Roches et phénomènes ignés 2

2. Le plutonisme

a)  Introduction

Toutes les roches d'origine magmatique qui se sont solidifiées à l'intérieur de la croûte terrestre prennent le nom de plutons, ou corps intrusifs. On parle de batholites si de tels amas rocheux se développent en profondeur au-dessous de toutes les roches avoisinantes, de façon qu'ils ne paraissent pas renfermés dans ces dernières, qui les enveloppent uniquement dans leur partie sommitale. On parle, au contraire, de corps injectés lorsque les roches magmatiques sont complètement interstratifiées dans les roches avoisinantes (exception faite des « cheminées » qui ont rendu possible leur alimentation et leur injection).

b)  Les batholites

Les batholites, dont l'origine semble liée aux magmas anatectiques, sont généralement localisés dans les aires de la croûte terrestre qui ont subi les plus intenses phénomènes de plissements orogéniques et, plus particulièrement, dans les zones qui constituent les « racines » des déformations (dans le cœur des grandes chaînes de montagnes). Toutefois, selon Daly, les batholites plus anciens (précambriens) peuvent aussi se trouver en dehors de ces aires et se développer, comme dans la plate-forme soviétique, au-dessous de sédiments à structure tabulaire (c'est-à-dire avec des couches subhorizontales).

Les batholites peuvent atteindre des dimensions énormes (si leurs dimensions sont inférieures en surface à 100 km, on utilise plus couramment le terme de stok) : le plus grand batholite, localisé dans les cordillères nord-américaines, atteint une largeur de 1 100 km et se développe sur une bande de 2 000 km de long. Le batholite des Andes (en Patagonie) est aussi de dimensions gigantesques : il mesure 1 100 km de long et environ 110 km de large. Des batholites d'âge hercynien se trouvent au cœur de la chaîne alpine : les plus grands, même si leurs dimensions sont beaucoup plus modestes que celles que nous venons de signaler, sont ceux des massifs du Mont-Blanc, de l'Aar-Gothard, de l'Argentera et du Pelvoux. Les batholites sont généralement discordants avec les roches de la couverture. De toute façon, il faut préciser que leur surface limite supérieure n'est jamais régulière; elle présente de nombreuses apophyses et coupoles secondaires, ainsi que d'autres accidents, et résulte souvent de la connexion avec différentes formes d'intrusions qui se propagent à partir d'elle. Toutefois, de manière générale, la partie sommitale des batholites a la forme d'une énorme coupole (dômes) entourée par son auréole de métamorphisme avec des flancs peu inclinés. Leur inclinaison augmente avec la profondeur et se termine de manière subverticale.

c)  Les corps injectés

Les corps injectés se subdivisent en corps injectés concordants si leurs épontes sont parallèles aux plans structuraux (de stratification, de schistosité, de texture fluidale, etc.) des roches qui les renferment et en corps injectés discordants dans le cas contraire.

1°  Les corps injectés concordants

 Parmi les corps injectés concordants, les filons couches ou les sills sont assez caractéristiques : l'exemple le plus connu est celui de Whin-sill, il s'agit d'un filon couche qui s'étend sur une surface de 3 500 km2, et qui touche cinq comtés d'Angleterre. La propriété principale de ces corps magmatiques est de se développer en harmonie avec la surface structurale (généralement la stratification) et d'avoir une épaisseur extrêmement réduite (de quelques centimètres à quelques centaines de mètres) par rapport au développement de leur surface. Il faut les relier à des injections, généralement horizontales, de magmas très fluides, qui provoquent souvent un phénomène de métamorphisme sur les roches encaissantes.  Cette dernière condition, jointe au fait que les sills présentent souvent des apophyses pénétrant dans les roches du plancher et du toit du filon, permet de les distinguer des coulées de laves recouvertes par des dépôts postérieurs. Il faut également signaler le filon couche du Karoo (Afrique du Sud), long de 160 km et s'étendant sur une surface de 13000 km2.

Les filons couches, bien qu'analogues aux sills, ont une puissance très importante et sont généralement localisés le long de plans correspondant à des discordances stratigraphiques et présentant une orientation parallèle à l'une des deux formations discordantes. Un exemple classique est celui du pluton de Sudbury (Ontario).

Les laccolites, comme les sills, se développent parallèlement à un plan de stratification, et ils prennent la forme d'une lentille plané-convexe ou bien biconvexe. Une forme semblable résulte du fait que le magma, au moment de l'injection, était très visqueux (soit du fait que son refroidissement était déjà commencé, soit, et c'est le cas le plus fréquent, parce qu'il s'agit de magmas acides) et ne pouvait pas se répandre librement : il finissait donc par se bomber sur place et provoquait contemporainement le soulèvement des roches de son toit (et parfois un abaissement des roches de son plancher). Les laccolites sont caractéristiques des régions à structure tabulaire, ainsi qu'en témoignent celles d'Amérique (Wyoming, Utah, Montana, Colorado, etc.), mais n'y sont pas confinés. Il existe aussi des localités caractérisées par la présence de digitations correspondant à des sills. Les structures en dôme ou à coupole de certaines régions sont souvent attribuables à la présence de laccolites dans le substratum.

Il faut signaler parmi les corps injectés concordants les lopolites, dont l'origine est, dans la majorité des cas, liée à des injections de magmas basiques (gabbros). Ils sont beaucoup plus rares que les laccolites et, comme ces derniers, ils ont une forme lenticulaire (leur épaisseur correspond à environ 1/10-1/20 de leur diamètre). Leur forme doit être attribuée, plus qu'à un gonflement par accumulation de la masse magmatique, à un effondrement des roches du substratum. Le lopolite de Duluth (lac Supérieur) est assez célèbre (il a un volume de 200 000 km3) ainsi que celui du Bushweld (Transvaal). Les phacolites, enfin, correspondent à des injections concordantes qui se réalisent en correspondance avec les vides créés le long des zones de charnières anticlinales et synclinales au moment des plissements. La morphologie des roches encaissantes n'est pas liée, comme dans le cas des laccolites, à la pression et aux poussées du magma; c'est, au contraire, ce dernier qui s'adapte aux vides créés par la tectonique.

Sill dans le parc national de Yellowstone (Wyoming)

2°  Corps injectés discordants

Les exemples de corps injectés discordants sont également importants et variés; signalons les formes les plus importantes qui vont des filons aux dykes. aux bysmalites, aux etmolites, aux arpolites et finalement aux chonolites. Leur caractère commun est d'avoir une orientation transversale par rapport aux surfaces structurales des roches encaissantes.

Les dykes ou les filons présentent des propriétés assez semblables à celles des filons couches déjà décrits et s'en différencient uniquement par leur mode de gisement, justement discordant. Ils peuvent avoir des épaisseurs variables de quelques centimètres à plusieurs mètres) (si les dimensions sont inférieures, on parle de veines intrusives), : et être isolés ou regroupés en faisceaux différemment orientés. Il s'agit, en effet, d'injections magmatiques qui se réalisent le plus souvent en liaison avec des plans de fracture affectant les roches préexistantes (ignées, métamorphiques ou sédimentaires), plans de fracture qui, en liaison avec les causes génératrices, peuvent présenter des dispositions variées : en faisceaux, en essaims, à éléments subparallèles, rayonnants, réticulés, en anneaux, etc. Les filons annulaires sont assez caractéristiques. Ils s'injectent dans des fractures arquées ou annulaires qui, selon Anderson, se produiraient par effondrement de parties coniques de la croûte terrestre dans les roches magmatiques sous-jacentes incapables d'en supporter le poids. De tels filons sont, en effet, disposés le long de surfaces coniques avec les sommets dirigés vers le haut. Aux filons annulaires sont souvent associés des filons coniques, mais ceux-ci ont les sommets dirigés vers le bas. Toujours selon Anderson, le second type de filon doit être rattaché aux pressions exercées par le magma sur sa couverture rocheuse. Les filons de plus grandes dimensions, mis en relief par l'érosion des roches encaissantes généralement plus tendres, donnent au paysage un aspect très caractéristique. Les bysmalites sont des corps injectés de forme cylindrique, concordants au sommet, et exclusivement dans cette partie, avec les roches de la couverture. L'exemple le plus connu est celui du mont Holmes (National Park de Yellowstone, États-Unis).

Les etmolites ont, contrairement aux bysmalites, une épaisseur qui décroît vers le bas, de telle façon qu'ils présentent en section verticale la forme d'un entonnoir. Selon Dal Piaz, le massif de l'Adamello en serait un exemple typique.

Les arpolites ont une forme de faucille très arquée. De tels corps prendraient naissance, selon Cloos, par la remontée du magma le long de fractures tectoniques subverticales et par son expansion horizontale successive. Leur caractère discordant serait dû, en grande partie, à des étirements et des déformations subis pendant les poussées orogéniques.

Enfin, le terme de chonolites désigne tous les corps injectés, essentiellement discordants, non classifiables dans les catégories précédentes. Ils présentent des analogies avec les batholites, bien qu'ils soient certainement injectés. Comme les laccolites, ils ont, de plus, souvent donné naissance à des structures en dôme dans les roches de la couverture.

Deux types de dykes bien caractéristiques


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Luc Van Bellingen

 

 

 

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