Les bryozoaires

Introduction
Les bryozoaires
Ectoproctes
Entoproctes
Systématique

Introduction

Imaginez un fond marin rocheux, corallien, peu profond baignant dans une eau claire en scintillante.  Sur les rochers sont incrustés un tas d'animaux très différents : gastéropodes broutant les algues, et autres végétaux marins, les brachiopodes et les bivalves qui filtrent l'eau et récupèrent le plancton, les anémones de mer qui déploient leurs panaches de tentacules urticants dans lesquels tournoient des poissons multicolores.  Dans les anfractuosités du massif corallien se développe toute une vie cachée mais bien présente : les crabes, langoustes, crevettes et autres arthropodes sont prêt à nettoyer le fond de tout déchet animal ou végétal s'y déposant.  Une pieuvre lovée dans un trou est à l'affût et attend justement qu'un crabe sorte de sa cachette pour s'en repaître.  Une murène, enroulée dans un coin attend patiemment qu'un poisson imprudent passe à portée de ses mâchoires garnies de dents acérées. Les étoiles de mer se promènent lentement sur les rochers à la recherche de bivalves qu'elles vont gober après avoir ouvert leurs valves.  Toute cette vie végétale et animale accrochée au récif est lascivement ballottée de gauche à droite par les courants marins et par la houle.

Soudain au détours d'un rocher, que découvrez-vous accrochée au substrat? De la dentelle ajourée de Bruges de couleur jaune orangé... Est-ce un animal ou un végétal ? Cela paraît, de toute évidence être un végétal... mais en y regardant de plus près, on remarque que cette chose est constituée de milliers de logettes d'où sortent de minuscules tentacules.  De toute évidence, nous sommes de nouveau devant un animal qui a bien des aspects de végétal.

Nous sommes devant des colonies arborescentes très caractéristiques, de formes variables, mais généralement dressées et nettement ramifiées dans toutes les directions avec des branches aplaties, plus ou moins larges et irrégulièrement lobées parfois même ajourées. Les ramifications de la partie supérieure sont en forme de bois d'élan, de corne de cerf ou de chips ajouré. La base forme une sorte de tronc très court fixé  au substrat.  En observant les branches de près on y distingue de très nombreux pores et la colonie semble couverte de poils, lesquels sont en réalité les tentacules se hérissant sur chaque individu.  La chose a une belle couleur rose orangé qui ne survit pas à l'air. La colonie peut atteindre 10-15 cm de hauteur.

 

 

 

 

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Les bryozoaires

Les bryozoaires (étymologiquement : animaux-mousse) sont des représentants coloniaux de l'ensemble des lophophoriens.  On en connaît 1200 genres et 12000 espèces environ (fossiles compris).  Les Bryozoaires groupent deux embranchements : les Ectoproctes (classe Sryozoa stricto sensu, ou Ectoprocta ou Polyzoa) et les Entoproctes (classe Entoprocta ou Kamptozoa).  Cet embranchement rassemble des espèces aquatiques de moins de 1 mm de longueur en général, pourvues d'une couronne de tentacules ciliés rétractiles portés par un lophophore commun.  Le tube digestif est courbé en U.

Ectoproctes

Les Ectoproctes sont des organismes coloniaux et sessiles, formant des arbuscules dressés et ramifiés (fixés par des rhizoïdes) ou des plaques encroûtantes à la surface de supports divers. Chaque colonie ou zoarium est composée d'un nombre plus ou moins élevé de logettes ou zoécies, nées par bourgeonnement les unes des autres.  Chaque zoécie abrite un individu ou zoïde.  Les zoïdes sont formés de deux parties fondamentales, le cystide et le polypide.  La description ci-après sera celle d'une zoécie normale ou autozoécie.

Le cystide est constitué par un épiderme doublé intérieurement d'une couche mésodermique comportant une musculature pariétale lisse, et extérieurement d'une paroi squelettique.  Celle-ci est une sécrétion épidermique de nature chitinoïde.  Il s'y adjoint parfois un dépôt de calcaire (carbonate de calcium), la calcification s'effectuant sous la cuticule.  Très fréquemment, la surface zoéciale est ornée d'épines, de plaques calcifiées ou de perforations.  L'ouverture de la zoécie est antérieure.  La communication entre deux zoécies d'un même zoarium est assurée par de minuscules perforations, les "pores à rosettes".  Leur orifice est occupé par un groupe de cellules disposées d'une manière radiaire et affectant en perspective la forme d'un diabolo.

Le terme de polypide désigne l'ensemble des tissus de l'appareil digestif, la musculature rétractrice de l'individu et l'essentiel du système nerveux qui sont périodiquement susceptibles de dégénérer pour donner une formation particulière appelée le "corps brun".  Le polypide débute par la couronne de tentacules recouverts sur toute leur hauteur par une ciliature mobile dont le battement amène vers la bouche les particules alimentaires (débris organiques divers, petits animaux ou végétaux, phyto et zooplancton).  Ces tentacules ont une paroi ectodermique.  Leur intérieur contient un diverticule du coelome, rempli de cellules mésodermiques.  Les tentacules se rattachent à une zone d'implantation, le lophophore, perforé en son centre par la bouche.  Autour de la cavité buccale existe un anneau nerveux auquel est accolé un volumineux ganglion.  Par ailleurs, le lophophore est relié à l'ouverture zoéciale par un cylindre membraneux emprisonnant les tentacules, appelé gaine tentaculaire.  A la bouche fait suite un pharynx aux parois épaisses et musclées, parfois suivi d'un gésier, et débouchant dans un estomac prolongé par un volumineux espace stomacal.  Le transit des aliments non digérés est assuré par un pylore cilié et un rectum débouchant dans la gaine tentaculaire, à l'extérieur de la couronne de tentacules : d'où le nom d'Ectoproctes.  Le polypide est en rapport avec le cystide par l'intermédiaire de muscles rétracteurs striés, implantés sur le lophophore, et en arrière de la zoécie, qui permettent, notamment en cas de danger, l'invagination brusque du polypide, normalement épanoui à l'extérieur de la loge.  Un ou plusieurs funicules relient aussi le tube digestif à la paroi zoéciale.  C'est généralement à partir des cellules du ou des funicules, et parfois du mésoderme pariétal, que se différencient les éléments génitaux mâles et femelles.

Tout l'intérieur de la cavité générale est tapissé de cellules mésodermiques mésenchymateuses.  Celle-ci renferme également des cellules libres et amiboïdes, qui sont soit des phagocytes absorbant les débris cellulaires dégénérescents, soit des cellules de réserves protéiques, lipidiques ou glucidiques.

Il n'existe ni appareil circulatoire ni appareil respiratoire.

Le système nerveux, outre le ganglion et l'anneau lophophoriens d'où partent divers nerfs, dont ceux qui innervent les tentacules, comporte entre le mésoderme et l'épiderme pariétaux un plexus de petites cellules étoilées.  Des cellules sensorielles existent au moins dans les tentacules.

Les organes excréteurs spécialisés font défaut.  La majeure partie des excrétats s'accumule dans la paroi du tube digestif, et la surcharge excessive de ces cellules en déchets provoque la formation du corps brun, forme de dégénérescence de tout le polypide (muscles rétracteurs compris) caractérisée par la concentration de l'ensemble des tissus polypidiens en une ou plusieurs masses opaques, ultérieurement confluentes ou non.  Les tissus du corps brun se dégradent peu à peu, et lorsqu'un nouveau polypide aura bourgeonné, ou bien il assimilera le corps brun et en rejettera les ultimes déchets, ou bien le corps brun sera expulsé à l'extérieur.  Le bourgeonnement de la partie digestive du nouveau polypide naît d'une prolifération cellulaire interne et localisée de l'épiderme cystidien, qui forme une verrue d'abord pleine, puis creuse, s'allongeant peu à peu et finissant par se recourber en U.  Cette régénération épidermique d'un tissu fonctionnant comme un "dérivé endodermique" est un phénomène périodique et caractéristique des Bryozoaires.  Les spermatozoïdes et les œufs ont toujours une origine mésodermique.  Les loges sont hermaphrodites.  Il n'y a pas de gonades différenciées.

Les Eurystomes groupent actuellement un peu moins de quatre mille espèces, généralement marines, se rencontrant de la zone de balancement des marées jusque dans les abysses, à 6000 m de profondeur.  Chaque espèce ne s'observe en général qu'entre deux limites de profondeur et dans un biotope bien particulier et déterminé.

Les Cténostomes ont un cystide non calcifié et de nature chitinoïde.  La loge est fermée, lors de la rétraction du polypide, par la contraction d'un anneau musculaire, et par le resserrement d'une collerette membraneuse.  Il n'y a jamais d'ovicelles, ni d'aviculaires, ni de vibraculaires.  Dans le détail des familles systématiques, la classification est encore discutée.

Les Cheilostomes (près de trois mille cinq cents espèces) ont généralement des ovicelles, et dans certaines familles des aviculaires et des vibraculaires.  Les orifices autozoéciaux sont fermés par des opercules mobiles actionnés par des muscles.  La paroi frontale peut ne pas être calcifiée et rester souple.  Lorsqu'elle est complètement calcifiée, la dévagination du polypide est facilitée par les mouvements de remplissage et de désemplissage d'un sac membraneux débouchant en arrière de l'ouverture.

L'ancienne classification en Ctenostomata et Cheilostomata, l'un et l'autre hétérogènes, est apparue comme insuffisante aux zoologistes, qui envisagent de lui substituer une nouvelle classification, en une dizaine de sous-ordres.

Les Cyclostomes ne possèdent aucun dispositif d'occlusion de l'ouverture zoéciale.  Celle-ci est circulaire, et les autozoécies sont tubuleuses.  Les hétérozoécies ne sont jamais du type aviculaire ou vibraculaire.  Elles consistent essentiellement en cénozoécies (évoluant en rhizoïdes ou en processus épineux) et en gonozoécies (zoécies se transformant en chambres d'incubation après dégénérescence du polypide).  L'embryon primaire donne en général par bourgeonnement des embryons secondaires (polyembryonnie).  Les larves, "en tonnelet", sont dépourvues d'organe piriforme.  Le zoarium est entièrement calcifié.  Les principaux genres sont Crisia, Stomatopora et Lichenopora...  Les Cyclostomes, très diversifiés à l'état fossile, ne groupent plus actuellement que quatre cents espèces environ.

Les Phylactolaemates ne réunissent que quelques espèces d'eau douce, non calcifiées, généralement mobiles.  Le polypide est essentiellement caractérisé par la disposition de ses tentacules en double fer à cheval, emprisonnant la bouche, axiale; l'anus est entre les deux branches et à l'extérieur. Les tentacules sont réunis à leur base par une membrane commune. Une musculature spéciale permet au lophophore de pivoter sur lui-même. La bouche est surmontée par une languette mobile et ciliée, l'épistome, qui la ferme incomplètement au repos. Le pylore n'est pas cilié. Les zoécies sont dressées, allongées, et partiellement séparées les unes des autres; parfois leurs cavités générales communiquent complètement, formant une cavité coloniale commune. L'ensemble de la colonie est le plus souvent mobile par glissement sur le support.  Il n'existe pas d'hétérozoécie.

La reproduction sexuée apparaît presque simultanément chez tous les individus des extrémités d'une même colonie.  L'incubation a lieu à l'intérieur d'une poche formée dans la paroi cystidienne.  La larve mûre est libre et contient deux jeunes polypides en préformation, dont la dévagination sera à l'origine d'une nouvelle colonie.

La reproduction asexuée est caractérisée par la formation de bourgeons dormants, les statoblastes, à l'intérieur des funicules.  Eux seuls permettent la survie des espèces d'une année sur l'autre. Chaque statoblaste présente un flotteur facilitant son transport par les eaux courantes, et des crochets permettant sa fixation au substrat.  Al'intérieur du statoblaste se préforme l'ébauche d'un polype qui sortira lors de l'ouverture du statoblaste.

Entoproctes

Les Entoproctes ne groupent que quelques dizaines d'espèces.  Les principaux genres sont Urnatella, Pedicellina, Barentsia, Loxosoma.

Ces organismes marins ou d'eau saumâtre, exceptionnellement dulçaquicoles, peuvent atteindre une taille supérieure à celle des Ectoproctes (3 ou 4 mm).  Les zoïdes sont indépendants les uns des autres, ou forment des colonies d'animaux dressés, seulement réunis par un stolon commun.  Chacun d'entre eux est formé par un pédoncule musculeux plus ou moins long, parfois noueux, portant à son extrémité un calice contenant l'ensemble des viscères, et dont le lophophore délimitant un atrium occupe le sommet.  Ce lophophore, qui porte des tentacules réunis à leur base par une membrane intertentaculaire, est rétractile dans le calice, mais il n'y a pas de gaine tentaculaire.  La distinction entre polypide et cystide manque de netteté, un tissu conjonctif les réunissant et occupant toute la hauteur du pédoncule.  La cuticule n'est pas calcifiée.  Il n'y a ni cavité cœlomique, ni doublure péritonéale, ni polypide individualisé.  La bouche et l'anus sont tous deux compris à l'intérieur de la couronne tentaculaire arrondie (mais présentant une symétrie bilatérale de part et d'autre d'une interruption du lophophore).  La totalité du tube digestif est ciliée (bouche, œsophage, volumineux estomac sans caecum, intestin et rectum).  Il n'existe ni appareil respiratoire, ni appareil circulatoire.  Un ganglion cérébroïde existe au-dessus de l'estomac.  Il en part des nerfs certainement en relation avec les cellules sensorielles éparses dans l'ectoderme du calice, des tentacules et du pédoncule.  Les organes excréteurs sont représentés par une paire de néphridies,

Suivant les espèces, les sexes sont séparés ou non.  Les glandes sexuelles sont différenciées, et débouchent dans l'atrium où se fait l'incubation.  La larve est libre, pourvue d'un tube digestif et d'un organe sensoriel antérieur différent de l'organe piriforme des Ectoproctes.  Au cours de la métamorphose, le tube digestif larvaire pivote sur lui-même, pour donner le tube digestif de l'adulte. Les Entoproctes se reproduisent aussi par bourgeonnement à partir du stolon d'une colonie déjà existante.  Des hibernacules apparaissent aussi chez certaines espèces.

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Systématique

Les Ectoproctes comprennent deux sous-classes.

Sous-classe des Gymnolaemates

Chez les Gymnolaemates, les polypes d'un même zoarium sont nettement séparés.  Les tentacules, disposés suivant un cercle, ne sont pas reliés à leur base par une membrane commune.  L'occlusion de l'ouverture zoéciale n'est pas assurée par un épistome.  La reproduction asexuée ne comporte jamais la formation de statoblastes.  Il existe souvent, outre les autozoécies, des zoécies spécialisées d'aspect différent, appelées hétérozoécies.  Les Gymnolaemates sont des organismes marins ou parfois d'eau saumâtre.

Des cinq ordres supposés, deux sont complètement fossiles.  Parmi les trois actuels, Cténostomes, Cheilostomes et Cyclostomes, les deux premiers ont été fusionnés en un ordre unique, les Eurystomes.

Ordre des Eurystomes

Les Eurystomes possèdent un dispositif d'occlusion de l'ouverture zoéciale.  Celle-ci n'est jamais parfaitement circulaire.  Les larves sont incubées soit dans une hétérozoécie globuleuse, ou ovicelle, soit (jusqu'à un stade souvent moins avancé) à l'intérieur de la zoécie même.  Les larves mûres (longues de 150 microns à 1 mm), libres et nageantes, présentent un organe antérieur à la fois nerveux, glandulaire et sensoriel, l'organe piriforme.  Chez quelques espèces très évoluées, les larves dites Cyphonautes sont enfermées entre des valves mobiles reliées par des muscles adducteurs et possèdent un tube digestif; mais dans la très grande majorité des cas, les larves (dites "en tonnelet") en sont dépourvues.  Leur locomotion s'effectue grâce au battement de cils portés par un anneau de grosses cellules (cellules coronales) disposées sur toute la périphérie de la larve. La métamorphose des larves donne naissance à l'ancestrula, loge fondatrice de la colonie qui engendrera par bourgeonnement les zoécies suivantes.  Outre les ovicelles, il peut exister d'autres types d'hétérozoécies : les aviculaires (en forme de becs d'oiseaux, qui enlèvent les corps étrangers tombés sur la colonie), les stolons et les vibraculaires (munis de fouets qui balaient la surface de la colonie).  Il existe chez quelques espèces des bourgeons dormants, restant inertes pendant l'hiver, les hibernacules.

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