La formation des minéraux en Calestienne... Tentative d'explication et modèle de gîtologie.

Préliminaires
Introduction et contexte géologique
Analyse des gisements minéralisés de Calestienne
Situation géographique des gisements
La littérature existante
L'hypothèse du batholite et du système hydrothermal de socle
Première piste : les fluorites
Deuxième piste : les barytes
Troisième piste : les filons Pb-Zn-Fe
Synthèse des observations et des mesures
Modèle de gîtologie
Pendant le Dévonien Moyen et Supérieur
De la fin du Dévonien au Tertiaire
Pendant le Pléistocène
 

  1.  Préliminaires

Avant d'entamer une étude gîtologique des minéraux de la Calestienne, nous devons revoir quelques principes et quelques notions de chimie minérale élémentaire.

Les minéraux sont des solides naturels homogènes possédant une composition chimique définie et une structure atomique ordonnée. Toutefois il existe des exceptions à cette définition : le mercure est un liquide ; les gels solidifiés (opale) n'ont pas de structure atomique ordonnée.

Les minéraux sont composées d'atomes qui se sont collés, attachés, liés les uns aux autres par des liaisons ioniques et/ou covalentes.

L'atome comprend deux parties : un noyau et des électrons en mouvement rapide autour de ce noyau. Cette représentation ressemble aux planètes du système solaire en mouvement autour du Soleil.

• Le noyau
Il est constitué de protons de charge électrique positive, et de neutrons de charge électrique nulle.
Ces particules qui constituent le noyau sont également appelées nucléons.

• Le cortège électronique
Il est constitué d'électrons de charge électrique négative qui gravitent autour du noyau.

Les atomes ne peuvent se lier pour former des molécules que s'ils agissent entre eux comme des aimants : l'un négatif et l'autre positifs.  Ils s'attirent, se collent et la molécule se forme.

Pour qu'un atome soit chargé positivement il doit avoir perdu un électron et pour qu'il soit chargé négativement, il doit avoir gagné un électron.  Un atome chargé positivement ou négativement est appelé "ion".

Minéral Molécule Atomes ou complexes ionisés
     
Fluorite CaF2 Ca++ F- F-
Marcassite et pyrite FeS2 Fe++ S- S-
Goetite et Hématite Fe2O3 Fe+++ Fe+++ O-- O-- O--
Baryte BaSO4 Ba++ SO4--
Galène PbS Pb+ S-
Limonite FeO(OH) FeO+ OH-
Malachite CuCO3 Cu++ CO3--
Calcite CaCO3 Ca++ CO3--
Sidérite FeCO3 Fe++ CO3--

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2.  Introduction et contexte géologique

L'étude qui a été menée s'intéresse uniquement aux minéralisations qui se sont déposées dans des formations sédimentaires du socle primaire du Sud de la Belgique.

Ces formations comprennent tout ce qui appartient aux systèmes dévonien et carbonifère.  Elles affleurent largement au Sud du Massif du Brabant où elles ont été plissées pendant l'orogenèse hercynienne en deux grands synclinoria séparés l'un de l'autre par une grande faille inverse à pendage sud : la fameuse Faille du Grand Charriage du Condroz ou Faille Eifelienne plus communément appelée Faille du Midi.

Au Nord de cette faille, nous trouvons le Synclinorium de Namur au sein duquel se sont constitués les bassins houillers de Wallonie et au Sud, nous trouvons le Synclinorium de Dinant.

L'étude qui a été menée concerne principalement le bord Sud de ce second synclinorium où affleurent des roches du système Dévonien (Emsien, Eifelien, Givetien, Frasnien et Famennien : La Calestienne).

Dans cet ensemble que j'ai parcouru de long en large, observé, échantillonné, pendant près de 20 ans (de manière épisodique), nous pouvons dénombrer des gisements de galène, de sphalérite, de smithsonite, de pyrite, de marcassite, d'hématite, de goëtite, de limonite, de sidérite, de fluorite, de baryte et de nets indices de cuivre.

Ces gisements sont localisés dans des formations calcaires ou dolomitiques.  La plupart d'entre-eux ont été modifiés par des phénomènes karstiques postérieurs aux plissements.

Carte géologique schématique de la Belgique méridionale et des régions limitrophes.

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  3.  Analyse des gisements minéralisés de Calestienne

Carte des gisements minéralisés de Calestienne

Dessin L.V.B.

L'établissement de cette carte fait apparaître une région composée de différents districts minéralisés disposés concentriquement :

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La littérature concernant les gisements de Calestienne est très peu abondante... c'est le moins qu'on puisse dire.

Il y a bien eu quelques publications datant d'avant la Seconde Guerre Mondiale mais ces articles concernaient les gisement du Nord-Est de la Belgique.

En effet, une dizaine de gisements localisés dans la province de Liège et de Namur ont fourni plus de 100.000T de métal.  Les uns sont situés dans la région de Moresnet et les autres dans la région de Namur, notamment à Vedrin.  Entre 1850 et 1870, la production totale de ces mines a atteint 77.000T de minerai de zinc, 14.000T de minerai de plomb et 39.000T de minerai de fer.  Avec une telle importance, il est normal que des études aient été entreprises sur ces gisements.

Heureusement, de nombreux amateurs... et même des amateurs éclairés comme Michel Blondieau, André Vanoverschelde, J.L. Van de Roy, Michel Caubergs... et peut-être d'autres encore dont je n'ai pas connaissance, se sont intéressés aux mines de la Calestienne.  Descriptions, topographies, localisations géographiques des sites mais peu de métallogénie et peu d'analyses gîtologiques.

Nous allons essayer, avec l'aide des géologues du Service Géologique de Belgique, et avec l'aide d'éminents spécialistes français et québécois et avec nos humbles moyens de combler cette lacune.

Batholite: n.m. (du grec bathos « profond » et lithos « roche »). Masse de magma consolidé, roches plutoniques affleurant en de vaste ensemble circulaire à elliptique sur une carte. Il est fréquemment bordé par une auréole de métamorphisme de contact, diamètre 1 km à 1000 km (20 à 30 km chez certains auteurs).

A la suite de P. Fourmarier (1934), tous les auteurs classaient les gisements filoniens de Pb-Zn-Ba-F dans la catégorie des gîtes hydrothermaux liés à un magmatisme lointain non identifié.

On observerait une intrusion de magma à une certaine profondeur sous la région concernée.  Un métamorphisme de contact apparaît alors autour du batholite par fusion partielle de la roche environnante. Les éléments métalliques présents dans celle-ci vont alors migrer dans les cassures à son voisinage, donnant naissance, lors du refroidissement de l'ensemble à des filons hydrothermaux qui s'échappent du granite en direction des roches avoisinantes.  Ces minéraux prennent naissance à partir d'un fluide circulant dans des fissures de la roche hôte. Au contact des parois de la fissure, les minéraux se déposent. Lorsqu'il reste de l'espace libre, de beaux cristaux peuvent se développer. Dans le cas contraire, le filon sera massif.  Plus les métaux sont volatils, plus ils ont tendance à migrer vers le haut et vont précipiter de manière étagée en fonction de leur température de cristallisation.

Cette liaison entre un magmatisme et les minéralisations fut mise en doute par L. Van Wambeke (1956), mais c'est surtout I. de Magnée (1967) qui rompit définitivement avec la tradition en cherchant la source des métaux ailleurs que dans un hypothétique pluton.  Il est vrai qu'on n'a jamais découvert en Calestienne, Fagne-Famenne, ni Ardennes le "granite" qui aurait arrangé tout le monde.

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Dans divers sondages, notamment celui de la commune de Focant qui a révélé une masse importante d'évaporites, et dans divers gisements de fluorite, des mesures ont été prises afin d'évaluer l'origine des minéraux.

Ces mesures sont axées sur la géochimie du Strontium (Sr).  Les isotopes 87/Sr et 86/Sr qui se retrouvent dans de nombreux minéraux en des concentrations de quelques ppm (Parties Par Million), constituent des traceurs naturels permettant d'identifier les sources des éléments : à savoir une origine continentale ou marine.

D. Demaiffe et L. Dejonghe qui ont réalisé ces mesures ont découvert qu'il y avait une très nette similitude entre les teneurs en isotopes de Sr de l'eau de mer d'une part et des fluorites et du soufre des sulfures et sulfates d'autre part.

Cette très nette corrélation indique que les ions fluor et soufre givetiens et frasniens résultent d'une précipitation de l'eau de mer.

D. Demaiffe et L. Dejonghe ont réalisé les mêmes mesures de concentration de 87/Sr et 86/Sr  sur les barytes.  Et dans ce cas, les mesures nous apportent d'autres enseignements.

Il n'y a pas de corrélation entre les teneurs en Sr des barytes et l'eau de mer, pas de corrélation non plus entre les teneurs en Sr des barytes et les roches encaissantes.

Les ions Ba++ ne semblent donc pas provenir ni de l'eau de mer ni des roches encaissantes.

De plus, les rapports 87/Sr et 86/Sr des barytes prélevées dans différents filons situés dans des roches encaissantes sont variables et à l'intérieur d'un même filon, la baryte n'est pas isotopiquement homogène.

On peut donc conclure ou bien que le fluide minéralisateur n'était pas homogène, ou bien que les sources d'alimentation étaient différentes ou encore qu'il y a eu plusieurs générations de fluides d'origines et de compositions différentes.

Les mesures indiquent aussi que les compositions isotopiques du Sr de toutes les barytes analysées sont nettement plus radiogéniques que l'eau de mer pendant le Dévonien et le Carbonifère.

On peut donc conclure que l'origine du Ba++ a une origine continentale.

Dans le district Pb-Zn-Fe, au Su du Bassin de Dinant, de nombreux indices de type filoniens ont été étudiés par A. Préat, S. Cauet et A. Herbosch dans les séries carbonatées du Dévonien moyen.

Une étude lithogéochimique (éléments majeurs et traces) régionale des calcaires givetiens révèle le faible potentiel en métaux lourds de ces sédiments de plate-forme.

Une comparaison entre les compositions isotopiques du Pb des galènes du filon et du Pb des roches encaissantes a été effectuées.

Ces arguments paraissent suffisants pour écarter l'hypothèse de l'origine des métaux par sécrétion latérale, et militent en faveur du caractère épigénique étranger de ces minéralisations

Ce modèle, montrant un remplissage des filons par secrétions latérales des roches environnantes ne semble pas concorder avec les observations et les mesures effectuées sur les différents filons.

De plus, S. Cauet, D. Weis et A. Herbosch ont étudié les minéralisations de Pb-Zn filoniennes au sein des séquences carbonatées du Dévonien Moyen et Supérieur.  Les compositions isotopiques des galènes de ces minéralisations définissent une gamme restreinte de valeurs généralement similaires.

Cela indique une source commune pour le Pb et reflète l'ampleur de phénomène métaloogénique.

Afin de définir la source du Pb, les compositions isotopiques du Pb des sédiments au moment de leur formation ont été recherchées suivant deux voies :

  1. Les compositions isotopiques du Pb des sédiments en "roches totales" ont été mesurées et corrigées pour la désintégration in situ de l'U à partir des concentrations mesurées en U et Pb; malheureusement ces corrections sont peu fiables et raison de la grande mobilité de l'U.

  2. Une étude isotopique du Pb au sein des pyrites synsédimentaires dépourvues d'U a été réalisée. 

    Les résultats sont les suivants :

    • Les Pb des pyrites sédimentaires et des minéralisations diagéniques du Dévonien moyen et Supérieur sont moins radiogéniques ou comparables relativement au Pb des minéralisations filoniennes.

    • Les Pb des pyrites du Carbonifère inférieur sont au contraire plus radiogéniques.

En conséquence, nous pouvons dire que seuls les sédiments dévoniens moyens et supérieurs peuvent constituer la source principale du Pb3.

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Après ces observations, nous pouvons dire que :

  1. Les ions fluor et soufre résultent d'une précipitation de l'eau de mer en milieu tropical et/ou équatorial.

  2. Les ions Baryum ne proviennent pas de l'eau de mer et ne proviennent pas des roches encaissantes.

  3. Le fluide minéralisateur chargé des ions baryum

    • n'était pas homogène ou

    • les sources d'alimentations étaient différentes ou

    • il y a eu plusieurs générations de fluides d'origines et de compositions différentes.

  4. Les ions baryum auraient une origine continentale.

  5. Les ions plomb, zinc et fer ne semblent pas être originaires des roches encaissantes.

  6. Les ions plomb semblent néanmoins avoir une origine commune (ce qui semble contredire le deuxième point de la synthèse 3 ci-dessus).

  7. Les sédiments dévoniens moyens et supérieurs peuvent constituer la source principale du plomb.

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4.  Modèle de gîtologie

Selon I. de Magnée, J. Balcon, M. Jébrak, L. Dejonghe, Y. Quinif, D. Jans, et mon petit grain de sel personnel, le modèle de gîtologie des minéraux de la Calestienne pourrait être le suivant :

Les métaux et minéraux de base sont abondants dans les premiers niveaux des couvertures sédimentaires carbonatées (Caia et al., 1980).  Ainsi, les gisements dans les carbonates contiendraient du plomb, du zinc, du fer, mais également de grandes quantités de baryte et de fluorite.  Chaque gisement est souvent assez petit mais les districts sont assez importants (Songster, 1990). 

Selon M. Jébrak, les auteurs nord-américains utilisent le terme de "Mississippi Valley Type (MVT)" pour désigner ce type de concentration, du fait de leur abondance dans le centre des U.S.A.  On notera toutefois qu'il existe des différences entre cette acceptation et les gisements associés à des bassins de plus petite taille.

Les principaux gîtes apparaissent souvent au Paléozoïque inférieur, sans aucun doute en relation étroite avec les vrais récifs de coraux très présents à cette époque.

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Nous sommes donc il y a 350.000.000 d'années.  Notre région se trouve par 30° de latitude Sud, en pleine zone tropicale. Elle se déplace doucement vers le Nord, passera par une zone équatoriale et puis une autre zone tropicale avant d'arriver là où elle est actuellement, en zone tempérée.

Entre le massif du Brabant et le massif de Rocroi, venant du Sud-Ouest et se dirigeant vers le Nord-Est, une transgression marine s'est dessinée dès l'Eifelien et va se perpétuer jusqu'à la fin du Famennien.

Nous sommes donc en présence d'une mer peu profonde, d'une lagune côtière, chaude, riche en matière organique où une vie riche comparable à celle de la Grande Barrière de Corail va se développer.  Nous observons des massifs de coraux construits se développant dans la lagune, entourés de couches de sédiments argileux provenant du continent, amenés par les fleuves de l'époque.

Bloc diagramme représentant la lagune côtière avec

Ces minéralisations se placent donc dans un contexte intracratonique, en bordure des zones de plate-forme stable ou épiorogéniques.

Selon nos observations, (synthèse pt. 1) la mer peut être considérée comme le vecteur des ions soufre et fluor, qui précipitent en milieu tropical et/ou équatorial.

Etant donné que (synthèse pt.2) les ions Baryum ne proviennent pas de l'eau de mer et ne proviennent pas des roches encaissantes mais (synthèse pt.4) auraient une origine continentale, que (synthèse pt.5) les ions plomb, zinc et fer ne semblent pas être originaires des roches encaissantes et enfin que (synthèse pt.6) les ions plomb semblent néanmoins avoir une origine commune, nous pouvons, à la lumière de ces éléments, poser l'hypothèse que plusieurs massifs cambro-siluriens environnants seraient considérés comme fournisseurs d'apports métallifères.  Considérons ainsi le massif du Brabant, le massif de Rocroi, le massif de Givonne, le massif de Serpont, le massif du Condroz et n'oublions pas les apports possibles du massif de Stavelot.

Selon L. Dejonghe (1998), les massifs cambro-siluriens qui entourent la Calestienne et qui auraient été fournisseurs d'ions métalliques.

L'érosion de ces différents massifs va amener via les fleuves les ions métalliques qui y sont présents depuis le protérozoïque.  Nous assistons alors à une espèce de lessivage continental des métaux et à leur déversement dans la lagune côtière plus ou moins fermée ou tout au moins confinée.  Cela provoque une augmentation des concentrations et une anomalie géochimique en plomb, zinc, fer, baryum.  Intervient ensuite une précipitation de ces éléments que piègent les sédiments argileux du fond de la lagune.

La mer, par ces mouvements continuels, a provoqué un mélange de diverses contributions qu'il est actuellement impossible de distinguer. 

Dans le modèle auquel nous nous rallions, c'est dans cette mer intérieure que se sont individualisés les milieux confinés, localement évaporitiques, où se sont sédimentés des séries condensées à fond géochimique élevé et où se sont concentrées les saumures responsables de la dolomitisation des calcaires voisins.

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Au Permo-Trias, venant du Sud-Sud-Est et allant vers le Nord-Nord-Est une poussée orogénique importante se dessine : l'orogenèse varisque (ou hercynienne)(350 à 280 Ma).  Les deux continents Laurussia et Gondwana entrent en collision. Comme la collision se produit alors que les deux continents sont en rotation, le plissement ne se fait pas partout au même moment. (A. Folie, 1999)  Cette orogenèse a plissé les couches dévoniennes déposées dans la Calestienne.  La mer va se retirer et les montagnes vont se former.   

Le plissement des roches sédimentaires déposées en Wallonie est causé par la collision de Laurussia avec une partie de Gondwana appelée Armorica. La formation de la chaîne hercynienne s’y produit à la fin du Carbonifère (290 Ma).  La collision des deux continents est complète au début du Permien, qui deviennent alors un supercontinent appelé Pangée.

Ces plissements ont aussi ouvert des failles, fractures, diaclases au sein des massifs.

Après quelques 200 millions d'années, à la fin de l'Ere secondaire, les montagnes ainsi formées ont eu tout le temps d'être érodées formant alors une vaste pénéplaine. 

Il ne reste plus à ce moment qu’un océan unique, appelé Panthalassa.  La Pangée, qui résulte de la conjonction de l’orogenèse calédonienne et de l’orogenèse hercynienne, commence à se fragmenter au Jurassique.  C’est à ce moment que débute l’orogenèse alpine. Il s’agit d’une chaîne de montagnes dont la formation a commencé au Tertiaire au moment où le continent Pangée s’est fragmenté et qui s’est prolongée jusqu’au Cénozoïque. La fragmentation de la Pangée donne lieu à l’ouverture de l’océan Atlantique. L’ouverture de l’océan Atlantique fait effectuer à l’Afrique une rotation dans le sens antihorlogique, ce qui provoque la fermeture d’un océan appelé la Thétys et la formation des Alpes.
 
L’orogenèse alpine n’a que très légèrement affecté les roches belges.  L’océan Rhéïque, situé au sud d’Avalonia se ferme. La ligne de suture océanique forme une ligne EW située au sud de la Wallonie
passant par le sud des Cornouailles, la Manche et le nord de la France, en direction des Vosges. Le Gondwana effectue en plus une rotation durant cette collision. Pour cette raison, l’âge du plissement varie suivant les endroits.
La chaîne de montagnes hercynienne est érodée durant le Permien (dernière période de l’ère paléozoïque) et le Trias (première période de l’ère mésozoïque).  Il n’y a donc pas de dépôt de sédiments en Wallonie durant cet intervalle de temps (sauf de rares dépôts détritiques fluviatiles qui ont été préservés de l’érosion dans un profond fossé d’effondrement, un graben, qui recoupe le Massif de Stavelot à Malmédy).
 
A la fin du Trias, la chaîne hercynienne est totalement pénéplanée. La surface est appelée "la surface structurale de pénéplanation posthercynienne". Elle correspond approximativement aux sommets des Ardennes.
 
Elle est envahie par une importante transgression marine au Jurassique qui dépose en Lorraine belge, des marnes (calcaires argileux), des grès calcaires, des calcaires oolithiques et des gisements de fer oolithiques. Des zones émergées existaient : le sud du Massif de Brabant, le Condroz et l’Entre-Sambre-et-Meuse.
 
Durant le Crétacé, la mer se retire et il y a émersion. Les roches déposées précédemment sont soumises à l’érosion et les calcaires à des dissolutions (Iguanodons de Bernissart, piégés dans des gouffres formés par l’effondrement de grottes dans les calcaires du Carbonifère Inférieur, gisement de barytine de Fleurus, gisements d’argile plastique dans le Condroz).
 
Suivent de nombreuses transgressions et régressions durant le Crétacé Supérieur (mer venant du Bassin de Paris) avec dépôt de craies dans le Bassin de Mons, en Hesbaye et dans le Pays de Herve.  Durant tout le Tertiaire, la mer vient alors du nord et dépose des sédiments typiques du littoral : sables et argiles.
 
A la fin du Tertiaire, la mer se retire. C'est alors, après tous ces bouleversements que l'histoire du massif va réellement débuter pour lui donner son aspect actuel.
 
Que savons-nous jusqu'à présent ?  Petite synthèse avant de continuer...
  1. Avant le Dévonien : dépôt des ions métalliques dans les roches cambro-siluriennes
  2. Pendant le Dévonien
    • Transgression marine.  L'eau de mer apporte les ions soufre et fluor et les dépose au fond.  Ils sont piégés par les argiles et les calcaires.
    • Les fleuves érodent les massifs cambro-siluriens et apportent dans la mer les ions métalliques.  Ils sont, eux aussi, piégés par les argiles et les calcaires.
  3. Fin du Dévonien : orogenèse varisque ou hercynienne.  Les couches de calcaires et de schistes de la Calestienne sont plissées.  Des montagnes se forment.  Des fissures se créent dans le massif.
  4. Pendant le Jurassique, une transgression marine dépose des marnes en Lorraine Belge.  Nos régions restent émergées.  Pas de dépôt de cette période en Calestienne.
  5. Pendant le Crétacé, une transgression marine dépose des craies dans la région de Mons, en Hesbaye et dans le Pays de Herve.  Nos régions restent émergées.  Pas de dépôt de cette période en Calestienne.
  6. A la fin de l'ère Secondaire, les montagnes ont été érodées et une vaste plaine s'étend sur la Calestienne.  Fragmentation de la Pangée, formation de l'océan Atlantique, rotation de l'Afrique et création des Alpes.
  7. Pendant le Tertiaire, transgression marine sur nos régions et dépôts de sables et argiles.

Voici le massif de la Calestienne à la fin du Tertiaire :
Dessin L.V.B.
 
 
Rapidement, les ruisseaux, rivières et fleuves sont s'installer sur le massif.  Ils vont creuser leur lit petit à petit.  Les nappes aquifères vont prendre place dans le massif.  Les premières dolines se forment au sommet du massif.
Dessin L.V.B.

Dans le réseau karstique très important formé par les failles, cassures, fractures dans le massif au moment du plissement hercynien, les eaux météoritiques vont s'écouler progressivement et vont ouvrir, par dissolution, des cavités.  Pendant ce temps, les eaux souterraines vont remettre en solution, petit à petit, les ions métalliques et non métalliques piégés dans les sédiments argileux et calcaires du Dévonien.

Parallèlement à ce premier phénomène, un autre tout aussi important va se dérouler.  Les eaux de pluie, chargées en gaz carbonique qu'elles ont récupéré en traversant l'atmosphère, s'infiltrent dans le massif.  Dès le début de l'infiltration, les eaux traversent les couches de terre arable et l'humus formé par les feuilles des arbres qui tombent à chaque automne.  Les eaux deviennent ainsi encore plus acides.  La corrosion du massif commence et les premières dolines* apparaissent.

*La doline est une dépression circulaire dont le fond plat est occupé par de la terra rossa, résidu argileux rouge de la dissolution des calcaires

Les premières traces des "fondrys" dues aux eaux acides y pénétrant en flux ou aux eaux d'infiltration de surface sous conditions tropicales apparaissent donc.  Ces traces ne vont qu'aller en s'élargissant et en s'approfondissant.  Les premiers gouffres vont ainsi naître.  Il est clair qu'ils peuvent résulter de pénétrations directes dans la masse rocheuse ou être le résultat de l'effondrement du toit de cavités taraudées au préalable par de nombreux chenaux verticaux, recoupés en profondeur par des horizontaux.  Les paléokarsts, les cheminées, les entonnoirs libres ou emplis d'argile de décalcification que nous pouvons observer dans les carrières en activité semblent bien attester de cette corrosion intense qui a eu lieu au cours de l'Ere Tertiaire, lorsque nos régions étaient encore à des latitudes tropicales avec un climat humide et chaud.

Ainsi, voici quelques photos prises en 2003 dans une cavité mise à jour par les tirs de mines dans la carrière du Fond des Vaulx de Wellin.  Cette cavité a été créée par les mouvements tectoniques (plissement hercynien) qui ont fracturé la roche.  Les eaux d'infiltration tertiaires se sont engouffrées dans les fissures et les ont élargies par dissolution du calcaire.  Maintenant, les eaux, plutôt que de dissoudre le calcaire, y arrivent déjà chargées en minéraux et les y déposent en coulées, stalagmites, stalactites, et autres concrétions du même genre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Plafond de la cavité concrétionné de stalactites et de draperies blanches et rougeoyantes

  2. Stalagmite et coulées de calcite blanche

  3. Concrétion brisée par les tirs de mines en équilibre sur des bloc de roche recouvert de calcite

  4. Petites stalactites blanches au plafond de la cavité

  5. Coulée de calcite blanche sur la parois de la cavité

Photo L'Escargotite A.S.B.L. "Wellin 2003"

De corrosion en corrosion et d'effondrement en effondrement, les fondrys vont naître. Puis vient le remplissage de ces anciens gouffres et le recouvrement de la surface en gradin, par les dépôts marins tertiaires :  des sables essentiellement.

Le lit des fleuves pénètre le massif.  Les fondrys se forment.  Les nappes aquifères profondes remettent en solution les minéraux piégés au Dévonien.  Les saumures se forment et se déplacent sur de longues distances...

Dessin L.V.B.

Revenons à nos ions de minéraux qui, remis en solution par les eaux d'infiltration, arrivent dans le dédale de petits canaux formant le réseau karstique micro de grande profondeur, impénétrable à l'homme mais qui, de faille en faille, de diaclase en diaclase, de fracture en fracture, met en contact tout un réseau hydrothermal parcourant toute la région.  Les saumures ainsi formées et largement chargées en métaux et minéraux vont pouvoir circuler dans tout le massif à une vitesse de 1 à 10 cm par an.

Plusieurs mécanismes consécutifs ou simultanés vont se mettre en oeuvre pour permettre aux minéralisations de se cristalliser.

  1. Lessivage par les eaux météoritiques et par les eaux souterraines des massifs dévoniens enfouis et mise en solution des minéraux qui y sont contenus.

  2. Erosion et altération par les eaux météoritiques des roches calcaires affleurantes et intégration de cette eau chargée en ions calcium et carbonate aux eaux souterraines déjà largement chargées en minéraux (pour rappel : Fluor et Soufre provenant de la précipitation de l'eau de mer du Dévonien et des métaux, Baryum, Plomb, et Fer venant du lessivage des massifs cambro-siluriens environnants).

Comme on le voit, les karsts, possédant une zone perméable, un système de circulation et éventuellement un exutoire ont joué un rôle actif permettant le mélange entre les solutions météoritiques minéralisées  avec les eaux réductrices karstiques (Samara, 1986; Lagny et Rouvier, 1976).  Les eaux enfouies à ces profondeurs (de 3 à 4 km) sont soumises à des pressions énormes (Ovtracht, 1978) et sont chauffées, non pas par une poche de magma, mais simplement par le gradient géothermique*.

*On sait que la température du sous-sol augmente avec la profondeur. Les mineurs savent bien qu'il fait plus chaud à mesure que l'on descend dans la mine. Cette augmentation de température est de l'ordre de 30°C par kilomètre (3°C par 100 mètres) dans la plupart des terrains où il n'y a pas eu de magmatisme récent: c'est ce que l'on appelle le gradient géothermique.

Le température de ces eaux hydrothermales ne dépasse pas les 150°c.  Elles sont considérées comme des zones de température modérée, mais ces conditions de température et de pression permettent de constater une concentration exceptionnelle de minéraux dissous.  Ces solutions sont dites "sursalées" (Cathles, 1983). 

Le processus paléohydrologique tel que nous l'envisageons est un phénomène de grande ampleur dessinant des systèmes hydrothermaux gigantesques (Bethke et Marshak, 1990).  A cette échelle, tous les matériaux et pas seulement le calcaire sont poreux et perméables.  On dit qu'ils sont "perméables en grand" (Andries, 1980).  Cela implique des mouvements d'eaux souterraines importants et de longue durée à travers des volumes de roches considérables et de natures différentes.  Cette théorie n'exclut pas la possibilité de rencontre dans ce "piège tectonique fissural" de plusieurs nappes aquifères géochimiquement différentes les unes apportant les métaux et les autres apportant le soufre et le fluor.

Vient ensuite le moment de la remontée des eaux hydrothermales vers la surface et cristallisation des minéraux.

Lors de la remontée, on peut observer une baisse de la température et une baisse de la pression.  Cela permet la précipitation des minéraux en fonction de leur température de cristallisation.  Pour avoir une idée des proportions et de l'échelle du phénomène, nous pouvons considérer qu'il se déroule sur une région large de 20 km, longue de 100 km, que l'altitude moyenne du massif après l'orogenèse varisque est de 1000 à 1200 mètres et que les saumures sursalées se déplacent à 3 où 4 km de profondeur à raison de 1 à 10 cm par an.

Il semble que l'association des minéraux à Pb-Zn soit concordante avec un diapir*.

*Diapir : Remontée à l'échelle locale (Diamètre 1 à 10 km, profondeur 2 km parfois 10 km.) de roches par densité ou par tectonique compressive, le plus souvent à lithologie saline (gypse, sel).

On connaît des diapirs actuels montrant une minéralisation comparable à celle que nous trouvons en Calestienne : par exemple, celui d'El Ouasta* dans l'Atlas Saharien Oriental.

*Les minéralisations à Pb-Zn, Fe, Ba (Sr) d'El Ouasta se développent autour d'un diapir évaporitique situé dans la zone des "dômes" de la partie septentrionale de l'Atlas saharien oriental. Ces minéralisations sont caractérisées par une association minérale composée essentiellement de sphalérite, galène, marcassite, pyrite, barytine et localement la célestine, associée à des produits d'oxydation variés ( hématite, goëthite, hémimorphite, smithsonite, cérusite, anglésite, covellite, digénite, malachite et azurite).

    Les corps minéralisés se présentent sous trois formes principales une minéralisation à Fe, Ba (Sr) en amas stratoides bordant l'ensemble triasique argilo-gypseux, une minéralisation à Pb-Zn, fine disséminée dans les lamines carbonatées du passage Cénomanien-Turonien (faciès Bahloul) et une minéralisation à Pb-Zn, Ba (Sr), en amas béchiques ou veinulée, liée à des remplissages de cassures de direction NW-SE, E-W et NE-SW, affectée par une intense dolomitisation, sidéritisation et silicification. L'étude microthermométrique effectuée sur des cristaux de quartz associés à ce dernier type de minéralisation montre une distribution des températures d'homogénéisation comprises entre 96,3 à 180,8 °C. Les valeurs des températures de fin de fusion, après congélation sont comprises entre - 12 et - 13,6 °C, ce qui correspond à des salinités variant entre 15,96 et 17,43 % éq. poids NaCl.

    Par leurs caractéristiques géologiques et gîtologiques, ces différents types de concentrations minérales présentent de nombreuses analogies avec les gîtes péridiapiriques de l'Afrique du nord, considérés comme une variante des gisements "MVT" (Perthuisot et Rouvier, 1988) et se comparent au modèle proposé récemment par Sheppard et al, (1996) qui propose un type stratiforme Sedex pour les minéralisations associées au faciès tunisien Bahloul. En Algérie, ce type permettra de définir un nouveau guide de prospection métallogénique pour l'ensemble de la zone des "dômes".

La zonalité observée en Calestienne montre une diminution du manganèse vers le centre du diapir et de l'uranium à la périphérie.  Les métaux sont situés en périphérie de la zone centrale à anhydrite, calcite et fluorite.

Les gisements de métaux de base dans les carbonates font appel ici à un mode épigénétique qui fait référence à des circulations de fluides sur de longues distances.

Deux périodes de l'histoire de ces bassins peuvent être mises en évidence : le stade juvénile et le stade mature.

Au stade juvénile, nous en avons déjà longuement parlé, les eaux de pluie circulent dans la marge, avec une importante dissolution des carbonates marins fossiles.  Ces circulations peuvent être provoquées par une convection saline ; les eaux de pluie chargées de calcium et de carbonates dissolvent les évaporites et se transforment en saumures denses susceptibles de descendre loin sous le niveau de la mer (Jebrak, 2001).  Les fluides chauds chargés en métaux en provenance des zones sous pression remontent ensuite vers la surface; on a donc des mouvements convectifs formant des cellules d'un diamètre de plusieurs dizaines de km (Kessler et al., 1988).

Au cours des stades plus matures des bassins, plusieurs mécanismes ont été évoqués pour mettre en mouvement les solutions vers la surface et leur cristallisation dans les failles et cassures du calcaire plissé :

Dans le cas qui nous occupe, on peut vraisemblablement évoquer les effets tectoniques qui vont compacter le massif et expulser les fluides vers la surface.

Pendant que les minéraux se cristallisent, plus haut, non loin de la surface, les eaux souterraines et les eaux météoritiques vont pouvoir circuler dans les massifs calcaires et schisteux et former le réseau karstique macro que nous connaissons. (grottes de Remouchamps, grottes de Rochefort, grottes d'Eprave, grottes de Han, grottes de Dinant, grottes du pont d'Arcole, grottes de Neptune...)

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Enfin, à la surface, l'érosion décapante du Pléistocène (ère quaternaire) qui enlève les dépôts de surface, remblaye les fondrys et crée un lessivage des sables des cavités, entraînant la formation de croûtes de minerai de fer à la base, que les hommes évident dès l'époque celtique.  Les cavités deviennent ainsi à Nismes des paléogouffres.

Le réseau karstique est maintenant arrivé à maturité.  On peut observer des grottes, des fondrys profonds.  La compaction du massif fait remonter les saumures sursalées.  La baisse de température et de pression permet aux minéraux de cristalliser dans les failles plus ou moins grandes de la roche...

Dessin L.V.B.

Schéma de la grotte de Neptune sous le Massif de Nismes

Dessin L.V.B.

La précipitation et la cristallisation se réalise alors à la faveur de la baisse de pression et de la diminution de la température.  Les ions mélangés dans la saumure s'apparient et les minéraux que nous connaissons (galène, baryte, marcassite, pyrite, fluorite, calcite, ....) se forment.  Le remplissage des failles cassures, fractures de la roche s'opère alors, par jets successifs, ce qui explique les barytes non homogènes au sein du même filon (synthèse pt.3).

Le paysage minéralier que nous connaissons vient de prendre forme...

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Bibliographie

 


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Luc Van Bellingen

 

 

 

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