Le métamorphisme et les roches métamorphiques (5)

5.  Les roches métasomatiques

5.  Les roches métasomatiques

Le métasomatisme est un phénomène d'altération ou de transformation des roches qui implique leur enrichissement en certaines substances apportées de l'extérieur; cet enrichissement peut être accompagné d'une perte de plusieurs autres substances présentes initialement dans les roches. Ces échanges d'éléments se produisent grâce à la présence d'une phase fluide, gazeuse ou liquide, qui imprègne les roches. Durant ces phénomènes, qui aboutissent à un changement des compositions minéralogique et chimique des roches ainsi qu'à la substitution partielle ou complète d'une roche par une autre, la dissolution et la recristallisation des éléments ont lieu presque simultanément, de telle manière que les roches conservent toujours l'état solide.

Par le passé, certains auteurs ont soutenu que le métasomatisme jouait un rôle fondamental dans la genèse de roches métamorphiques comme les gneiss, les migmatites, les schistes à glaucophane, etc. Actuellement, à la suite de la mise en évidence des lois de la métasomatose par D. S. Korjinskyi, on considère généralement que les métamorphismes régional et thermique sont essentiellement des phénomènes isochimiques au cours desquels la composition chimique globale des roches ne change pas, et que le métasomatisme n'est important que localement. Il est vrai que même lors du métamorphisme isochimique des roches certains échanges d'éléments se produisent, mais à une échelle très limitée, millimétrique, au contact entre deux cristaux, par diffusion à travers les cristaux à l'état solide. De plus, lors du métamorphisme isochimique, des quantités limitées d'eau et de gaz carbonique peuvent être introduites dans les roches et entrer dans la composition de certains minéraux de basse température, ou bien ces substances peuvent être expulsées des roches au cours d'un métamorphisme de haute température; cependant, ces échanges d'éléments volatils ne sont généralement pas considérés comme des phénomènes métasomatiques.

Par contre, durant le métasomatisme, les échanges se produisent entre une roche et une solution, ou entre deux roches de compositions différentes, et affectent des couches ou des masses rocheuses d'extension beaucoup plus grande. Les changements métasomatiques impliquent un mouvement de matière sur des distances assez considérables, rendu possible grâce à des fluides circulant à travers les roches. Ces fluides proviennent généralement d'intrusions magmatiques voisines; les substances métasomatisantes sont contenues en solution dans l'eau (métasomatisme hydrothermal), ou forment une phase gazeuse complexe avec la vapeur d'eau à température supérieure à la température critique de l'eau (métasomatisme pneumatolytique).

Le terme d'autométasomatisme désigne les changements de compositions minéralogique et chimique des roches magmatiques, produits par des fluides provenant du réservoir magmatique lui-même dans lequel est contenue ou duquel est issue la masse rocheuse à peine consolidée et se trouvant encore à une température élevée; il s'agit donc des derniers résidus fluides du magma, constitués essentiellement d'eau. Des phénomènes autométasomatiques peuvent également se produire dans les roches volcaniques sous l'influence de fumerolles (propylitisation : transformation des minéraux basiques originels des basaltes en chlorite, épidote, calcite, etc.). Les phénomènes autométasomatiques affectent des masses rocheuses très importantes, atteignant un ou plusieurs kilomètres, alors que les phénomènes métasomatiques proprement dits sont limités à quelques dizaines de mètres. Les phénomènes autométasomatiques les plus importants sont la serpentinisation des péridotites, la kaolinisation et la tourmalinisation de certaines roches granitiques.

Les roches métasomatiques sont fréquemment associées aux roches du métamorphisme thermique isochimique. On les distingue parfois difficilement de celles-ci et la détermination de leur origine demande des analyses minéralogiques et chimiques approfondies. Cependant, elles s'en différencient par certains caractères, en particulier par leur composition minéralogique qui ne comporte fréquemment qu'une ou deux espèces minérales seulement, et par la distribution zonée des associations minérales que l'on y observe.

La forme, la dimension et la disposition des corps de roches métasomatiques dépendent en grande partie de la structure géologique et tectonique de la région (fractures, failles, etc.). A la différence des roches du métamorphisme thermique, même si elles se sont formées au contact avec une roche intrusive, elles ne forment pas une auréole continue autour des massifs intrusifs, mais affleurent en corps irréguliers et discontinus et peuvent exister loin du contact lui-même.

Le remplacement métasomatique se produit généralement sans changement de volume de la roche affectée, et l'espace nécessaire à la précipitation d'un nouveau minéral est proportionné par la dissolution simultanée d'un minéral substitué (loi des volumes constants de W. Lindgren, 1933). Ce phénomène est montré, en particulier, par la conservation des contours des cristaux de pyroxène et d'olivine dans les serpentinites, de la structure ophitique des diabases après leur remplacement par des minéraux kaoliniques, etc.

Dans le cas du métamorphisme isochimique (de contact ou régional), c'est-à-dire d'un système fermé, la proportion finale de chacun des constituants est égale à sa proportion initiale dans la roche, excepté pour les constituants volatils tels que l'eau et le gaz carbonique. Dans ce cas, la règle des phases permet de déterminer combien de minéraux différents se formeront lors des réactions chimiques si l'on connaît le nombre de constituants indépendants et le nombre de conditions physiques susceptibles de varier sans que les produits des réactions changent : le nombre de minéraux produits lors des réactions métamorphiques est égal au nombre de constituants indépendants prenant part aux réactions.

Au contraire, dans le cas des roches métasomatiques, un ou plusieurs constituants peuvent être échangés avec l'extérieur de la roche : il s'agit là d'un système ouvert ou partiellement ouvert. D. S. Korjinskyi (1959) a montré qu'il est possible d'appliquer la règle des phases à ces roches et de connaître le nombre de minéraux résultant des réactions métamorphiques, à condition de ne considérer comme constituants indépendants que les constituants dont la proportion finale est égale à la proportion initiale (constituants dits inertes). Par opposition, on appelle constituants mobiles ceux qui sont échangés avec l'extérieur de la roche par suite des différences de potentiel chimique existant entre deux roches contiguës ou entre une roche et une solution chimiquement incompatibles, à température et pression déterminées. L'échange tend à égaliser les potentiels chimiques des différents constituants des deux milieux.

La proportion finale d'un constituant mobile dans une roche métasomatisée n'est pas fonction de sa proportion initiale dans la roche, mais de l'activité chimique du constituant dans le milieu adjacent. Pour chaque constituant mobile, le système a un degré de liberté supplémentaire, qui est la concentration variable de ce constituant. Pour un seul constituant mobile, la variance est donc égale à 3 (pression, température et concentration du constituant mobile), et le nombre de minéraux produits au cours des réactions est égal au nombre de constituants total moins un. Pour deux constituants mobiles, la variance est égale à 4, et le nombre des phases est égal au nombre de constituants total moins deux. D'où l'on déduit que, dans le cas d'un système ouvert, le nombre des phases produites au cours des réactions est égal au nombre total de constituants moins le nombre de constituants mobiles, c'est-à-dire que le nombre de phases est égal au nombre de constituants inertes.

Ce qui précède explique pourquoi les roches métasomatiques sont généralement constituées par des associations mono- ou biminérales, même si dans la composition des minéraux qui les constituent il entre un plus grand nombre de constituants. Par exemple, Korjinskyi a observé dans des roches métasomatiques de Sibérie la présence de seulement trois minéraux ou phases : diopside-phlogopite-scapolite, ou scapolite-phlogopite-spinelle, ou encore diopside-scapolite-orthose, alors que la composition de ces minéraux fait intervenir un nombre plus grand de constituants : les oxydes de magnésium, de calcium, de potassium, de sodium, de fer bivalent, l'anhydride sulfurique, l'eau et le gaz carbonique. Seuls trois de ces constituants sont demeurés inertes lors des réactions métamorphiques.

De plus, les différents constituants ont des mobilités, ou vitesses de dissolution, diverses. Par exemple, le fer est dissous beaucoup plus facilement que la silice : cela conduit à la formation de différentes zones, caractérisées par des compositions minéralogiques différentes, chaque zone possédant un nombre déterminé de constituants mobiles et inertes durant le métasomatisme. Le passage d'un constituant de l'état inerte à l'état mobile, dû à la différence de concentration de ce constituant dans les deux milieux adjacents, détermine un changement de variance du système et par conséquent un changement du nombre de phases, c'est-à-dire la dissolution d'un minéral. Il se forme des zones de compositions minéralogiques différentes, dont les limites brusques correspondent au passage d'un constituant de l'état inerte à l'état mobile ou vice versa.

On peut distinguer, suivant leurs modes de formation, deux types de roches métasomatiques : celles qui se forment au contact entre deux roches de compositions minéralogique et chimique incompatibles dans certaines conditions de températures et de pressions, et celles qui se forment entre une roche et une solution s'infiltrant à travers les pores de cette roche.

Dans le premier cas, les éléments échangés entre les roches proviennent des roches elles-mêmes et migrent par diffusion ionique à travers la phase fluide interstitielle immobile, de manière à réaliser l'égalisation de leur potentiel chimique dans les deux roches. C'est ainsi que se forment, par exemple, les skarns dits de réaction entre un marbre et un granité.

Dans le second cas, une solution, provenant fréquemment de masses magmatiques voisines, s'infiltre à travers les fissures et les pores de la roche; il se produit des réactions entre la solution et la roche pénétrée, qui sont en déséquilibre chimique. Les roches métasomatiques ainsi formées ont une composition très différente des roches encaissantes dont elles proviennent; des éléments très variés sont apportés aux roches par les solutions. C'est le cas, par exemple, des greisens.

Les skarns de réaction sont les plus typiques parmi les roches métasomatiques formées par diffusion. Ce sont des roches massives, à grain grossier, de couleur vert sombre ou vert-jaune, présentant parfois une succession de bandes à tendance mono- ou biminérale, à grenat, à diopside, à wollastonite, etc. Ils se forment au contact entre une roche calcaire (marbre, marbre dolomitique, etc.) et une roche magmatique, généralement acide (granité, granodiorite), ou plus rarement gabbroïque ou ultrabasique. La roche calcaire est riche en calcium et en magnésium, alors que la roche granitique est riche en fer, en aluminium et en silice. Dans certaines conditions de température et de pression, les associations minérales de ces deux roches sont incompatibles et certains constituants sont échangés entre les deux roches. La roche calcaire est enrichie en silice, en alumine et en fer, alors que la roche granitique est enrichie en calcium et en magnésium. Les différents constituants migrent indépendamment à travers la phase fluide immobile et entrent en réaction avec les minéraux de la roche substituée. En raison de la mobilité différentielle des différents constituants, il se forme une succession de zones, à tendance mono- ou biminérale, dont les limites correspondent à des réactions chimiques, correspondant elles-mêmes au passage de l'état mobile à l'état inerte d'un des constituants et par conséquent, suivant la règle des phases, à la cristallisation d'un minéral. A l'intérieur d'une même zone, les minéraux à composition variable (séries isomorphes) changent graduellement de composition par suite de la variation progressive des concentrations des différents constituants dans la phase fluide.

On donne parfois le nom d'endoskarn au skarn qui résulte de la transformation de la roche granitique, et celui d'exoskarn au skarn résultant de la transformation de la roche calcaire. Certains skarns se forment également par infiltration. L'épaisseur des roches de ce type, formées par diffusion, atteint rarement plusieurs mètres.

Skarn à hédenbergite fibro-radiée provenant de Cap Calamita (Ile d'Elbe)

Un exemple du second mode de formation des roches métasomatiques, par infiltration, est fourni par les greisens. Ceux-ci proviennent de la transformation métasomatique à haute température, pneumatolytique ou hydrothermale, de roches intrusives acides (granités) et plus rarement de roches quartzo-feldspathiques comme les gneiss. Ce sont des roches à grain moyen, leucocrates, composées de quartz (qui peut constituer plus de 50 % de la roche, parfois même 90 %) et de muscovite. Les greisens peuvent en outre contenir de la fluorine, de la topaze, de la tourmaline, du béryl, de la wolframite, de la molybdénite, de la cassitérite, etc. Ils apparaissent en association avec les intrusions magmatiques de profondeur moyenne et se forment dans les parties apicales des corps intrusifs ou dans des fractures. Leur épaisseur varie de quelques centimètres à une trentaine de mètres.

A partir de fractures le long desquelles circulent des solutions postmagmatiques, celles-ci pénètrent dans la roche granitique adjacente, qui subit une transformation. Ces solutions sont saturées en silice, en eau et en gaz carbonique et contiennent des éléments minéralisateurs tels que le lithium, le bore, le fluor, etc. La roche granitique contient de la silice en excès, de l'alumine et de la potasse. Il existe donc un déséquilibre chimique entre la solution métasomatisante et la roche, et il se produit des réactions entre les minéraux de la roche et la solution.

Près de la fracture, source des solutions métasomatisantes qui percolent à travers la roche, la silice, qui est en excès dans les deux milieux, ne peut être dissoute et précipite comme constituant inerte sous forme de quartz. Par contre, l'alumine et la potasse sont dissoutes par la solution et passent à l'état mobile, de manière à réaliser un équilibre des potentiels chimiques de ces constituants dans la roche et dans la solution. La solution change donc de composition en même temps que la roche granitique, dont les minéraux contenant de la potasse et de l'alumine sont détruits (biotite, orthose) et à la place de laquelle se forme un filon de quartz, monominéral.

Dans une zone plus éloignée de la fracture, le long de la direction d'infiltration de la solution métasomatisante dans la roche, l'alumine devient inerte à son tour, mais la potasse reste mobile. Dans ces conditions, l'orthose n'est pas stable et se transforme en muscovite et quartz : il se forme un greisen typique.

Dans une zone encore plus éloignée de la source de la solution, la potasse devient à son tour inerte; seuls restent mobiles l'eau et le gaz carbonique; mais, dans ces conditions, l'orthose est stable et la roche granitique initiale n'est plus transformée. Ainsi se forment différentes zones de compositions minéralogiques différentes, souvent mono- ou biminérales, dont les limites correspondent chacune à la dissolution ou au dépôt d'un minéral, par suite de la mobilité différentielle des constituants. Les réactions chimiques ne se produisent qu'à la limite des zones et, de part et d'autre de cette limite, la solution est en équilibre avec la composition des zones respectives.

La greisenisation est accompagnée de la perte de certains constituants, comme le sodium, le calcium et en partie le fer et le magnésium. D'autres éléments sont apportés aux roches : par exemple, le fluor, le chlore, le bore, etc., qui donnent naissance à la fluorine, à la topaze, etc. Certains minéraux peuvent précipiter directement à partir de la solution, sans être le produit de réactions entre la solution et les minéraux de la roche granitique. C'est le cas, en particulier, de nombreux minéraux métallifères, souvent associés aux roches métasomatiques formées par infiltration. L'enrichissement des greisens en quartz n'est pas dû à un apport de silice, mais à la libération de la silice lors de la destruction du feldspath potassique et à son dépôt sur place.

De nombreuses autres roches métasomatiques se forment, comme les greisens, par infiltration de solutions qui apportent des éléments très variés aux roches. Ces éléments sont souvent des métaux, et un grand nombre de gisements miniers sont liés génétiquement à des phénomènes de substitution métasomatique. Suivant les éléments apportés aux roches, on distingue différents types de roches métasomatiques.

Le métasomatisme alcalin se produit souvent dans les roches encaissant des intrusions magmatiques de compositions variées, non nécessairement riches en alcalins. En fait, on a observé que le métasomatisme conduit souvent à l'introduction, dans les roches encaissantes, d'éléments contenus en quantités mineures dans le magma. Les silicates et les carbonates alcalins ont une solubilité élevée dans l'eau et forment avec celle-ci des fluides complexes, généralement à l'état de vapeur supercritique, qui provoquent de nombreux phénomènes d'autométasomatisme dans les roches ignées (albitisation des feldspaths potassiques, surtout dans les pegmatites; formation de certains types de spilites et de kératophyres, etc.).

L'introduction d'alcalins dans des roches de compositions variées est à la base de la théorie de l'origine métasomatique du granité. On observe, en effet, à petite échelle, la formation de porphyroblastes de feldspath dans les roches proches d'un contact magmatique intrusif. L'apport métasomatique d'alcalins dans les roches granitiques et gneissiques provoque leur transformation en fénites, par disparition du quartz, qui se combine avec les substances introduites pour former des feldspaths alcalins. Ce sont des roches composées essentiellement de feldspath alcalin et d'un peu d'aegyrine. Parmi les phénomènes de granitisation, encore aujourd'hui diversement interprétés, le métasomatisme sodique produit ses effets les plus évidents dans la formation des adinoles; ces roches, originellement argileuses, riches en alumine, sont transformées en roches constituées essentiellement d'albite et de quartz. L'albite se forme par réaction entre les solutions métasomatisantes sodiques et les minéraux aluminifères comme les micas, les chlorites, et d'autres minéraux des argiles : la roche résultante présente une structure granoblastique et conserve souvent encore des reliques de la stratification de la roche argileuse originelle. Si l'albite ne s'est formée qu'en quelques endroits de la roche, celle-ci montre une texture semblable à celle des schistes tachetés.

Le métasomatisme sodique, comme les autres types de métasomatisme, affecte généralement des roches déjà soumises auparavant à un métamorphisme thermique; en effet, l'infiltration des fluides métasomatisants a lieu au cours du stade pneumatolytique de consolidation des magmas, quand la température du magma aussi bien que celle des roches encaissantes est notablement diminuée. La présence d'une phase fluide à forte pression favorise le métamorphisme rétrograde de la roche, c'est-à-dire la transformation des minéraux formés aux températures les plus élevées atteintes par la roche en minéraux stables à des températures inférieures; ceux-ci contiennent alors dans leur réseau les alcalins qui se sont introduits au cours du stade pneumatolytique. Ainsi, la sillimanite, silicate d'alumine formé à des températures très élevées dans des roches originellement argileuses, se transforme en muscovite ou en paragonite, aluminosilicates alcalins stables à des températures inférieures. L'orthose, stable elle aussi à fortes températures et associée à la sillimanite et à l'andalousite, se transforme en séricite, mais sans apport d'alcalins provenant d'une intrusion magmatique. Cependant, si la roche initiale était pauvre en alumine et ne contenait pas d'andalousite ou de sillimanite, l'enrichissement métasomatique en alcalins produit la transformation de la muscovite en feldspath potassique (microcline) ou sodique (albite).

On a parfois voulu expliquer la formation des schistes à glaucophane par un enrichissement métasomatique en sodium de roches sédimentaires préalablement soumises à un métamorphisme régional. Cependant, l'origine de ces schistes n'est pas toujours explicable par un apport métasomatique de sodium ; en effet, dans un grand nombre de cas, il n'existe aucune relation entre ces schistes et des masses de péridotites ou de serpentinites d'où auraient pu provenir les solutions métasomatisantes.

L'apport de fer et de silice, ainsi que d'autres éléments, provoque la formation de certains skarns à hédenbergite dans les roches calcaires proches d'intrusions granitiques ou granodioritiques. Dans ces skarns, la calcite peut manquer complètement car le calcium s'est recombiné en totalité avec les substances apportées par les solutions métasomatisantes. Les minéraux silicates néoformés sont très variés; cependant, le grenat calcique (grossulaire-andradite) prédomine, accompagné d'un pyroxène monoclinique (hédenbergite) et d'idocrase, parfois de hornblende. Par apport d'alumine, ou dans des strates calcaires originellement argileuses, il se forme également de l'anorthite, de l'épidote, etc. Dans le cas de dolomies ou de calcaires dolomitiques, il se forme des silicates à forte teneur en magnésium, comme le diopside, la trémolite et la phlogopite. L'introduction du fer et de la silice peut être facilitée par la formation de composés gazeux de fluor et de chlore lors du stade pneumatolytique de refroidissement du magma; elle peut aussi intervenir au moyen de solutions aqueuses au cours d'un stade hydrothermal ultérieur, à température plus faible. Dans le premier cas, la roche métasomatique comprend également des minéraux contenant du fluor et du chlore, comme la fluorine, les scapolites, la phlogopite, etc. Souvent aussi, les skarns contiennent des sulfures et des oxydes métalliques, provenant eux-mêmes des magmas.

L'enrichissement en fer, silice et alumine est probablement accompagné d'un apport métasomatique de magnésium, élément très semblable au fer dans son comportement géochimique, et contenu lui aussi en quantités minimes dans les magmas granitiques. L'introduction métasomatique de magnésium est nécessaire pour expliquer la formation de minéraux magnésiens dans des roches composées, à l'origine, uniquement par des silicates alcalins et du quartz; par contre, la formation de silicates contenant du magnésium dans des roches calcaires est habituellement attribuée à la présence initiale de magnésium dans ces roches. Ainsi il n'est pas rare de trouver, au contact d'intrusions granitiques, des roches essentiellement constituées de cordiérite et d'anthophyllite (amphibole orthorhombique) ; ces deux minéraux contenant du fer et du magnésium se sont formés à partir de quartz et de silicates riches en sodium et en calcium, lesquels ont été éloignés par les mêmes solutions métasomatisantes qui ont apporté le fer et le magnésium.

L'auréole de roches à minéraux contenant du fer et du magnésium, observée autour de nombreuses intrusions granitiques, est interprétée par certains auteurs comme la preuve de l'avancée d'un front métasomatique basique, précédant un front métasomatique alcalin qui provoquerait la granitisation des roches préexistantes.

Les intrusions granitiques provoquent, en outre, des effets métasomatiques par suite de l'introduction dans les roches encaissantes d'éléments volatils concentrés dans les derniers fluides résiduels du magma : en particulier, le bore, le fluor, le chlore et le soufre.

Les roches encaissantes soumises à un métasomatisme borique sont réduites à un agrégat de tourmaline et de quartz, tout en conservant généralement les textures existant avant le métasomatisme, si bien qu'il s'agit souvent de schistes tourmalinifères. La tourmaline est un borosilicate très riche en alumine qui se forme à partir des silicates aluminifères tels que la biotite, la cordiérite et l'andalousite des cornéennes provenant du métamorphisme thermique de roches argileuses, lors du stade principal de solidification de l'intrusion granitique. Le métasomatisme borique de roches calcaires provoque, au contraire, la formation de skarns à axinite, c'est-à-dire de roches qui contiennent, outre des quantités variables de calcite, de l'axinite, borosilicate de calcium de forme prismatique et de couleur blanchâtre, et des silicates de calcium et de fer comme le grenat andradite et le pyroxène hédenbergite.

L'apport métasomatique de bore est souvent accompagné d'un apport de fluor. Dans les granités et les roches gneissiques encaissantes, cet élément contenu dans les fluides métasomatisants prend part à la greisenisation de ces roches et se fixe dans la muscovite qui résulte de la destruction de l'orthose. Si la roche soumise à un métasomatisme pneumatolytique avec apport de fluor contient du magnésium (par exemple, un calcaire dolomitique), le fluor entre dans le réseau cristallin d'un mica magnésien, la phlogopite; les amphiboles et même l'idocrase peuvent contenir du fluor dans leur réseau cristallin. Le groupe des humites (silicates fluorifères de magnésium) est caractéristique de ces roches, ainsi que l'apatite fluorifère.

L'apport métasomatique de chlore dans les roches calcaires et silicatées donne lieu à la formation de minéraux appartenant au groupe des scapolites et constitués d'un mélange isomorphe entre deux termes extrêmes (sodique et calcique) dont la composition est peu différente de celle des plagioclases mais qui contiennent des substances volatiles (chlore, ion carbonate et ion sulfate), La scapolite se forme par altération pneumatolytique des plagioclases calciques contenus dans les roches basiques et ultrabasiques, comme les gabbros et les amphibolites; dans certains cas, il peut s'agir d'un phénomène d'autométasomatisme. Dans les roches calcaires, au contraire, la scapolite se forme parfois secondairement à partir des silicates de calcium métamorphiques, comme le grossulaire et l'idocrase. Un feldspathoïde contenant du chlore : la sodalite, se forme, rarement, dans les calcaires métasomatisés.

Certains composés du soufre (l'acide sulfhydrique, l'anhydride sulfureux, etc.) font partie des substances volatiles introduites à partir du magma dans les roches encaissantes, où elles peuvent produire des effets métasomatiques en formant des minerais utiles (sulfures, sulfates). L'apport de composés de soufre dans les calcaires dolomitiques peut provoquer la formation de la lazurite, minéral de couleur bleue, considéré comme une variété de l'haüyne (feldspathoïde) et qui accompagne d'autres minéraux dans les roches calcaires métasomatisées utilisées comme pierres ornementales (lapis lazuli).

Des réactions métasomatiques importantes sont produites par l'anhydride carbonique contenu dans les solutions hydrothermales. Celui-ci provoque l'altération de nombreux minéraux silicates, spécialement de ceux qui sont formés aux températures les plus élevées comme l'olivine, les plagioclases calciques, etc., et la genèse de carbonates. L'action de l'anhydride carbonique sur des roches contenant des silicates de magnésium, comme les serpentinites et les schistes chloriteux, entraîne la formation de carbonates (magnésite, dolomite et ankérite) et de talc. Ainsi se forment des roches talqueuses et talco-dolomitiques, lesquelles ont parfois une texture schisteuse (schistes talqueux), produite par un métamorphisme régional antérieur ou contemporain. Les réactions métasomatiques diffèrent suivant la température ainsi que les pressions partielles des constituants de la phase fluide interstitielle et comprennent souvent l'éloignement de la silice dissoute. Le produit de ces phénomènes métasomatiques peut alors être une roche essentiellement dolomitique ou une roche composée de magnésite et de quartz.

En France, on rencontre fréquemment des roches métasomatiques, associées à des roches du métamorphisme thermique, autour des intrusions magmatiques de composition granitique, d'âge hercynien, qui ont transformé à leur contact les roches calcaires ou argileuses précambriennes et paléozoïques, en Bretagne, dans les Pyrénées, le Massif central et les Vosges. Par exemple, on connaît des skarns à grenat, idocrase, wollastonite, épidote, etc., en un très grand nombre d'endroits dans les Pyrénées. On rencontre des greisens à lépidolite, topaze, etc., dans la Haute-Vienne, etc. De nombreux gisements miniers sont liés à ces roches métasomatiques.


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Luc Van Bellingen

 

 

 

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