, affecte une forme d'auge caractéristique avec des flancs abrupts et un fond le plus souvent plat. Il existe également des vallées glaciaires en V dues soit au travail du torrent sous-glaciaire, soit au travail de la glace incapable de creuser une large vallée.

La vallée glaciaire, dont la largeur est importante par rapport à sa profondeur, présente des profils en long et transversal caractéristiques. Le profil en long de la vallée glaciaire montre une succession de secteurs approfondis et élargis, les ombilics, et de secteurs de moindre creusement le plus souvent rétrécis, les verrous. Les ombilics, résultat du surcreusement par la glace, sont souvent occupés par des lacs. Les verrous, saillies rocheuses moutonnées, peuvent soit barrer totalement la vallée et ne laisser le passage qu'à une gorge fluviatile, soit laisser d'assez larges passages quand ils sont constitués de bosses rocheuses juxtaposées. A l'aval, une irrégularité très nette est due le plus souvent au vallum morainique, qui peut barrer la vallée, tel l'amphithéâtre d'Ivrée au débouché de la vallée d'Aoste. L'origine des ombilics et des verrous pose le problème du surcreusement glaciaire, qui est fonction à la fois de l'épaisseur et de la vitesse du glacier. Le profil transversal montre également des irrégularités : celles-ci sont dues non seulement aux dépôts de moraines de fond et aux crêtes allongées des moraines latérales mais aussi à des épaulements qui dominent le fond de la vallée de quelques centaines de mètres. Ces replats peuvent être multiples et superposés, comme si les auges successives s'étaient emboîtées les unes dans les autres. L'épaulement s'explique par l'emboîtement d'une auge modelée par un glacier réduit dans une large vallée modelée par un grand glacier ou une vallée fluviatile. Les vallées glaciaires ne se raccordent pas toujours sur le même plan comme les vallées fluviales : on parle alors de vallée suspendue. Si un glacier dans sa vallée trouve un col de flanc dont le niveau est inférieur au niveau de la surface de la glace, il émet une digitation qui peut passer le col et le modeler en berceau : il s'agit alors des cols de transfluence ou de diffluence, nombreux dans les Alpes et plus rares dans les Pyrénées où la haute crête était un obstacle au franchissement des glaces.

— Les plaines et plateaux glaciaires, appelés fjells, ou fjelds en Scandinavie, présentent une topographie moins chaotique que les formes précédentes, bien que les vallées ne soient pas absentes de ces vastes espaces. Leur paysage est fonction de l'opposition entre des roches moutonnées par l'érosion et des zones d'accumulation : les formes d'érosion dominent dans la zone de départ des glaces (nord du Canada, nord de la Suède et de la Finlande), tandis que les formes d'accumulation se situent à la périphérie du glacier (Allemagne du Nord, nord de la plaine centrale des États-Unis). Les deux types de formes interfèrent souvent par suite des avancées et reculs des glaciers.

Les régions où dominent les formes d'érosion se présentent comme des ensembles bosselés dominant de petites dépressions, occupées le plus souvent par des lacs ou des étangs. Les formes d'accumulation sont diverses et dépendent de leur origine, qui se trouve soit sous le glacier, soit sur sa marge. Dans le premier cas, les paysages de drumlins et de plaines de moraines de fond dominent.

Les drumlins sont des collines en forme de dos de baleine généralement longues de quelques dizaines à quelques centaines de mètres, trois fois plus longues que larges en moyenne, et d'une hauteur ne dépassant pas 50 m, allongées dans le sens de l'écoulement de la glace et séparées par des dépressions le plus souvent marécageuses. Les drumlins correspondent à des épaississements de la moraine de fond que le glacier a modelés mais ils s'appuient le plus souvent sur un noyau rocheux. Si la moraine de fond n'est pas localisée par paquets, elle donne un relief moins différencié, tantôt plat, tantôt ondulé en collines. Le manteau morainique est généralement peu épais.

Les formes d'accumulation liées à la marge glaciaire sont plus complexes car le travail de l'eau de fonte et celui de la glace combinent les formes. Les eaux peuvent couler sur le glacier, sous le glacier, le long du glacier, ou encore contre le front du glacier. Dans ce dernier cas, les eaux sont dites proglaciaires : c'est l'origine des grandes vallées de la plaine germano-polonaise au Quaternaire; elles peuvent également former des lacs, cas des Grands Lacs américains.

Les osar (au singulier, os) sont des collines à sommet irrégulier, dont les flancs vont de 5° à 20°, à profil transversal aigu ; ils peuvent s'étirer en bandes sinueuses sur des dizaines de kilomètres, alors que leur largeur varie de quelques dizaines de mètres à 500 m et que leur hauteur n'excède pas 50 m. Il semble que les osar soient des formes de recul glaciaire dues à des eaux de fusion.

Les autres formes d'accumulation sur la marge sont les kames, buttes à sommet généralement plat, et les eskers, associant des formes complexes filiformes et dilatées. Les moraines frontales donnent des formes plus ou moins compliquées suivant leur évolution. Les moraines de la dernière glaciation sont les plus fraîches; elles forment ainsi les croupes baltiques.

En avant des moraines, les matériaux fluvio-glaciaires forment des nappes de matériaux fins (plus grossiers au pied des montagnes), appelés sandurs. Ils sont actuellement affectés par l'érosion postglaciaire qui crée des terrasses dans les nappes alluviales. La fonte des glaces lors des réchauffements climatiques se traduit par un mouvement eustatique positif, qui élève le niveau des mers, et par un mouvement isostatique également positif, qu soulève les blocs continentaux n'ayant plus à supporter le poids des inlandsis. Le relèvement eustatique est plus rapide que la compensation isostatique; aussi une partie du continent ennoyée lors d'une transgression marine, postérieurement exondée par mouvement isostatique, peut-elle garder des traces d'une érosion marine.

8.  Les paysages périglaciaires

Le processus d'érosion qui explique les paysages périglaciaires est le gel. Il est d'autant plus efficace que la végétation se fait de plus en plus rare avec l'altitude d'une part, et la latitude d'autre part. Le matelas d'air constitué par la forêt entre le feuillage et le sol atténue en effet les contrastes thermiques dans le sol. De même, les régions gazonnées, telles que la prairie alpine, sont protégées vis-à-vis des effets du gel.

a) Caractères et domaines du gel

Le gel s'exerce dès que le sol ou la roche apparaît.

1°.  Intensité et durée

Le gel est caractérisé par son intensité et par sa durée. La glace exerce le maximum de pression autour de —25 °C. A ces températures, le gel, très intense, fend les roches les moins gélives. A des températures situées autour de 0 °C, la succession des cycles gel-dégel devient l'agent morphologique principal qui affecte surtout les roches poreuses, comme la craie. La durée du gel peut être le facteur primordial de l'érosion car la glace agit par ségrégations. La durée affecte principalement les roches diaclasées.

Selon les régions touchées par le gel, le sous-sol est soit gelé en permanence, soit dégelé entièrement en été. Les régions au sous-sol continuellement gelé correspondent à des températures moyennes annuelles très inférieures à 0 °C. Entre la couche superficielle (0,60 m d'épaisseur en moyenne) qui gèle en hiver et dégèle en été, appelée mollisol, et la couche profonde toujours dégelée par rayonnement interne, il existe une couche toujours gelée et appelée indifféremment tja/e, ou merzlota, ou permafrost, ou encore pergélisol.

2°.  Régions affectées

Les régions actuellement affectées par le gel représentent environ 1/6 des terres émergées, auxquelles il faut adjoindre les régions situées au sud des premières et touchées par le gel pendant les périodes froides du Quaternaire. Actuellement, le domaine périglaciaire est celui des hautes altitudes et des hautes latitudes.

— Le domaine des hautes altitudes comprend l'étage de la prairie alpine et des crêtes. Plusieurs mois ont une moyenne thermique inférieure à 0 °C, mais les hivers ne sont pas aussi rigoureux que dans les régions polaires. Le gel joue cependant un rôle important, bien que le permafrost soit exceptionnel. Vers l'équateur, le nombre de cycles gel-dégel augmente : il peut ainsi devenir quotidien à 5 000 m d'altitude (Andes équatoriales). Dans les Alpes, les faces Nord, recouvertes de verglas qui les protège du gel, s'opposent aux faces Sud, où les cycles gel-dégel sont fréquents et destructeurs.

— Le domaine des hautes latitudes comprend deux types. Le type polaire continental (Sibérie du Nord-Est) connaît un hiver sec et rigoureux au cours duquel la neige joue un rôle effacé devant le gel intense et durable, l'amplitude annuelle l'emportant sur l'amplitude diurne; le permafrost y est actuel. Le type polaire océanique (Islande) connaît des hivers moins rigoureux mais plus humides. Le gel, moins intense que dans le type précédent, est prolongé, plusieurs cycles gel-dégel apparaissant pendant l'année. L'existence du permafrost est fonction de la moyenne thermique annuelle, dont les variations sont liées à la plus ou moins grande rigueur de l'hiver : celui-ci est marqué et froid au Spitzberg, peu rigoureux dans les îles antarctiques, toutes les transitions pouvant exister entre ces types extrêmes.

Un exemple de dégradation de la roche sous l'effet des agents atmosphériques et en particulier sous l'action du gel

 

3°.  Processus d'action du gel

Le gel dans le sol et dans les roches, la fonte des neiges et le dégel sont les processus d'action primordiaux liés aux régions périglaciaires, alors que le ruissellement et l'érosion éolienne tiennent un rôle secondaire. Le gel du sol dépend de la température du sol, qui est elle-même fonction de la température de l'air. A la surface du sol, l'amplitude des variations de température est supérieure à celle que l'on observe dans l'atmosphère car le sol se refroidit et se réchauffe plus vite que l'air. En profondeur, cette amplitude diminue. Quand les variations de température pénètrent moins profondément que le gel, il reste en profondeur le permafrost. Quand elles pénètrent plus profondément que le gel, celui-ci n'affecte qu'une couche peu profonde qui gèle ou qui dégèle soit quotidiennement, soit saisonnièrement : c'est le cas des régions où la température moyenne annuelle de l'air est supérieure à 0 °C.

4°.  Formes de ségrégation de la glace

Dans le sol, quand le gel est homogène, la glace se répartit entre les grains en les cimentant et en laissant ou non des vides. Cependant, le plus souvent, la glace agit par ségrégations selon les formes suivantes.

Les pipkrakes : ce sont des amas fibreux formés par la glace sous les grains ou les petites pierres du sol. La glace soulève ainsi ces matériaux de quelques centimètres. Les amas de glace qui se forment à l'occasion d'un gel brutal se groupent par paquets plus ou moins continus.

Les lentilles de glace : en profondeur, parallèlement à la surface du sol, la glace se fixe en lentilles ou en strates au contact de grains de taille différente. Quand le gel est durable, les lentilles prennent une grande dimension.

Les coins de glace : quand la glace occupe des fentes verticales, qui sont soit des diaclases, soit des fentes de dessiccation ou de contraction thermique, elle forme des coins qui agrandissent les fissures. Le réseau de fissures présente en plan une forme polygonale. Les coins apparaissent lors d'un gel plus durable que rigoureux.

Les pingos : ce sont des buttes de quelques mètres à quelques dizaines de mètres de haut, de forme circulaire et contenant une grosse lentille de glace. Ces buttes, qui apparaissent dans les roches meubles, sont dues à une circulation d'eau entre un permafrost et le sol superficiel gelé : l'eau, qui ne peut donner une source, gèle sous la forme d'une lentille qui enfle en soulevant la couverture végétale. En été, quand la glace fond, la butte disparaît progressivement pour donner naissance à une mare.

5°.  Le rôle du gel

Ce rôle se traduit par une augmentation de volume. Il est ainsi à l'origine des bombements superficiels dans les argiles et les limons, des soulèvements de blocs, des mouvements internes (quand l'augmentation de volume s'effectue en profondeur, elle entraîne des modifications dans la disposition des couches ; ces modifications sont réunies sous le terme de cryoturbation), de la fragmentation des roches (gélifraction). Si la roche donne des élé ments granuleux, il s'agit d'une microgélivation, alors que la macrogélivation concerne les roches qui se fragmentent en blocs. Sur les versants rocheux, la géli vation entraîne par conséquent l'existence d'éboulis.

6°.  Les processus du dégel et de la fonte des neiges

Ils entraînent le ramollissement des sols et des roches sous forme de boues pâteuses. La solifluxion provoque la formation de coulées boueuses localisées. De plus, au moment du dégel, les petites pierres des pipkrakes peuvent se déplacer en tombant sur le sol à un endroit différent du lieu de soulèvement, et ce déplacement peut être à l'origine d'un tri des éléments.

7°.  Rôles du ruissellement et du vent

Le ruissellement, paralysé sur les versants pendant la saison du gel, reste secondaire pendant la fonte puisque la roche et le sol s'imbibent d'eau. Cependant, il peut être actif si des pluies violentes tombent sur le sol encore gelé, entraînant ainsi des ravinements.

Le vent a un rôle plus significatif, notamment sur les îles. Il peut déchirer la couverture végétale encore gelée, creuser des cuvettes dans les roches tendres, déchiqueter les roches résistantes, exercer une action de déflation sur les nappes alluviales. Il est aussi responsable du dépôt de lœss, formation d'époque froide qui est un limon jaune de nature calcaire. Le lœss s'est déposé soit sur la neige, soit sur le sol.

8°.  Les formes dues aux processus périglaciaires

Elles s'observent tant sur les espaces plats que sur les versants.

— Sur les espaces plats, les sols polygonaux sont les plus typiques : ils existent principalement dans les pays arctiques mais aussi dans les montagnes des régions tropicales et tempérées. Formés sur des roches très différentes, comme les basaltes, les calcaires, les moraines, ils se présentent sous la forme de polygones juxtaposés dont les dimensions varient de quelques décimètres à quelques mètres. Les polygones peuvent être limoneux en leur centre et pierreux sur les côtés (cercles de pierres) ou, au contraire, pierreux au centre et limoneux sur les côtés (rosés de pierres). Les polygones homogènes sont des polygones dits de terre. L'origine des sols polygonaux est confuse. Cependant les processus de rétraction à l'origine du réseau de fentes et les bombements sont sans doute primordiaux.

Hormis les sols polygonaux, les espaces plats montrent des champs de boue, formés sur du matériel fin. On les observe surtout dans les Andes et en Islande. Ils se présentent sous l'aspect de grumeaux juxtaposés, fixés parfois par la végétation.

Les champs de pierres, constitués par les débris issus de la gélifraction des roches, forment un chaos de blocs anguleux. Les pierres posées à plat sur un sol mou, tel le mollisol après le dégel, forment un dallage nival. Quand le sol gèle, les pipkrakes soulèvent les pierres, qui peuvent alors soit retomber à plat, soit se redresser les unes contre les autres si elles sont trop nombreuses. Les buttes gazonnées, ou thufurs, sont des monticules de dimensions réduites qui se groupent généralement en champs de buttes : elles résultent également d'une autre forme de ségrégation de la glace.

— Sur les versants le processus de gélifraction est à l'origine des accumulations de pierres, tandis que le processus de solifluxion donne des accumulations boueuses. Quand seule la gravité agit sur le versant les amas pierreux forment des éboulis de gravité. Si l'action des pipkrakes s'y ajoute, les éboulis sont plus ordonnés et montrent une alternance de lits grossiers et de lits fins. Les coulées de blocs se produisent sur des pentes faibles (les blocs sont entraînés par la boue). Ces rock-glaciers sont des coulées de blocs présentant un relief particulier de bourrelets transversaux convexes vers l'aval. La solifluxion des boues fines donne des formes différentes, comme les sols striés, sols polygonaux allongés dans le sens de la pente, les pieds de vache, les terrassettes et les coulées boueuses. Sous l'action du gel et de la solifluxion, le versant périglaciaire, à la fin de son évolution, est recouvert par un manteau de matériaux fins, à pente très faible et constante.

9°.  Le réseau hydrographique

Dans les pays arctiques, il est caractérisé par un drainage inorganisé où les dépressions fermées analogues aux dolines sont nombreuses. Les lacs, en général peu profonds, se forment à partir des mares dues à la fusion de la glace entre les bourrelets du sol. Ils s'agrandissent du fait du sapement des berges dû aux vagues et par fusion du pergélisol au contact de l'eau. Les vallées fluviales sont souvent ennoyées par les matériaux descendus des versants. Cependant, l'incapacité des cours d'eau périglaciaires à évacuer les débris issus de la gélifraction n'est pas générale : ainsi, dans les pays humides et peu gélifs parce que la couverture herbeuse s'est conservée, la charge n'est pas élevée et le débit peut être abondant. Les remblaiements s'observent quand la pente devient plus faible.

Les grands fleuves d'orientation méridienne, tels le Mackenzie (Canada) et les fleuves sibériens, sont caractérisés par une crue de dégel dont la progression est gênée par les glaces situées à l'aval et fondant plus tardivement : la crue s'étale ainsi sur plusieurs kilomètres de large et se traduit par des remblaiements. Quant aux petits cours d'eau coulant dans des régions planes, sèches, très froides et gélives, ils sont le plus souvent paralysés par leur charge.

9.  les paysages arides

Les régions arides ou désertiques sont caractérisées par les traits suivants : un climat défini par des températures extrêmes à l'échelle du jour comme à l'échelle de l'année; des précipitations faibles (inférieures à 200 mm par an) et irrégulières à l'origine, d'une part, d'un écoulement spasmodique dont l'oued représente le type caractéristique du désert, et, d'autre part, de la rareté ou de l'absence de végétation ; des vents fréquents et très forts qui sont l'agent principal de l'érosion désertique, les autres agents étant d'une part la température, dont l'amplitude diurne entraîne la désagrégation mécanique, et d'autre part le ruissellement sauvage.

a) L'action érosive du vent

L'action érosive du vent se traduit par la déflation et la corrasion. La déflation concerne le déblayage de débris meubles et secs provenant de la désagrégation physique ou chimique des roches. Elle entraîne ainsi un véritable tri (vannage) des matériaux, les débris les plus lourds restant sur place. La corrasion est l'attaque des roches grâce aux débris transportés.

Roche modelée par le vent

Les grains, projetés par le vent, et qui acquièrent un aspect mat caractéristique par usure les uns contre les autres, érodent tous les reliefs à ras du sol, donnant ainsi des formes particulières, en champignon, ciselant des cannelures dans les argiles tendres (yardangs du Turkestan), façonnant des cailloux à facettes appelés dreikanters. Les champs de cailloux sont les regs.

Les aspects des regs sont très variés : il existe des regs de dreikanters, des regs de cailloux anguleux, des regs de composition hétérogène avec des cailloux anguleux de quelques centimètres de diamètre et des grains ronds de sable de l'ordre du millimètre qui, seuls, peuvent être déplacés par le vent. Le reg peut se présenter sous la forme d'un pavage serré de cailloux : dans ce cas, il n'évolue plus. Par contre, s'il existe des grains de sable entre les cailloux, le tri par le vent peut continuer.

Le transport des débris par le vent s'effectue de trois façons différentes : par suspension, les débris les plus fins, les poussières, étant aspirés par des tourbillons ascendants et se déposant soit par diminution de vitesse du tourbillon, soit par précipitation; par saltation, les grains plus gros ou mus par un vent moins fort effectuant des bonds successifs selon une courbe dissymétrique tendue au départ et aplatie à l'arrivée; par reptation, les grains les plus gros qui ne peuvent être pris en charge par le vent se déplaçant quand les grains effectuant leur trajet par bonds successifs tombent sur eux.

La saltation et la reptation, se produisant généralement à ras du sol, conduisent à l'élaboration des grandes accumulations de sable classées en trois types. Les plaines de sable s'observent quand l'accumulation en sable est insuffisante. Les étendues informes, appelées gozes, résultent de l'accumulation de sable dans une région occupée par la végétation. Le troisième type, de loin le plus représenté, concerne les champs de dunes, ou ergs, dont l'origine est due à l'accumulation abondante de sable non cohérent.

La forme d'une dune varie en fonction de la force et de la direction des vents dominant et secondaire. La dune affecte d'abord la forme d'un bouclier, puis devient ovoïde à surface ridée et présente bientôt, dans le sens du vent, un profil en trois sections : la section d'accumulation, au vent, qui est en pente douce et se termine en biseau (sif au Sahara) ; une section en pente très raide, talus de retombée des sables, sous le vent; une section en pente plus douce, due au placage du sable issu de la section supérieure par le tourbillon de retour. Le tracé de la dune affecte la forme d'un croissant dont les cornes sont situées au vent car elle progresse plus vite au centre qu'à ses extrémités. Ces dunes en croissant sont des barkhanes (Turkestan).

Un exemple de dunes en croissant : les barkhanes

Le tracé prend également la forme d'un S et la dune est alors appelée sif. Un tel tracé s'explique par la variabilité des vents. Quand le vent est fort et l'alimentation insuffisante, la dune peut se scinder en son milieu et former deux longues chaînes parallèles au vent. Les couloirs dans lesquels s'engouffre alors le vent sont des gassis. Le vent secondaire soufflant sur les chaînes est responsable de la formation de dunes secondaires, de bras rattachés à la dune principale, laquelle montre alors des formes en crêtes de coq, en dents de scie, avec le plus souvent apparition de ghourds, pyramides formées par la coalescence d'un bras avec la dune principale.

Vue caractéristique d'un sif avec le tracé en S de la crête de dunes

b) La désagrégation mécanique

La désagrégation mécanique, accentuée dans les régions désertiques par l'absence de végétation ainsi que de manteau de sol, et due aux variations thermiques considérables s'observant au cours d'une journée, entraîne dans les roches de fortes tensions allant jusqu'à l'éclatement. Ces éclatements brusques sont favorisés par l'humidification, si faible soit-elle, par la rosée ou par la pluie, qui élargit les diaclases. Le gel joue un rôle, en particulier sur les hauts sommets plus humides qui montrent ainsi, à leur pied, des talus d'éboulis. De même, les sels encastrés dans les pores des roches désintègrent celles-ci par hydratation; le granité, notamment, se désagrège en arène.

Le ruissellement, excessivement rare dans un désert absolu, est actif dans les régions subdésertiques. Le paysage est transformé en quelques heures par une averse violente qui entraîne d'une part un ruissellement de type diffus, et d'autre part la crue des oueds, pourtant à sec toute l'année ; elle aboutit à une érosion puissante donnant un relief de bad-land.

Le ravinement de type bad-land montre un réseau dense de ravins séparés par des croupes ou des crêtes, notamment sur les marnes et les argiles en pente forte. Une plaine désertique peut être traversée par un cours d'eau allochtone permanent (comme le Nil) ; cependant, les cours d'eau éphémères, les oueds, dont les eaux se perdent rapidement par évaporation et par infiltration, sont les plus caractéristiques. L'oued montre parfois des terrasses alluviales liées à des changements de climat.

c) Le paysage désertique

Le paysage désertique n'est pas composé uniquement de formes d'accumulation, tels les ergs, et de formes dues à la déflation, comme les regs. Les montagnes, sans couverture végétale et sans sol, présentent un aspect raviné, décharné et pierreux. Les plateaux, appelés hamadas au Sahara, également nus, sont constitués à leur sommet d'une croûte durcie et mince, dont les bordures donnent soit des festons, soit des cuestas très raides, précédées le plus souvent de buttes témoins. Le paysage désertique montre également de grandes plaines, appelées pédiplaines, dominées par des reliefs isolés, les inselbergs, et de grandes surfaces inclinées mais transversalement planes, appelées glacis. Pédiplaines, glacis et inselbergs ne sont pas particuliers au paysage désertique. Ces formes sont également représentées au sein des régions tropicales humides.

10. Les paysages tropicaux humides

Le climat des régions tropicales humides est caractérisé par des températures moyennes annuelles élevées et uniformes pendant l'année, ainsi que par de très abondantes précipitations. Ces conditions favorables assurent une très forte activité végétale. Des nuances apparaissent de l'équateur vers les tropiques. Deux grandes zones se différencient :

— La zone équatoriale, sans saison sèche (pluies réparties sur toute l'année) et sans oscillations thermiques annuelles. Le sol est gorgé d'eau toute l'année; c'est le domaine de la forêt dense.

— La zone tropicale humide, caractérisée par l'alternance d'une saison sèche (sans précipitations) et d'une saison humide. La forêt dense fait place à la forêt claire et à la savane (formation herbacée). Lorsque la sécheresse s'accentue (allongement de la saison sèche et faible total des pluies de saison humide), la savane fait place à des formations discontinues à épineux ou à cactées. On passe ainsi progressivement aux zones arides et aux déserts.

Cette succession des climats suivant la latitude peut être modifiée par la proximité de la mer : plus grande sécheresse des zones continentales, plus grande humidité des domaines océaniques (exemple de la zone sahélienne en Afrique).

Les processus d'érosion physico-chimiques et biologiques sont particulièrement efficaces du fait de l'abondance de l'eau et de la chaleur. Il s'agit essentiellement des phénomènes suivants :

\'hydratation; sous l'effet de l'augmentation de volume qui en résulte, les roches se désagrègent et deviennent meubles; un très épais manteau d'arène recouvre les roches saines;

— la réduction et l'oxydation : sous l'action d'eau très chargée en produits organiques le fer est solubilisé;

\'hydrolyse des minéraux: les ions H+ et OH- des solutions du sol remplacent les cations alcalins et alcalino-terreux des minéraux. Les structures cristallines sont détruites. Outre les bases, une part très importante de la silice est lessivée. Le fer et l'aluminium, également libérés mais peu mobiles, tendent à s'accumuler. La pédogenèse est très active. D'énormes quantités de débris fins sont produites (les profils d'altération atteignent 50 m d'épaisseur sur les pentes les plus faibles) ;

— les éboulements en masse sur les pentes supérieures à 40°;

— la solifluxion des matériaux fins sur les pentes plus douces ;

— le ruissellement en film et le creeping, qui assurent difficilement l'évacuation des débris sur les versants.

L'érosion fluviale est inefficace bien que les quantités d'eau écoulées par les rivières soient les plus élevées du globe (de 0,3 à 2 m par unité de surface). D'une part, les grands fleuves ne connaissent pas de crues saisonnières comparables à celles des rivières des zones tempérées et périglaciaires, qui sont les périodes les plus efficaces du travail d'un cours d'eau. D'autre part, les versants ne fournissent pas de galets et de blocs indispensables au creusement du lit. Dans le lit, même les débris arrachés par la rivière se réduisent très rapidement en sables et en argiles.

Dans les régions tropicales à saison sèche, les énormes variations saisonnières des débits favorisent l'érosion latérale par étalement hors du lit mais non le creusement longitudinal. Par conséquent, le profil en long des rivières présente de multiples paliers qui se traduisent par des cascades, ou rapides, même à faible distance du niveau de base (exemple du Zambèze). Ces ressauts reculent très lentement, la rivière se bornant à nettoyer la roche saine des produits d'altération.

Le profil en long des rivières présente de multiples paliers qui se traduisent par des cascades.  Ici, une cascade sur le Nil Bleu.

Dans les régions les plus humides, certains fleuves coulent non dans des vallées à versants nets, mais dans d'immenses plaines si plates que le sens de l'écoulement peut varier suivant l'importance des pluies d'un point à l'autre de la vallée.

a) Le modelé de la forêt dense

La pédogenèse et l'altération étant plus actives que l'érosion mécanique, il faut signaler les divers types de sols. La forêt dense est le domaine des sols ferrallitiques. Ces sols varient suivant les conditions de drainage.

— Dans les secteurs très bien drainés, les bases (Ça, Mg, K) et la silice libérées par l'hydrolyse des silicates sont entraînées par lessivage oblique. Les sesquioxydes de fer et d'aluminium (Fe2O3 et Al2O3), moins mobiles, s'accumulent : ces sols sont des ferrallites. Si la concentration en alumine est très forte, on a de la bauxite.

Un exemple de cuirasse bauxitique en Provence : l'aluminium s'accumule avec un peu de fer au contact de la roche-mère.

— Dans les secteurs à drainage médiocre, la silice n'est que partiellement exportée; de grandes quantités d'argiles de type kaolinite sont néoformées.

— Dans les secteurs mal drainés et les bas-fonds, le milieu riche en bases et en silice favorise la genèse d'argiles de type montmorillonite. Lorsque la forêt est détruite et que l'équilibre climat-végétation est rompu, apparaissent des cuirasses ferrallitiques. On trouve aussi de grandes poches de roches pourries et d'épaisses couvertures d'arène. La topographie, confuse, est composée d'un dédale de croupes : les demi-oranges, croupes rondes à versants convexes doux; les pains de sucre, dômes très aigus à versants convexes très raides. La concavité basale de ces versants est très peu développée par suite de l'amenuisement rapide des débris.

b) Le modelé des savanes

Pendant la saison humide, les conditions d'altération sont très comparables à celles qui régnent en zone équatoriale. Inversement, durant les quatre à huit mois de la saison sèche, la nappe phréatique disparaît en profondeur et l'altération des roches est arrêtée.

La savane est le domaine des sols ferrugineux tropicaux et des cuirasses ferrugineuses. Dans ces sols, la silice n'est que partiellement lessivée; elle se combine avec l'alumine pour former principalement de la kaolinite et de l'illite. Pendant les périodes humides (engorgement des sols), le fer est entraîné et se concentre dans la partie inférieure des profils. Pendant la saison sèche, le fer se déshydrate et précipite. Il peut même se produire une induration de l'horizon riche en oxydes de fer, d'aluminium et de manganèse cristallisés. De vastes surfaces sont couvertes de carapaces et de cuirasses ferrugineuses. Si l'on peut briser à la main cet horizon induré, on parle de carapace; si le durcissement est plus important, on est en présence d'une cuirasse que l'on brise au pic. Trois grands types de cuirasses sont couramment distingués :

— les cuirasses d'érosion; lorsque la forêt dense ou la savane sont détruites, les sols sont érodés; les horizons meubles supérieurs sont décapés, et les horizons B d'accumulation des sesquioxydes, exposés au soleil, durcissent;

— les cuirasses de nappe; dans les dépressions, sur les plateaux à mauvais drainage, le fer s'accumule et précipite. Ces cuirasses sont très riches en fer et pauvres en aluminium;

— les cuirasses d'accumulation relative, qui représentent l'évolution extrême des sols ferrallitiques et sont moins fréquentes.

— Le moins mobile des éléments, l'aluminium, s'accumule avec un peu de fer au contact de la roche mère pour donner des cuirasses bauxitiques.

Toutes ces cuirasses, très résistantes, couronnent de nombreux plateaux, replats et glacis étages. Les terrasses alluviales des fleuves sont souvent cuirassées par le fer qui migre des versants. L'érosion mécanique l'emporte sur l'altération chimique dans la destruction des cuirasses : écroulement des bords par soutirage, ruissellement, etc. L'érosion isole de petites buttes et des lambeaux de glacis appelés bowals.

c) Formes d'aplanissement

Les paysages présentent des formes de relief communes aux pays tropicaux humides et tropicaux secs (le glacis, la pédiplaine, l'inselberg).

Le glacis est une étendue plane, de pente latérale nulle, de pente longitudinale sensible (de 1 à 5 %). Il est balayé par des chenaux sinueux, les rills, qui coulent à sa surface sans s'y encaisser. Lorsqu'une rivière s'y encaisse, cela signifie que le glacis est ancien et en voie de destruction. Plusieurs glacis anciens peuvent s'emboîter les uns dans les autres. Vers l'amont, le glacis peut se raccorder à la montagne par des cônes d'accumulation ou être coupé de l'arrière-pays par un col de flanc. L'arrière-pays peut être une montagne, une zone de versants peu élevés ou un relief isolé : l'inselberg. Le contact glacis-montagne suit une ligne droite ou présente de nombreux rentrants : les embayments. Vers l'aval, le glacis débouche sur un oued, sur une plaine d'épandage, la playa, à lagune temporaire : la sebkra; dans certains cas, le glacis passe insensiblement à une pédiplaine. On distingue les glacis d'érosion et les glacis d'accumulation. Si le glacis est développé en roche tendre, on parle d'érosion; s'il est développé sur roche cristalline, on parle de pédiment. Lorsque la forme plane du glacis est acquise par remblaiement des creux et étalement d'alluvions ou de colluvions, le glacis est dit d'accumulation. Un même glacis peut passer d'un type à l'autre.

La pédiplaine présente une pente presque nulle dans toutes les directions. Comme le glacis, elle est immense et se raccorde à une montagne ou à un inselberg. Les rivières ne s'encaissent pas dans la faible couverture de débris qui la recouvre. En zone tropicale humide, elle porte parfois une cuirasse ferrugineuse. Les processus de formation des pédiplaines, des pédiments et des glacis sont assez semblables. Les pédiplaines résulteraient de l'altération des roches sous climat tropical humide. Les cours d'eau déblaieraient et étaleraient simplement les débris fins. Lorsque la saison sèche s'accentue, l'altération diminue au profit de la désagrégation mécanique des roches. La violence des précipitations favorise \'érosion aréolaire : de véritables nappes d'eau s'étalent au débouché des montagnes et décapent de larges surfaces de roches altérées ou désagrégées. Le sapement des rills et des oueds contribue à élargir ces glacis. Les pédiplaines et les glacis situés actuellement en zone sèche évoluent très lentement et sont presque immunisés. Ces formes caractérisent des climats plus humides, anciens, et sont héritées. De même, dans les régions équatoriales, les pédiplaines et les glacis ne sont pas en équilibre avec le climat actuel, mais représentent un héritage de climats anciens à saisons plus contrastées.

L'inselberg est un relief vigoureux, haut de quelques dizaines de mètres à plus de 500 m, dominant une pédiplaine, un glacis ou un relief de croupes. Il se présente isolé ou en massifs. Ses formes sont diverses : à sommet plat (témoin d'un ancien aplanissement) parfois cuirassé, effilé, en dos de baleine, à bosses, en pain de sucre (forme caractéristique des pays équatoriaux). Les pentes latérales varient de la pente moyenne au surplomb. En pays tropical sec, les flancs de l'inselberg évoluent lentement par desquamation et formation de boules et de taffoni. En pays tropical humide, le recul des versants est plus rapide. La résistance de la roche sur les parois de l'inselberg en climat équatorial est mal expliquée. On distingue deux types d'inselberg : les inselbergs de dureté, correspondant à un noyau de roche particulièrement résistante; les inselbergs de position, situés très loin des talwegs, et issus du recoupement de versants raides reculant parallèlement à eux-mêmes. La formation des inselbergs reste un problème controversé. Il est cependant probable que leur dégagement s'est produit pendant des crises climatiques anciennes. Les pentes furent débarrassées de leur couverture d'altération et les noyaux rocheux résistants mis en relief. Le cas des inselbergs confirme la complexité de la morphologie des pays tropicaux, où les formes climatiques actuelles ou récentes s'associent aux formes héritées de climats légèrement différents.

11. Les paysages littoraux

Le domaine intertidal est le domaine de contact entre la terre et la mer : il est compris entre les plus hautes et les plus basses mers et correspond, au sens strict, à l'estran.

Le marnage, différence entre les plus hautes et les plus basses mers, oscillant généralement autour de 2 à 3 m, peut présenter des valeurs inférieures (quelques décimètres en Méditerranée) ou nettement supérieures (plus de 10m au Mont-Saint-Michel et près de 20m dans la baie de Fundy, au Labrador). De la même façon, l'estran extrêmement étroit en ce qui concerne les mers à marées peu sensibles, peut s'élargir considérablement (20 km pour les veys normands). Le domaine intertidal, compris au sens large et englobant ainsi une partie des fonds toujours immergés et une partie de la côte exceptionnellement submergée, est soumis d'une part à l'action de la mer, et d'autre part, dans une moindre mesure, aux processus d'actions terrestres.

Parvenues à la côte, les vagues, après avoir subi des changements de direction (réfraction, réflexion et diffraction) et des variations de caractères relatifs à un phénomène ondulatoire (longueur d'onde, vitesse, cambrure), déferlent (c'est le déferlement, ou surf) soit en volutes (pluging breaker), soit par déversements (spilling breaker), et, enfin, se transforment en ondes de translation, le swash, décomposé en jet de rive (uprush) et retrait (backwash).

Sur une plage, la vague exerce une action d'érosion double : creusement dans le cas du déferlement en volutes, et érosion laminaire ou en nappe lors du retrait. Elle transporte les matériaux soit par roulage, soit par mise en suspension, en particulier lors du déferlement et du jet de rive. D'autre part, dans le swash elle exerce une action de répartition et de triage de matériaux.

Au pied d'une falaise, la vague agit par pression sur la roche et sur l'air comprimé par l'eau dans les fissures, par succion lors du retrait, par chocs de blocs déplacés, par mitraillage d'éléments moins grossiers et par jaillissement sur un obstacle.

Les vagues donnent naissance à des courants, tels les courants d'arrachement, perpendiculaires au rivage, étroits, rapides, affectant toute la tranche d'eau. La dérive littorale, ou courant de débris, est un agent de transport fondamental : elle résulte de l'arrivée en incidence oblique des vagues au rivage, les matériaux cheminant alors en dents de scie. Les courants de marée, très rapides aux rivages, sont particulièrement puissants dans les détroits de chaque côté desquels l'heure de la marée est différente (détroit de Messine) ainsi que dans les détroits où le courant de marée est canalisé. Les courants de marée peuvent être renforcés par des courants de décharge assurant une vidange. Les autres courants, dus soit aux vents, soit aux différences de densité, jouent un rôle mineur en morphologie littorale.

a) Processus subaériens

Les parties rocheuses situées au-dessus de l'estran sont soumises au ruissellement des eaux de pluie et aux paquets de mer. L'eau infiltrée provoque surtout la dissolution des calcaires par l'intermédiaire de fissures, et des éboulements quand une couche argileuse forme la base d'une falaise. Le gel, qui élargit les fissures du haut des falaises, joue un rôle plus significatif encore à la base de celles-ci où il est à l'origine, dans les mers froides, d'un pied de glace dont les glaçons sont constitués d'eau de mer gelée et de neige tassée. L'action principale du pied de glace est l'éclatement de la base de la falaise par gel de l'eau de fonte qui a pénétré les fissures. En outre, le pied de glace amortit le déferlement des vagues.

Le vent a une double action : indirecte par l'intermédiaire des vagues, directe par l'édification des dunes littorales. Les processus chimiques concernent particulièrement les calcaires, dont le facteur essentiel de dissolution semble être les variations diurnes de la quantité de gaz carbonique dissous au niveau des eaux littorales et des mares. La désagrégation de ces dernières est liée à l'alternance humidification-assèchement. Les influences biologiques ne sont pas négligeables : ainsi, les coraux et les Algues calcaires construisent des récifs. Les Algues jouent un rôle de freinage sur les vagues, tandis que les Algues pourvues de crampons transportent les pierres auxquelles elles sont fixées. Enfin, les animaux perforants taraudent certaines roches, les animaux triturants et fouisseurs assimilent certains sédiments, et les Poissons, les Mollusques et les Crustacés disloquent les roches diaclasées.

L'interaction des processus d'origines marine et terrestre conduit à des formes littorales d'érosion, comme les falaises, d'accumulation, comme les plages, et de construction, comme les récifs coralliens.

Une falaise est un ressaut littoral en pente plus ou moins forte, de hauteur variable et dépourvu généralement de végétation. A son pied, elle est le plus souvent précédée d'une plate-forme rocheuse de pente plus faible, mais celle-ci peut manquer (la falaise est alors dite plongeante et la côte accore). L'élaboration d'une falaise ne résulte pas seulement de l'affouillement du relief continental par la mer mais aussi de l'intervention de processus subaériens divers. L'érosion marine agit à la base des falaises en donnant des surplombs, tandis que l'infiltration des eaux atmosphériques ainsi que les conséquences des variations de température et des cycles gel-dégel entament les parties surplombantes, qui finissent par s'écrouler à l'occasion de tempêtes ou de pluies violentes et par former, à la base de la falaise, un talus d'éboulis. La mer déblaye les débris, tandis que les matériaux plus résistants deviennent par roulage et usure des galets.

Exemple de falaise verticale taillée dans du basalte : le falaise de Moher (Islande)

Le recul d'une falaise est fonction de la nature des roches qui la composent et de l'orientation des couches. L'érosion est d'autant plus rapide que les couches sont inclinées vers la terre. Dans les matériaux meubles, tels les sables, les alluvions, les cendres volcaniques, l'évolution est rapide et se fait par glissements (landslips).

Les falaises de type argileux sont découpées par des ravins (bad-lands). Les coulées boueuses s'étalent sur la plage en loupes rapidement déblayées par la mer. Les falaises composées d'une roche cohérente et rigide au sommet et d'une roche imperméable à la base sont sujettes à d'énormes glissements et présentent un profil comparable à celui de blocs failles, au pied desquels s'étirent des loupes de solifluxion.

Les falaises constituées de roches cohérentes montrent soit un profil vertical (basaltes à structure colonnaire, schistes, calcaires) et évoluent par éboulements brutaux, soit un profil convexe (grès durs). Ces falaises sont recouvertes de végétation de telle sorte que seule la partie inférieure de la falaise subit l'action des vagues : il s'agit par conséquent de fausses falaises.

Une falaise morte (par opposition à une falaise vive) est située en retrait du rivage ou en position perchée par rapport à celui-ci. Les falaises, protégées de l'érosion littorale par une végétation dense, évoluent surtout par glissement de masses de sol.

b) La plage

Une plage est une accumulation sableuse littorale, le terme grève s'appliquant aux accumulations de galets. Une plage montre trois grandes zones.

La plage off-shore, ou sous-marine, est toujours immergée; sa partie la plus littorale est entaillée par des sillons prélittoraux (bâches) se formant sous l'action des houles perpendiculairement à leur direction de propagation et dont l'origine serait les remous sur le fond. La plage sous-marine montre également des rides plus ou moins symétriques qui donnent aux fonds sableux l'aspect de tôles ondulées : ce sont les ripple-marks dues aux vagues et aux courants et dont la distance entre les crêtes est de l'ordre du décimètre. Les ripple-marks sont soit symétriques, soit dissymétriques quand le courant est turbulent, soit encore rhomboïdales quand plusieurs trains de rides interfèrent.

La plage proprement dite, ou estran, correspond à la zone qui ne se découvre qu'à marée basse et présente également des ripple-marks ainsi que des croissants de plage. Ces derniers présentent la forme de festons de 0,5 à 1 m de profondeur et de plusieurs mètres d'amplitude. Leur origine est encore mal connue.

La haute plage ou back-shore, est formée de sable sec (sauf à l'occasion de tempêtes) et se distingue des dunes littorales par l'absence de végétation. Parallèlement à la ligne de rivage se répartissent sur la haute plage les gradins de plage, ou berms, qui sont les témoins de l'engraissement de la plage et sont recouverts par des ripple-marks de petite taille dues à l'action du vent. L'engraissement de la plage est lié aux courants et aux vents. Les sédiments que les courants acheminent ont une origine soit littorale (par érosion de la côte par la mer), soit sous-marine (par dragage des fonds par la houle et les courants de marée), soit encore fluviatile. Les apports éoliens sont particulièrement importants sur les côtes désertiques.

Immédiatement en arrière de la plage s'étendent généralement les dunes littorales, résultant de l'accumulation par le vent de sable sec soustrait à l'estran. La forme des dunes est fonction d'une part de l'alimentation en sable, et d'autre part de la force du vent.

Un vent de force moyenne et une alimentation abondante sont à l'origine de petites dunes (nebkhas) qui se réunissent en un cordon parallèle au rivage. Un vent fort et une alimentation plus faible en sable donneront naissance à des dunes paraboliques qui, à la différence des régions arides, présentent la concavité au vent. Par coalescence, les dunes paraboliques constituent des dunes en râteaux. La permanence d'une dune est liée à sa fixation par la végétation naturelle (joncs) ou plantée (pins). La disparition de la couverture végétale provoque la reprise de l'érosion éolienne qui ouvre des brèches de forme semi-circulaire, les caoudeyres. Le sable arraché donne des pourrières, dunes de reconstitution, puis des dunes en traînée. La dune initiale prend le nom de croc.

Outre les plages, il faut signaler les dépôts littoraux se présentant sous la forme de rides et de flèches littorales, reliées ou non à la terre ferme.

Les vagues et les courants sont responsables des ripple-marks.  Ici, une plage de l'Alaska.

Les crêtes d'avant-côte émergées apparaissent dans les régions où les houles dominantes sont obliques par rapport à la côte et se raccordent à celle-ci par des festons. Si les apports sédimentaires sont abondants, il se crée une flèche littorale reliée au rivage; la présence de cette flèche est toujours liée, d'une part, à un courant de direction constante transportant les sédiments, et, d'autre part. à l'existence d'un point d'appui (îlot rocheux) et de profondeurs faibles.

Les flèches tendent fréquemment à barrer une baie ou un estuaire. Dans ce cas, elles prennent le nom de poulier (nom picard) et progressent par allongement sous la forme de crochets.

Dans l'estuaire, au poulier fait face le musoir, qui est soumis à une érosion active. La flèche peut isoler une nappe d'eau, qui se transforme en lagune.

Le tombolo est une autre forme classique d'accumulation littorale unissant la côte à une île voisine. Il s'explique par la réfraction des vagues derrière l'île ou par l'interférence de deux trains d'ondes qui déposent les sédiments. Les tombolos sont fréquemment simples (Quiberon), parfois doubles (Giens) et rarement triples (Ortebello). La création d'un tombolo suppose une faible profondeur du chenal séparant l'île de la côte et l'absence de courant dans ce chenal.

Les autres formes d'accumulation littorale concernent en particulier les flèches sableuses appelées queues de comètes. Celles-ci s'appuient sur une île isolée en mer et se développent en triangle effilé vers la mer sur la rive de l'île abritée par rapport à la houle.

Séparée de la mer par une construction littorale, une lagune est une étendue d'eau salée ou saumâtre communiquant avec la mer par des passes (les graus du Languedoc) qui se maintiennent par l'action érosive des courants de marée.

Derrière le long cordon sableux édifié en bordure de la côte languedocienne, les lagunes et les étangs saumâtres s'envasent peu à peu (environ de Palavas-les-Flots)

Lorsqu'elle est colmatée, la lagune se transforme en marais maritime. L'accumulation de vase d'origine marine ou continentale, soit en arrière d'une flèche littorale, soit dans une baie, soit encore par colmatage de la partie abritée d'un estuaire, forme un marais maritime qui se divise classiquement en deux parties : une partie basse, située dans la zone de balancement des marées et dépourvue de végétation, la slikke (vasière en Vendée) ; une partie haute, submergée exceptionnellement, formée de vase desséchée, et portant une végétation de plantes halophiles : le schorre, ou herbu. Une microfalaise marque la limite entre la slikke et le schorre: c'est le talard. Un réseau de chenaux caractérisés par des branches de flot et de jusant sillonne le marais maritime. Dans les pays tropicaux humides, les vasières se fixent d'autant plus rapidement qu'une végétation aquatique d'arbres à racines aériennes (palétuviers) y prend pied, constituant une zone de végétation dense : la mangrove.

Un exemple de marais maritime : on distingue au premier plan le shorre ou herbu, submergé exceptionnellement et recouvert de végétation, séparé de la slikke, située dans la zone de balancement des marées par une microfalaise, le talard.

Les formes de construction littorale concernent principalement les édifications coralliennes. Les coraux ne sont constructeurs de récifs que dans des limites assez étroites déterminées par la température des eaux (jamais inférieure à 18 °C), la profondeur des eaux (jusqu'à 25 m), la salinité (entre 27 et 40 %„) et la turbidité. Cette écologie explique que les coraux croissent dans les mers tropicales mais non sur les côtes orientales des océans, où le phénomène d'upwelling refroidit les eaux de surface.

La forme élémentaire des récifs coralliens est Vatoll, constitué d'une couronne de corail entrecoupée de passes plus ou moins larges et entourant un lagon dont la profondeur excède rarement 100 m. La zonation d'un atoll est la suivante : une pente externe abrupte (45°) avec des surplombs; une crête constituée d'Algues calcaires formant la partie la plus haute de l'atoll sur laquelle viennent se briser les vagues déferlantes, ce qui empêche la formation de colonies de coraux de grande taille; en arrière de la crête, se développe le platier récifal, large en moyenne de plusieurs centaines de mètres, et constitué en partie de corail mort recouvert de corail vivant entre les creux desquels s'accumule du sable; vers le lagon, le platier récifal plonge selon une pente interne douce portant des colonies de corail. Le lagon, à fond parfois plat et tapissé de sable calcaire, est parsemé le plus souvent de pinacles coralliens qui affleurent à sa surface ou qui sont totalement immergés.

Les autres formations coralliennes sont les récifs-barrières, qui enferment des îles non coralliennes (Queensland), les récifs frangeants, bordant de très près une terre non corallienne et protégés ou non par une barrière, les récifs annulaires à lagon peu profond, qui sont de petits atolls, les platures coralliennes, récifs isolés sans forme particulière, et les récifs immergés ou surélevés, de formation ancienne. La formation d'un atoll semble résulter de l'affaissement progressif d'une île dans la mer, le récif frangeant devenant d'abord un récif-barrière, lequel devient enfin un atoll par disparition totale de l'île.

Vue d'un récif-barrière.  On observera la passe qui mène au lagon.  Ile de Western Carolina, du groupe des Manihiki, Polynésie.

La classification des types de côtes est compliquée par l'excessive variété des rivages. Il est possible cependant de distinguer deux grandes catégories : les côtes primaires, dans l'élaboration desquelles la mer n'a qu'un rôle mineur, et les côtes secondaires, où les actions marines sont responsables des formes dominantes.

Les côtes primaires comprennent les côtes modelées par l'érosion continentale, en particulier celles qui ont subi la transgression flandrienne (submersion se traduisant par une avancée du trait de côte sur le continent), la plus récente, les côtes résultant de l'accumulation de dépôts continentaux, les côtes d'origine volcanique, les côtes d'origine tectonique.

— Les côtes d'érosion continentale sont de trois types : les côtes à rias, vallées fluviales envahies par la mer, présentant ainsi en coupe un profil en V et décrivant des méandres et ramifications analogues à ceux

des affluents (les rias les plus typiques s'observent en Galice et en Bretagne) ; les côtes à fjords, vallées glaciaires envahies par la mer présentant un profil en U et dont la profondeur augmente d'aval en amont; les côtes à calanques, qui semblent être des cavités karstiques envahies par la mer (les calanques de Cassis sont renommées).

Vue aérienne de la ria d'Etel dans le Morbihan montrant à l'aval un goulet étroit et à l'amont un véritable golfe

— Les côtes d'accumulation présentent les types suivants : les côtes à deltas; les côtes de plaine alluviale, la plaine alluviale basse étant édifiée par les apports des fleuves côtiers plus ou moins parallèles et étant bordée par une longue plage rectiligne (côte orientale de la Corse) ; les côtes de dépôts glaciaires, les côtes à drumlins étant facilement reconnaissables par l'émersion d'îlots de forme ovoïde.

— Les côtes d'origine volcanique sont des côtes circulaires ou à grands lobes : en effet, d'une part, une île volcanique montre, si l'édifice n'a pas été défiguré, un contour plus ou moins circulaire ou elliptique (côte occidentale de l'Ecosse), et, d'autre part, certaines îles peuvent comprendre plusieurs volcans, la côte offrant alors autant de lobes qu'il y a d'appareils (Hawaii). L'ennoiement des caldeiras par la mer crée un type de côte originale avec des parois vertigineuses dominant une baie centrale (par exemple, l'île de Santorin dans la mer Egée).

— En ce qui concerne les côtes d'origine tectonique, le type le plus simple est celui d'une côte bordée et formée par une faille récente (golfe de Californie). Des blocs failles parallèles au rivage donnent naissance à une côte d'escarpement de faille précédée d'îles (la côte provençale entre Sicié et Cavalaire). Sur la côte dalmate, les îles parallèles au rivage correspondent aux anticlinaux, tandis que les synclinaux sont à l'origine des chenaux et des baies.

Les côtes secondaires, côtes primaires remaniées par les actions marines, comprennent les côtes en voie d'érosion, telles les côtes à falaises, et les côtes à tendances d'accumulations de sédiments détritiques ou organiques. Celles-ci concernent les côtes à flèches littorales, les côtes à tombolo et les côtes construites, telles les côtes coralliennes.

L'évolution littorale, pour autant qu'il est possible de l'appréhender puisque la transgression est un phénomène récent, tend vers la régularisation du rivage par sapement des caps d'une part, et par colmatage des lagunes formées en arrière de flèches barrant les baies d'autre part. Cette régularisation se produit de telle façon que la côte tend à prendre une direction perpendiculaire par rapport à la houle dominante. Celle-ci est déterminée en fonction de la direction résultante des vents les plus forts et les plus fréquents venant de la mer ainsi que du trajet maximal effectué sur la mer par le vent (ce trajet est le fetch). Ainsi, il est possible de prévoir l'orientation que tend à prendre la côte.

12.  Les applications de la géomorphologie

L'observation, la description et l'explication des paysages restent les préoccupations essentielles de la géomorphologie. Toutefois, depuis une décennie, la géomorphologie traditionnelle s'est muée en une géomorphologie dynamique qui s'attache surtout à démonter les ressorts inhérents aux processus actuels et passés et déterminant l'évolution d'un paysage par rapport aux divers éléments qui le constituent. Aussi la prévision de l'évolution d'un paysage est-elle aujourd'hui l'une des tâches majeures de la géomorphologie, dont les applications sont multiples à la surface du globe. Dans le domaine géologique, les morphologues se sont particulièrement efforcés de préciser les structures, les modelés les discontinuités des couches, les affleurements des gisements rocheux ainsi que l'organisation et le type de drainage des réseaux hydrographiques. C'est dans le domaine de la construction (barrages, digues, etc.] que les enseignements de la géomorphologie s'avèrent très utiles : en effet, la nature des dépôts et des sols doit faire l'objet d'études poussées déterminant leu mobilité, leurs caractères vis-à-vis d'un système d'érosion donné, etc. Les aménagements agricoles, surtout dans les pays en voie de développement, supposent un véritable quadrillage morphologique relatif, notamment aux formations superficielles.

Ainsi, la géomorphologie appliquée peut rendre de grands services à l'homme dans tous les domaines où la prévision à long ou moyen terme est possible grâce d'une part, aux connaissances théoriques et, d'autre part aux observations et aux expériences effectuées sur le terrain.


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Luc Van Bellingen

 

 

 

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