Géomorphologie 2

1.  Le relief
2.  L'érosion
a)  L'érosion sur les interfluves, ou érosion aréolaire
1°.  La désagrégation thermique
2°.  La désagrégation mécanique
3°.  L'oxydation
4°.  L'hydratation
5°.  La dissolution
6°.  L'hydrolyse
7°.  Le rôle des organismes vivants
b)  Les mouvements des débris
1°.  Sur les versants rocheux
2°.  Sur les versants non rocheux
c)  L'érosion par les eaux courantes, ou érosion linéaire
1°.  Les torrents
2°.  Les autres cours d'eau
d)  L'érosion par les eaux souterraines
3.  Roches et modelé
a)  Les roches sédimentaires
1°.  Les roches sédimentaires meubles
2°.  Les roches sédimentaires cohérentes
b) Les roches éruptives
c) Les roches métamorphiques
1°.  Les dômes
2°.  Les filons
3°.  Le granité
4°.  Les diorites
5°.  Les micaschistes
6°.  Les gneiss
7°.  Les leptynites
4.  Roches et relief volcaniques
a)  Introduction
b) Les boucliers et plateaux de laves
c) Les trapps
d) Les volcans stromboliens
e) Les volcans d'explosion
1°.  Le type vulcanien
2°.  Le type ignimbritique
f) Les formes volcaniques particulières
5.  Relief et structure
a) Les structures tabulaires
b) Le relief de cuesta
c) Les structures plissées
d) Les structures faillées
e) Les contacts
1°.  Les contacts sans faille
2°.  Les contacts avec faille
6.  L'évolution du relief
a) La théorie du cycle d'érosion de Davis
b) La succession des cycles d'érosion
c) Critique de la théorie davisienne. Nouvelles théories de remplacement. Introduction à la géomorphologie climatique
7.  Les paysages glaciaires
a) Introduction
b) Les divers types de glaciers
c) Le travail de la glace
d) Les formes glaciaires
8.  Les paysages périglaciaires
a) Caractères et domaines du gel
1°.  Intensité et durée
2°.  Régions affectées
3°.  Processus d'action du gel
4°.  Formes de ségrégation de la glace
5°.  Le rôle du gel
6°.  Les processus du dégel et de la fonte des neiges
7°.  Rôles du ruissellement et du vent
8°.  Les formes dues aux processus périglaciaires
9°.  Le réseau hydrographique
9.  les paysages arides
a) L'action érosive du vent
b) La désagrégation mécanique
c) Le paysage désertique
10. Les paysages tropicaux humides
a) Le modelé de la forêt dense
b) Le modelé des savanes
c) Formes d'aplanissement
11. Les paysages littoraux
a) Processus subaériens
b) La plage
12.  Les applications de la géomorphologie
 

Le propre de la géomorphologie est d'observer, de décrire et d'expliquer les différentes formes du relief, qu'il est possible de définir comme l'ensemble des saillies de l'écorce terrestre. Les forces constructrices, dites forces tectoniques, et les éruptions volcaniques édifient le relief, sur lequel s'exerce l'érosion ; celle-ci se traduit par l'enlèvement et l'accumulation de matériaux et agit en fonction de la nature des roches (facteurs lithologiques), de l'agencement des terrains (facteurs structuraux) et de l'aire d'action (facteurs climatiques).

2.  L'érosion

L'érosion est définie par l'ensemble des phénomènes exogènes (c'est-à-dire extérieurs à l'écorce terrestre) qui contribuent à modifier les formes créées par les phénomènes endogènes (forces tectoniques et volcanisme). Cette modification se traduit non seulement par l'érosion proprement dite, c'est-à-dire l'usure, mais aussi par accumulation (par exemple, les dunes).

L'érosion s'exerce par l'intermédiaire d'agents d'érosion, tels que les agents atmosphériques et les agents biologiques; leurs modalités d'action sont les processus d'érosion, très divers, classés en processus d'érosion mécaniques d'une part, et en processus d'érosion chimiques d'autre part.  L'ensemble des formes qui résulte de l'érosion est le modelé. Si les processus d'érosion concourent à réduire les points hauts du relief, le modelé est dit « d'aplanissement »; si, au contraire, ils tendent à les creuser, le modelé est dit « de dissection ».

Le modelé de dissection est créé par l'érosion des eaux courantes, ou érosion fluviatile, qui a pour agent l'écoulement concentré des eaux courantes et qui s'exerce le long des talwegs.

Le modelé d'aplanissement est créé par l'érosion aréolaire, dont les agents sont multiples et qui s'exerce en surface, sur les interfluves.

a)  L'érosion sur les interfluves, ou érosion aréolaire

L'interfluve, constitué de deux versants séparés ou non par une surface plus ou moins plane, est soumis à l'altération sur place des roches qui le composent. L'altération sur place concerne l'ensemble des phénomènes de désagrégation physique et de décomposition chimique des minéraux et des roches dus à l'action des eaux, aux variations de température, à la présence d'oxygène et d'anhydride carbonique, ainsi qu'à l'importance des organismes.

Les processus de désagrégation physique comprennent, d'une part, la désagrégation mécanique et, d'autre part, la désagrégation thermique.

1°.  La désagrégation thermique

La désagrégation thermique résulte du réchauffement et du refroidissement inégaux des roches. Quand la température varie, les grains constituant les roches se dilatent ou se contractent. Comme la chaleur ne pénètre que lentement, la dilatation n'affecte que la partie superficielle de la roche : telle est l'origine de la fissuration parallèle de la surface externe de la roche et de son écaillement, ou desquamation. Les roches de composition minérale hétérogène sont les plus susceptibles d'être soumises à la désagrégation thermique puisque les coefficients de dilatation sont variables d'un minéral à l'autre.

2°.  La désagrégation mécanique

La désagrégation mécanique a pour principal agent le gel. L'eau s'infiltre dans les diaclases, fissures de moindre résistance dont l'origine est liée aux variations de température et de pression pendant les mouvements tectoniques. A une température inférieure à 0°C, l'eau augmente de volume (environ de 10 %) et fait éclater la roche. C'est le processus de gélifraction, ou gélivation. La gélifraction est d'autant plus intense que la température oscille fréquemment autour du point de congélation de l'eau, ce qui conduit à la fragmentation en blocs anguleux de roches cohérentes comme le basalte et les roches cristallines à grains fins. La fragmentation est également favorisée par la cristallisation des sels, par les racines des arbres agissant comme des coins et par certains animaux fouisseurs.

La désagrégation physique est toujours accompagnée d'une altération chimique dont les actions principales sont l'oxydation, l'hydratation, la dissolution et l'hydrolyse.

3°.  L'oxydation

L'oxydation est due à la présence d'oxygène actif libre, d'autant plus efficace que son action se produit au sein d'un milieu aqueux. Les phénomènes d'oxydation se produisent aux dépens de presque tous les minéraux ferromagnésiens.  Le protoxyde de fer, qui s'oxyde rapidement, recouvre les minéraux d'une croûte brune. De même, les sables, les grès, les argiles, les marnes comportant des inclusions ferrugineuses sont souvent colorés en brun ou en ocre.

4°.  L'hydratation

L'hydratation consistant dans l'absorption de l'eau par les minéraux s'observe, notamment, dans les silicates et alumino-silicates et se traduit par une augmentation de volume.

5°.  La dissolution

La dissolution complète des minéraux par l'eau, accompagnée de gaz carbonique qui augmente considérablement son pouvoir de dissociation, s'observe dans les bancs de sel, de gypse et surtout dans les calcaires.  Dans ces derniers, la dissolution est à l'origine d'un type de relief particulier, le relief karstique.

Relief karstique

6°.  L'hydrolyse

L'hydrolyse menée conjointement par l'eau chargée de gaz carbonique conduit à la décomposition des silicates, notamment des feldspaths, minéraux les plus répandus dans les poches plutoniques.  Ainsi, l'orthose donne par hydrolyse le kaolin et l'opale. Les minéraux ferromagnésiens se décomposent plus énergiquement que les feldspaths.

7°.  Le rôle des organismes vivants

Le rôle des organismes dans l'altération chimique n'est pas à négliger : les plantes exercent non seulement une action mécanique par l'intermédiaire des racines mais également une action chimique par dégagement d'acides organiques à partir des radicelles, par absorption des éléments minéraux nécessaires à leur développement, par émission d'oxygène et de gaz carbonique, et par dégagement d'acides humiques pendant leur décomposition.

b)  Les mouvements des débris

L'altération sur place des roches entraîne la formation d'un manteau de débris superficiel, appelé régolite, soumis au transport par gravité et par ruissellement, notamment sur les versants.

Le mouvement sur les versants s'effectue différemment selon la nature, rocheuse ou non, du versant.

1°.  Sur les versants rocheux

— Sur les versants rocheux, les mouvements sont brutaux. L'éboulement concerne la chute instantanée de grandes masses donnant un chaos de rochers. La formation d'éboulis est due à la chute successive de blocs. Les blocs constituent généralement soit des cônes d'éboulis, soit des talus d'éboulis quand les cônes entrent en coalescence.

Eboulis sur une route de montagne

2°.  Sur les versants non rocheux

— Sur les versants non rocheux, certains mouvements sont lents, d'autres brutaux.

Le ruissellement concentré, qui ne s'exerce que sur les versants dépourvus de végétation, entraîne la formation de ravins, ce qui suppose que l'eau n'a pas eu le temps de s'infiltrer (à l'occasion notamment d'averses violentes).

Le ruissellement diffus est le fait des versants couverts de végétation. Son action érosive est très faible. Cependant, les débris fins sont emportés et déposés au pied du versant. Ce sont des dépôts éluviaux.

La solifluxion, ou descente des débris sous forme boueuse, concerne les formations plastiques. Au-delà d'un certain seuil de plasticité, correspondant à la teneur en eau au-dessus de laquelle le terrain devient plastique, le glissement de boue, lent, se traduit par des loupes. Au-delà d'un certain seuil de liquidité, une coulée boueuse se produit avec un arrachement en forme de niche à l'amont de la coulée, tandis que celle-ci présente des bourrelets et des bosses.

Le glissement à sec, observé dans des formations pulvérulentes et en l'absence d'eau, se produit lorsque le versant n'est plus en équilibre soit du fait d'une accumulation à son sommet, soit à cause d'une érosion à sa base. Les formations plus compactes et susceptibles de compression sont à l'origine des terrassettes (gradins de petite taille) quand une pente forte entraîne ces formations vers le bas.

La reptation, ou creeping, sur un versant consiste en une lente descente des débris. Ce mouvement général est dû à la pesanteur, aux processus de désagrégation physique et de décomposition chimique. La résultante de ces divers mouvements est une descente progressive de toute la masse de débris. Les mouvements sur les versants, qu'ils soient lents ou rapides, liés ou non à la présence de l'eau, ou encore qu'ils résultent de mouvements divers dans le détail, modifient leur profil. Certains versants, comme les versants à terrassettes, sont irréguliers. D'autres, au contraire, présentent un profil régulier car recouverts de débris, lisses et sans ravinement; le profil est alors convexe en haut et concave en bas : le versant réglé, ou versant de Richter, correspond à une pente assez forte (25 % environ) avec une longue section rectiligne entre la section convexe et la section concave.

c)  L'érosion par les eaux courantes, ou érosion linéaire

L'érosion linéaire est la forme d'usure la plus connue. Elle concerne principalement l'érosion torrentielle, agressive, et l'érosion fluviatile, calme.

1°.  Les torrents

Les torrents sont des cours d'eau à régime spasmodique des montagnes ou secteurs montagnards à couverture végétale discontinue. Un torrent est constitué de trois secteurs : son cours supérieur correspond au bassin, ou entonnoir de réception, son cours moyen ou canal, ou chenal d'écoulement, son cours inférieur ou cône de déjection. Un torrent présente l'aspect d'un sablier dont les deux hémisphères seraient l'entonnoir de réception et le cône de déjection, mais il en a rarement la symétrie parfaite.

Torrent de montagne

Le bassin de réception est le secteur de rassemblement des multiples ruisseaux où chacun de ceux-ci creuse, recule sa source, se charge de matériaux. Le chenal d'écoulement est le collecteur du torrent qui érode et accumule au gré de la pente. Le cône de déjection est une forme d'accumulation à l'arrivée du torrent dans la vallée. Le torrent, en exhaussant son lit par dépôt des matériaux transportés, oscille sur le cône à la faveur de crues. Les cônes peuvent repousser le cours d'eau qui coule dans la vallée contre le versant opposé. Deux cônes qui se rencontrent jouent le rôle de barrage dans la vallée, entraînant l'existence d'un lac. Le torrent, qui possède une triple fonction d'érosion, de transport et d'accumulation, constitue un matériel naturel pour l'étude de l'érosion linéaire du fait du caractère brutal et instantané de son activité. Il crée un profil d'équilibre qui convient mieux à l'écoulement de ses eaux, profil d'équilibre plus difficile à appréhender en ce qui concerne l'écoulement fluviatile.

2°.  Les autres cours d'eau

L'écoulement fluviatile. Un cours d'eau est caractérisé par sa puissance. Celle-ci, brute, est proportionnelle à la surface de la section mouillée et au cube de sa vitesse. Sa puissance nette correspond à la puissance brute diminuée de la puissance absorbée par les frottements et le transport de la charge (sédiments chariés par le cours d'eau). Si la puissance nette est positive, le cours d'eau a tendance à creuser. Si elle est négative, il dépose une partie de sa charge. Si elle est nulle, il ne creuse ni ne dépose. Le cours d'eau tend à établir, par creusement ou par remblaiement, une pente dite pente d'équilibre; celle-ci est telle qu'il ne creuse ni ne remblaie. A ces considérations théoriques il faut toutefois ajouter l'influence des caractères fluctuants du cours d'eau tels que sa vitesse non constante sur toute la section mouillée, l'écoulement en partie laminaire, en partie turbulent (la turbulence concerne les tourbillons et les rides de surface, qui deviennent parfois des vagues), la profondeur dont l'influence est mal connue. D'autre part, le rôle de la charge est également mal interprété. Cependant, une approximation permet de dire que le poids limite des matériaux transportés par le cours d'eau est proportionnel à la sixième puissance de la vitesse. La charge limite du courant est le poids maximal qu'il peut transporter, tandis que sa compétence est la possibilité qu'il a de transporter des matériaux de la dimension maximale en fonction de la vitesse.

  • Le transport des matériaux

— Le transport des matériaux s'effectue au fond par saltation et au sein du cours d'eau par suspension (troubles). La charge en troubles est parfois considérable. Les cours d'eau charrient également des substances dissoutes, comme le carbonate de calcium. Au total, la charge au fond, en suspension et en dissolution, ne mobilise qu'une faible partie de la puissance du cours d'eau qui dépense dix fois plus d'énergie absorbée par les frottements et les tourbillons, ceux-ci étant des facteurs d'érosion latérale parmi les plus importants du lit fluvial.

Le transport des sédiments au sein d'un cours d'eau

  • Le lit fluvial

— Le lit fluvial est l'espace occupé par un cours d'eau. Il s'élargit à la faveur d'inondations : c'est le lit majeur, ou d'inondations, plus large que le lit ordinaire, ou apparent le plus souvent bien marqué entre deux berges. Dans le cas de rivières au régime irrégulier, les eaux n'occupent qu'une partie du lit apparent : c'est le chenal d'étiage, sans berges nettes et oscillant à l'intérieur du lit apparent. Les matériaux des lits peuvent être soit la roche en place, soit des matériaux transportés par le cours d'eau. Les creux taillés dans le roc par les tourbillons sont des marmites de géants. Les secteurs alluviaux, dans le lit apparent du cours d'eau, montrent des matériaux de plus en plus petits roulés de l'amont vers l'aval (en effet, la pente se réduisant vers l'aval, le dépôt des matériaux les plus gros s'effectue progressivement). Les lits majeurs sont occupés par du matériel fin issu des champs cultivés.

Le chenal présente toujours des sinuosités liées aux courbures et aux profondeurs. Dans chaque courbe, il existe un secteur plus profond que ceux qui se trouvent immédiatement à l'aval et à l'amont : c'est la mouille, qui présente un profil en travers dissymétrique, accentué contre la rive concave. Entre chaque mouille, les secteurs moins profonds sont les seuils, dont le profil est symétrique. Après chaque mouille, le fond du lit présente une contre-pente.

Si le fleuve a une pente telle qu'il n'alluvionne ni ne creuse sur toute la largeur de son lit et sur toute la longueur de son cours, il acquiert un profil d'équilibre. Si, pour une raison quelconque, le plan d'eau s'abaisse en un point donné, à l'aval la pente se réduit, le courant ralentit et dépose une partie de sa charge en exhaussant ainsi son lit. A l'amont de ce point, au contraire, la pente s'accroît, le courant s'accélère et entraîne une reprise d'érosion qui se propage de proche en proche vers l'amont : c'est l'érosion régressive. Le profil d'équilibre s'élabore en fonction d'un niveau restant fixe pendant une période assez longue : c'est le niveau de base, qui est en général l'aboutissement du fleuve à la mer. L'allure générale du profil est concave, car le débit augmente vers l'aval tandis que la charge diminue. A un profil donné correspondent plusieurs types de tracés, dont les méandres représentent les sinuosités les plus fréquentes.

  • Le méandre

— Un méandre est une sinuosité régulière décrite par le lit ordinaire du cours d'eau, au chenal bien calibré mais dissymétrique. Il existe deux types de méandres : le méandre encaissé (la vallée sinue comme la rivière) et le méandre de plaine alluviale (le tracé de la rivière est indépendant du tracé de la vallée). Par la simple force centrifuge, le courant creuse la rive concave du méandre, tandis qu'il dépose sa charge sur la rive convexe par diminution de sa vitesse. Le méandre a, par conséquent, tendance à s'exagérer. Ainsi, la rive concave est abrupte, et la rive convexe basse. Deux méandres consécutifs peuvent se recouper, soit par débordement à l'occasion d'une crue, soit par contact quand le pédoncule disparaît. Lorsque le recoupement est réalisé, l'ancien méandre devient un bras mort (c'est le phénomène d'autocapture). En même temps qu'il s'exagère, le méandre entreprend une migration vers l'aval qui calibre la vallée aux dimensions des méandres. Le méandre se forme ainsi en fonction d'un état d'équilibre entre la puissance nette du cours d'eau et la résistance soit de la roche en place en ce qui concerne les méandres encaissés, soit des alluvions pour les méandres de plaine alluviale. Les méandres se groupent généralement par trains quand les conditions d'équilibre sont réalisées. Les tracés se modifient lorsqu'un cours d'eau en capture un autre.

Méandre du Colorado

  • La capture

— Une capture est un détournement naturel de la partie amont d'un cours d'eau vers un cours d'eau voisin, le premier devenant l'affluent du second. Deux mécanismes principaux provoquent des captures. Le premier est l'érosion de l'interfluve séparant deux vallées voisines soit par ravinement (capture par recul de tête), soit par sapement à la base du ou des versants limitant l'interfluve étroit entre deux cours d'eau proches l'un de l'autre (capture par osculation). Le second mécanisme concerne l'exhaussement du lit par accumulations d'alluvions qui entraîne une capture par déversement dans une vallée voisine restée basse.

— Les captures contribuent à hiérarchiser le réseau hydrographique, défini comme l'ensemble des cours d'eau constitué par un fleuve, ses affluents et sous-affluents, drainant une région plus ou moins vaste appelée bassin-versant. La densité de drainage est le rapport entre la longueur totale des cours d'eau et la surface du bassin-versant.

Un réseau hydrographique est caractérisé par son type de relations avec la mer. Quand les eaux atteignent la mer, le drainage est dit exoréique. Quand elles n'atteignent pas la mer soit par évaporation, soit par infiltration, le drainage est dit endoréique. Enfin, lorsque l'écoulement est occasionnel et limité, il n'y a pas de drainage organisé : c'est l'aréisme.

Un réseau hydrographique est également caractérisé par son type d'organisation. Le réseau est hiérarchisé lorsque chaque drain est tributaire d'un drain plus important, cela jusqu'au collecteur central qui mène à la mer. Un réseau peut être désorganisé, notamment par le phénomène karstique et par l'aréisme. Il peut être totalement anarchique, diffluences et confluences se multipliant sur un trajet très court. Les formes des réseaux sont très variées. Le réseau idéal serait de forme ovoïde avec un drain central. Il existe des réseaux déformés, dissymétriques, se rapprochant plus ou moins de la forme ovoïde. La forme est soit indépendante de la structure, auquel cas le réseau peut être dendritique, soit dépendant de la structure (c'est-à-dire de l'agencement des terrains), le réseau se présentant alors en treillis, orthogonal, radial, centripète, parallèle, annulaire, en peigne, etc. Le fleuve se jette dans la mer à l'embouchure, secteur caractérisé par des interactions complexes entre les eaux douces et les eaux marines.

  • Les embouchures

— Les embouchures apparaissent sous l'influence de nombreux facteurs qui sont, notamment, le débit et la charge du cours d'eau, les courants de marée et la salinité. Les divers modes d'interaction entre les fleuves et les mers aboutissent à la formation de deux types principaux d'embouchures : les deltas et les estuaires.

Le delta est le cône de déjection des matériaux apportés par le fleuve qui progresse vers la mer. Lorsque le fleuve atteint la mer, sa vitesse diminue. Les matériaux traînés sur le fond se déposent alors, ainsi que les matières en suspension sous le processus de la floculation provoquée par le contact de l'eau de mer. Il s'établit, de ce fait, un large cône alluvial. Si la mer est peu profonde, le lit fluvial est rapidement remblayé par les dépôts sur lesquels le fleuve s'exhausse et multiplie les chenaux, qui sont les bras du delta. A chaque crue, le delta change de forme en s'élargissant, s'exhaussant et s'allongeant vers la mer, donnant ainsi naissance à de vastes plaines deltaïques. Cette progression est discontinue. Un delta est caractérisé par de fréquentes migrations de son lit principal.

Les deltas sont formés par des dépôts de nature différente : dépôts alluviaux des fleuves, dépôts argileux des eaux stagnantes renfermant le plus souvent une quantité importante de matière organique, dépôts des tourbières et sédiments marins. Tous ces dépôts subissent des modifications notables dans le sens horizontal et dans le sens vertical à cause des migrations fréquentes des bras qui conditionnent le transport et l'accumulation des dépôts fluviatiles d'une part, et par suite de la formation de lacs ou dépressions où s'entassent les argiles et la tourbe d'autre part. Les dépôts présentent ainsi un profil caractéristique en quatre couches : une partie immergée, renfermant surtout des dépôts fluviatiles, lacustres et marécageux; une partie immergée sous-marine, à strates horizontales et constituée d'alluvions déposées au-dessous du niveau de la mer; une partie centrale, à stratifications obliques et à dépôts accumulés sur une pente assez forte et remaniés par la dérive littorale et les déferlements; enfin, une partie sous-marine inférieure, formée pour l'essentiel de matières en suspension apportées par le fleuve et précipitées dans les eaux marines. Ce schéma théorique de l'agencement des dépôts subit le plus souvent des modifications, surtout du fait de l'exhaussement et de l'affaissement du sol, mouvements qui rompent l'équilibre entre la mer et le fleuve. Cependant, les dépôts deltaïques conservent ce caractère particulier de stratification oblique. Les conditions favorables à l'édification des deltas sont les suivantes : une faible profondeur de la mer à l'endroit où se jette le fleuve; une charge importante de débris; une mer sans marée et sans courants puissants capables d'emporter les alluvions.

Le delta du Nil

L'estuaire, partie terminale d'un organisme fluvial où la marée et ses courants se font sentir, se présente le plus souvent sous la forme d'une embouchure évasée caractérisée par des dépôts fins de nature vaseuse. Des courants de marée puissants, en particulier le courant de jusant qui renforce celui du fleuve, et un faible alluvion-nement du cours d'eau sont les conditions favorables à sa formation.

Estuaire de la Loire.  Remarquons le flux central du fleuve qui se mélange à l'eau salée et qui, sur les côtés, là où le courant est plus faible dépose des sédiments.

d) L'érosion par les eaux souterraines

Les eaux souterraines, dont les exutoires naturels à la surface sont les sources, remplissent les pores et les vides des roches au-dessous du sol. Leur action est à l'origine, d'une part, des phénomènes karstiques dans les roches solubles et en particulier dans les calcaires, et d'autre part des glissements de terrains sur les versants.

Glissement de terrain ayant emporté une partie de la colline et une route.  Ce mouvement de terrain a eu lieu après plusieurs jours de pluies torrentielles.

Schéma de la mécanique d'un glissement de terrain

L'infiltration des eaux est fonction de la perméabilité des roches, c'est-à-dire de leur capacité à laisser passer l'eau. Les roches perméables comprennent surtout : les sables, les graviers, les galets, les calcaires et les conglomérats; les roches de perméabilité moyenne, les argiles sableuses et le lœss; les roches imperméables, les argiles, les roches cristallines massives, les roches sédimentaires cimentées et non fissurées. Les eaux souterraines sont classées, selon différents critères (origine, gisement, propriétés, composition chimique), en quatre types : les nappes suspendues, qui gisent à une faible profondeur; les eaux de fond, qui ont une plus grande extension que les nappes suspendues; les nappes captives non artésiennes, situées entre deux couches imperméables; les eaux artésiennes, formant des bassins artésiens.

La pression hydrodynamique et le mouvement d'usure exercés sur le versant par les eaux souterraines peuvent provoquer son brusque glissement. Le versant peut alors prendre l'aspect d'un versant de glissement simple ou de glissement complexe. Ce dernier est composé d'une série de blocs de terrain appuyés les uns contre les autres, à la partie inférieure de laquelle les roches déplacées sont écrasées par le poids des blocs supérieurs (partie détritique du glissement). Habituellement, un glissement est signalé, d'une part, par l'apparition sur le sol de fentes d'arrachements situées à l'amont du versant et s'élargissant progressivement et, d'autre part, le plus souvent, par l'inclinaison de la végétation arborée (forêt dite « ivre »).


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Luc Van Bellingen

 

 

 

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