Le métamorphisme et les roches métamorphiques (4)

4.  Classification des roches métamorphiques
a) Introduction
b) Zones de métamorphisme
c) Faciès métamorphiques
1°.  Paragenèse minérale
2°.  Règle des phases
d) Les roches métamorphiques de contact
1°.  Faciès des cornéennes à albite et épidote
2°.  Faciès des cornéennes à hornblende
3°.  Faciès des cornéennes à pyroxène
4°.  Faciès des sanidinites
e) Les roches du métamorphisme régional
1°.  Faciès à zéolites
2°.  Faciès à prehnite et pumpellyite
3°.  Faciès des schistes verts
4°.  Faciès des schistes à glaucophane
5°.  Faciès des amphibolites à almandin
6°.  Faciès des granulites
7°.  Faciès des éclogites
f) Les roches du polymétamorphisme
g) Les roches de l'ultramétamorphisme
h) Les roches du métamorphisme dynamique

4.  Classification des roches métamorphiques

a) Introduction

C'est en 1795 que J. Hutton décrivit pour la première fois les changements qui peuvent se produire dans une roche sous l'influence de la chaleur et de la profondeur. Il décrivit les phénomènes métamorphiques sans toutefois employer ce terme, qui fut créé par Ch. Lyell en 1833. C'est seulement dans la seconde moitié du XIXe siècle que fut observée pour la première fois une transition progressive entre des sédiments fossilifères et des roches métamorphiques formées à partir de ces sédiments et que fut introduit le terme de métamorphisme régional ou général pour désigner les phénomènes de transformation des roches à grande échelle.

b) Zones de métamorphisme

En 1893, en Ecosse, G. Barrow mit en évidence, pour la première fois, différentes zones de métamorphisme correspondant à des intensités différentes de métamorphisme. Dans la région qu'il étudia existent des gneiss à biotite et à muscovite, qu'il attribua à la transformation d'un ancien granité; les autres roches métamorphiques ont toutes une composition pélitique. En se fondant sur leur composition minéralogique, Barrow détermina et reporta sur une carte géologique les limites de différentes zones successives, définies chacune par un minéral caractéristique, ou minéral-index. Il montra que les variations minéralogiques observées dans les différentes zones ne sont pas dues à des variations originelles des roches; en effet, celles-ci ont toutes à peu près la même composition chimique; de plus, on peut observer un niveau repère de quartzites qui traverse les différentes zones et qui contient successivement les différents minéraux-index caractéristiques des zones successives. Ces minéraux sont donc produits par des intensités différentes du métamorphisme; chaque minéral-index indique le degré de métamorphisme des roches qui le contiennent, ces roches étant exposées à la surface terrestre par suite de phénomènes de dislocation et d'érosion postérieurs à leur formation.

Barrow établit ainsi la première échelle relative des degrés du métamorphisme, en distinguant six zones successives, qui sont, en partant du degré de métamorphisme le plus faible : les zones à chlorite, à biotite, à grenat, à staurotide, à disthène, et à sillimanite. Entre deux zones contiguës, il existe une limite caractérisée par, l'apparition ou la disparition d'un minéral-index. Cette limite est appelée isograde ou surface d'isométamorphisme; son intersection avec la surface terrestre peut être cartographiée. En général, il s'agit d'une zone de transition plus ou moins large correspondant au domaine où a lieu une réaction chimique, pour certaines valeurs de températures et de pressions, avec transformation d'une association minérale en une autre.

Toutefois, cette zonéographie n'est valable que dans la région étudiée par Barrow et pour des roches de composition pélitique. Du fait de la diversité des conditions de température, de pression lithostatique, de pression fluide et de pressions orientées à l'intérieur de la croûte terrestre, qui provoque une très grande diversité d'associations minérales et de structures des roches métamorphiques, elle ne peut pas se généraliser à d'autres régions.

En 1904, H. Grùbenmann classifia, à partir de zonéographies établies en différentes régions, les roches du métamorphisme régional en trois zones, définies par rapport à la profondeur.

Cette classification, établie en fonction de la profondeur, ne tient pas assez compte de l'indépendance relative des différents facteurs provoquant le métamorphisme. De plus, elle est très imprécise. Cependant, on continue à l'utiliser car elle est d'usage pratique sur le terrain, quand on ne peut reconnaître les roches que d'après leur aspect macroscopique et leurs minéraux visibles à l'œil nu.

c) Faciès métamorphiques

La classification actuellement en vigueur est la classification en faciès métamorphiques, formulée en 1914 par le pétrographie finlandais P. Eskola : chaque faciès métamorphique comprend toutes les roches métamorphiques d'origine et de compositions chimique et minéralogique très diverses mais formées dans le même intervalle de températures et de pressions.

1°.  Paragenèse minérale

La classification des roches métamorphiques en faciès correspond à ce que l'on observe dans la nature. En effet, on constate souvent, plus particulièrement pour les paraschistes et les paragneiss, formés par métamorphisme de roches sédimentaires où les strates ont des compositions souvent différentes, la juxtaposition de roches métamorphiques de natures variées (marbres, quartzites, amphibolites, gneiss, etc.), mais qui se sont formées dans les mêmes conditions et appartiennent donc au même faciès.

D'autre part, l'étude pétrologique des roches métamorphiques a permis de conclure que l'association minérale, ou paragenèse minérale, stable dans un intervalle déterminé de températures et de pressions, dépend plus de la composition chimique de la roche que de sa composition minéralogique initiale. Par exemple, des roches de compositions minéralogiques complètement différentes, comme les gabbros et les argiles calcaires, mais très semblables par leur composition chimique, peuvent se transformer en roches métamorphiques identiques si elles sont soumises à des conditions analogues de températures et de pressions.

2°.  Règle des phases

La classification en faciès métamorphiques est basée sur la règle des phases, loi thermodynamique qui indique le nombre de phases, c'est-à-dire de minéraux et de substances fluides physiquement séparables, produites par une réaction chimique entre plusieurs éléments dans des conditions externes variables. La règle des phases est exprimée par la formule simple :

v = n — f + 2

n est le nombre de constituants indépendants entrant en réaction entre eux, le nombre de phases indépendantes produites par la réaction, et v la variance du système, c'est-à-dire le nombre de conditions physiques (pressions et température) qui peuvent varier sans que les produits de la réaction changent.

La règle des phases permet donc de connaître combien de minéraux différents se formeront lors d'une réaction métamorphique, à condition que soient déterminés la variance du système et le nombre de constituants indépendants, c'est-à-dire de substances entrant dans la réaction.

La variance des réactions métamorphiques est au moins égale à 2 puisque les associations minérales normales sont stables dans un certain intervalle aussi bien de températures que de pressions, et non pour des valeurs strictement déterminées de ces deux variables. Mais la variance peut également être supérieure à 2, puisque la stabilité des produits de nombreuses réactions métamorphiques dépend de différents types de pression : lithostatique, orientée, pression de la phase fluide. Dans ces conditions, le nombre f  des minéraux produits au cours des réactions métamorphiques est généralement égal ou inférieur au nombre n de constituants indépendants des réactions.

Les principaux éléments chimiques présents dans les roches et pouvant participer aux réactions métamorphiques peuvent être déterminés sous forme d'oxydes, par des analyses chimiques. Ils sont au nombre d'environ une dizaine. Cependant de nombreuses roches métamorphiques, même si elles se sont formées à partir de roches de composition minéralogique plus complexe, sont constituées par l'association de trois ou quatre minéraux seulement. Par conséquent, tous les éléments chimiques présents dans les roches ne jouent pas le rôle de constituants indépendants au cours des réactions métamorphiques. Cela est dû au fait que certains éléments isomorphes peuvent se substituer l'un à l'autre dans les réseaux cristallins des minéraux et ont un comportement géochimique analogue.

Si l'on passe rapidement en revue les principaux éléments chimiques présents dans les roches (en les considérant sous forme d'oxydes), on constate que la silice, la substance la plus abondante, se combine avec les autres oxydes pour construire le réseau cristallin de tous les minéraux silicates; puis, si elle est présente en quantité supérieure à celle qui est nécessaire à la formation des silicates les plus riches en silice, la silice en excès cristallise sous forme de quartz. Dans les roches métamorphiques, les minéraux nettement sous-saturés en silice, comme les feldspathoïdes, sont très rares; l'olivine est aussi très peu fréquente. La silice y est très souvent en excès sous forme de quartz.

L'alumine peut former à elle seule un minéral, le corindon, ou se combiner avec la silice pour former les silicates d'alumine (andalousite, disthène, sillimanite) ou encore avec d'autres oxydes pour former une grande variété de minéraux silicates aluminifères. Elle a donc une grande importance dans la détermination de la composition minéralogique d'une roche.

Le fer trivalent (ferrique) peut se substituer à l'aluminium dans le réseau de nombreux minéraux à cause de la similitude du rayon ionique de ces deux ions. Son comportement lors des réactions métamorphiques est en partie semblable à celui de l'aluminium. Le fer bivalent (ferreux) a un rayon ionique plus grand que le fer trivalent et se combine avec l'alumine et la silice pour former différents minéraux basiques. Le magnésium se substitue fréquemment au fer bivalent dans le réseau cristallin de nombreux minéraux, ainsi que le manganèse, constituant important de certains grenats.

Le calcium peut se combiner (sous forme d'oxyde) avec le gaz carbonique pour former la calcite, ou avec la silice (wollastonite), ou encore avec d'autres oxydes dans le réseau de plusieurs minéraux (pyroxènes, amphiboles, épidotes, etc.). De plus, il entre dans la composition des plagioclases, dans le terme anorthitique de cette importante série isomorphe. Le pourcentage de calcium qui va former de la calcite dépend surtout, pour chaque intervalle de température, de la pression du gaz carbonique intercristallin. Le calcium peut donc aussi former différents minéraux, suivant la composition chimique globale de la roche et les conditions de métamorphisme. Le sodium entre surtout dans la composition des plagioclases, dans le terme albitique de la série; il peut se substituer au potassium dans certains micas. Des quantités significatives de sodium peuvent entrer dans le réseau des amphiboles, des pyroxènes et d'autres minéraux.

Le potassium est un constituant fondamental de la muscovite, de la biotite et des feldspaths potassiques. A hautes températures, il entre parfois dans le réseau cristallin de la hornblende.

Le phosphore entre dans le réseau de l'apatite. L'eau est un constituant des minéraux hydratés (comme les zéolites) formés à basse température; elle est présente sous forme d'oxhydryles dans les minéraux stables à des températures intermédiaires comme les épidotes, les micas, les amphiboles; elle est absente du réseau des minéraux stables à des températures élevées. De ces observations, il résulte que les éléments chimiques les plus importants dans la détermination de la composition minéralogique des roches métamorphiques, par combinaison entre eux ou avec la silice, sont l'aluminium, substitué par le fer trivalent, le calcium, et le magnésium, associé au fer bivalent.

La composition chimique d'une roche peut donc être exprimée, en ce qui concerne les principales réactions métamorphiques possibles, avec les seuls pourcentages de ces trois éléments ou groupes d'éléments, ou mieux de leurs oxydes, ce qui suppose que la silice est présente en quantité suffisante pour se combiner à eux pour former des silicates et des aluminosilicates (présence de silice en excès dans les roches sous forme de quartz). Cela explique pourquoi les roches métamorphiques ne sont, le plus souvent, formées que de deux ou trois minéraux.

On distingue généralement, parmi les roches, six grands groupes de compositions chimiques différentes :

Chaque faciès métamorphique comprend des roches appartenant à ces différents groupes de compositions

chimiques différentes. A partir de nombreuses observations réalisées sur des roches métamorphiques de différentes compositions chimiques, fréquemment associées entre elles et qui se sont donc formées dans les mêmes conditions physico-chimiques, on a pu définir pour chaque faciès métamorphique un certain nombre de minéraux caractéristiques, reconnaissables au microscope. Parmi les minéraux caractéristiques de chaque faciès métamorphique, on peut distinguer les minéraux critiques, qui ne se rencontrent que dans un faciès donné, et les minéraux typiques, qui sont stables dans ce faciès mais peuvent également exister dans d'autres faciès.

Cependant, la présence effective dans une roche métamorphique des minéraux critiques du faciès dans lequel elle a été métamorphisée, stables dans les conditions de températures et de pressions de ce faciès, est conditionnée par la composition chimique globale de la roche, laquelle ne change pas au cours du métamorphisme (exception faite des phénomènes de métasomatisme). Aussi certains minéraux critiques d'un faciès peuvent-ils manquer dans une roche appartenant à ce faciès si les éléments chimiques qui les composent étaient absents dans la roche originelle ou s'ils étaient présents dans des proportions très différentes de celles qui sont nécessaires à la formation de ces minéraux. C'est un cas fréquent dans les marbres et les quartzites, difficiles à placer dans un faciès déterminé par suite de l'absence de minéraux-index.

Dans la détermination des minéraux caractéristiques d'une roche métamorphique, on ne tient pas compte des minéraux reliques; mais ces minéraux fournissent parfois des indications utiles sur l'état de la roche avant le métamorphisme.

La paragenèse d'une roche métamorphique est donc déterminée par sa composition chimique globale et par les conditions de températures et de pressions les plus élevées auxquelles la roche a été soumise lors du métamorphisme. De nombreuses expériences de laboratoire ont été réalisées dans le but de déterminer les conditions de cristallisation des minéraux caractéristiques des différents faciès métamorphiques, et par conséquent les conditions physico-chimiques correspondant à l'apparition de chaque faciès. On synthétise les minéraux caractéristiques des différents faciès en partant de mélanges de composition chimique connue et en faisant varier les conditions de températures et de pressions; ou bien on étudie les conditions d'équilibre de certaines associations minérales. Par exemple, on a étudié en laboratoire les conditions d'équilibre des trois silicates d'alumine : l'andalousite, la sillimanite et le disthène, et de la transformation de l'albite en jadéite et en quartz, etc.

On a ainsi défini les limites de stabilité des différents minéraux ou associations minérales, en fonction de la composition chimique globale de la roche, de la température, de la pression lithostatique et de la pression des différentes phases fluides présentes lors des réactions métamorphiques, et l'on a pu déterminer les conditions de températures et de pressions correspondant à chaque faciès. Toutefois, il faut remarquer que les conditions naturelles sont beaucoup plus complexes que les conditions expérimentales : on ne peut pas toujours évaluer l'influence sur les réactions métamorphiques de facteurs tels que la pression orientée, la présence éventuelle dans la nature de catalyseurs, etc.

d) Les roches métamorphiques de contact

Les roches du métamorphisme de contact ont une structure granoblastique et sont privées de schistosité, à moins que cette texture schisteuse n'ait été présente dans les roches avant le métamorphisme et n'ait pas été complètement oblitérée lors de celui-ci. Ces roches sont généralement très dures et à grain fin. En outre, parmi les minéraux qui les composent, les espèces minéralogiques stables seulement dans des conditions de forte pression, lithostatique ou orientée (minéraux stress), sont absentes ou très rares; en effet, les phénomènes du métamorphisme de contact se déroulent essentiellement lors d'une augmentation de température produite par une intrusion magmatique dans les couches superficielles de la croûte terrestre et, le plus souvent, lors des phases tardives des cycles orogéniques, lorsque les poussées tangentielles ont déjà cessé. Le facteur principal de ce type de métamorphisme est donc l'augmentation de température qui provoque un déséquilibre des minéraux des roches.

Les pressions existant lors du métamorphisme de contact sont de deux types : la pression lithostatique due à la charge des formations rocheuses sus-jacentes, et celle de la phase fluide intercristalline. La pression lithostatique, lors du métamorphisme de contact, n'atteint généralement pas des valeurs très élevées; en effet, celui-ci n'a lieu que s'il existe un déséquilibre thermique entre l'intrusion magmatique et les roches encaissantes, par conséquent dans les couches superficielles de la croûte terrestre, à faible profondeur. Les intrusions magmatiques ayant lieu à de grandes profondeurs, lors des phases intermédiaires des cycles orogéniques (granités concordants), amènent le magma au contact de roches qui sont elles-mêmes déjà à des températures très élevées; ces roches sont peu différentes de celles du magma, et par conséquent constituées d'associations minérales à peu près en équilibre avec la température de l'intrusion. Dans ce cas, il n'y a donc pas de phénomène de métamorphisme de contact.

Au contraire, dans le cas des intrusions magmatiques à faibles profondeurs (moins de 10 km), c'est-à-dire à une pression lithostatique ne dépassant pas 3 000 bars, les roches encaissantes sont soumises à une augmentation sensible de température, qui décroît régulièrement en fonction de la distance à l'intrusion. Les réactions métamorphiques sont, de plus, favorisées par la pénétration à travers les roches de fluides magmatiques à pression élevée, constitués principalement par de l'eau. Quand d'autres substances provenant du magma se fixent dans les réseaux cristallins des minéraux formés lors du métamorphisme, ou quand des quantités sensibles de certaines substances originellement présentes dans les roches leur sont soustraites lors du passage des fluides magmatiques, le métamorphisme thermique est accompagné de phénomènes métasomatiques.

Les roches du métamorphisme de contact forment une auréole continue autour des intrusions magmatiques. La largeur des auréoles de contact n'est, le plus souvent, que de quelques centaines de mètres et varie en fonction de différents facteurs. Ces facteurs sont : la composition chimique et lithologique des roches soumises au métamorphisme, la composition chimique du magma et les dimensions de l'intrusion.

Les variations de largeur des auréoles de métamorphisme de contact suivant la texture, la composition chimique et le mode de gisement des roches s'expliquent par les différences de conductivité thermique et de porosité aux fluides magmatiques. Par exemple, les auréoles ont une extension plus grande dans les roches argileuses qui se transforment en cornéennes que dans les calcaires transformés en marbres ou les grès transformés en quartzites.

Pour une même roche intrusive, l'auréole de métamorphisme de contact varie suivant le volume de l'intrusion dont dépend la durée du flux de chaleur traversant les roches encaissantes. Les roches adjacentes à des intrusions magmatiques filoniennes, de faible volume, ne montrent que des signes de fusion et de vitrification partielles, dans une zone très limitée au contact du filon, mais il n'y apparaît pas de minéraux nouveaux, car la dissipation rapide de la chaleur ne permet pas aux réactions métamorphiques de se produire.

Lors du métamorphisme de contact, les températures varient de 300 °C (température minimale aux environs de laquelle la vitesse des réactions métamorphiques devient assez grande pour que ces réactions aient lieu efficacement), à des valeurs comprises entre 600 et 900 °C, immédiatement au contact de la masse magmatique. Les valeurs les plus élevées de température sont atteintes par les roches au contact des intrusions basiques, par suite de la température de fusion plus élevée des magmas gabbroïques par rapport aux magmas granitiques, ce qui se traduit par des associations minéralogiques différentes dans les roches métamorphisées au contact de ces deux types de magmas. Mais les auréoles de contact associées aux intrusions granitiques sont plus larges que celles qui sont associées aux intrusions basiques, lesquelles ne dépassent généralement pas quelques dizaines de mètres. Cela s'explique par le fait que le métamorphisme thermique dépend de manière déterminante de l'apport de substances fluides en provenance du magma, qui facilitent les réactions métamorphiques et sont le principal agent de transmission de la chaleur. Comparés aux magmas granitiques, les magmas basiques sont pauvres en matières volatiles; aussi l'auréole de contact est-elle moins large autour des intrusions basiques, même si la température de ces intrusions est plus élevée.

L'augmentation de température à laquelle sont soumises les roches est plus forte près du contact intrusif et décroît en fonction de la distance à l'intrusion, ce qui se traduit par des variations progressives de la composition minéralogique, de la texture et de la structure des roches, même dans des formations rocheuses originellement homogènes. A des distances progressivement décroissantes par rapport au corps intrusif, apparaissent soudain dans les roches métamorphiques des minéraux et des associations minérales qui persistent dans une zone plus ou moins large. Cet aspect zoné des auréoles du métamorphisme de contact est déterminé par les différents intervalles de stabilité des associations minérales qui se forment à partir d'une même roche pour une élévation progressive de la température. La nature de la paragenèse minérale en un point de l'auréole dépend de la composition chimique de la roche en ce point et de la température maximale qui a régné en ce point durant le métamorphisme.

Suivant la classification des roches métamorphiques en faciès, on distingue pour les roches du métamorphisme de contact 4 faciès métamorphiques. Ce sont, énumérés dans l'ordre des températures de formation croissantes : le faciès des cornéennes à albite et épidote (300-500 °C) ; le faciès des cornéennes à hornblende (500-670 °C) ; le faciès des cornéennes à pyroxène (670-775 °C) ; et le faciès des sanidinites (775-900 °C). Chaque faciès comprend toutes les roches de composition chimique et d'origine différentes, mais formées dans les mêmes conditions de métamorphisme.

1°.  Faciès des cornéennes à albite et épidote

Ce faciès est typique des zones extérieures des auréoles de contact. Par suite des faibles températures auxquelles elles sont soumises, les roches ne recristallisent pas complètement et conservent de nombreux minéraux reliques, instables, présents dans la roche avant le métamorphisme. Les minéraux néoformés de métamorphisme sont de petites dimensions. Les minéraux néoformés stables dans ce faciès sont la muscovite, \'andalousite, l'épidote, la calcite, l'actinote, le talc, la biotite, la chlorite, le quartz et l'albite. Tous ces minéraux n'apparaissent pas simultanément dans les roches de ce faciès, mais en associations qui dépendent de la composition chimique de la roche considérée.

Les roches sédimentaires argileuses, riches en aluminium, se transforment en cornéennes ou en schistes tachetés, à muscovite ou andalousite, chlorite, épidote. La fissilité des schistes tachetés n'est pas d'origine tectonique, mais d'origine sédimentaire ou elle est due à un métamorphisme régional de faible intensité, antérieur au métamorphisme thermique. La texture tachetée de ces roches, examinée au microscope, apparaît comme produite par différents processus. Il peut s'agir de petites concentrations de substances organiques noires, primitivement dispersées dans toute la roche et transformées en graphite, ou de minéraux néoformés (muscovite ou chlorite) à partir des minéraux argileux de la roche, ou encore d'andalousite formant des plages globuleuses de quelques millimètres, à bords flous, remplies d'inclusions.

Les roches quartzo-feldspathiques sont composées principalement de minéraux stables dans des conditions de température élevée, comme le quartz et les feldspaths. A la température de formation du faciès des cornéennes à albite et épidote, ces minéraux ne réagissent pas entre eux, mais ils peuvent recristalliser. Les autres minéraux éventuellement présents en petite quantité dans ces roches peuvent réagir entre eux et donner naissance aux mêmes minéraux que ceux qui apparaissent dans les argiles métamorphisées dans ce faciès.

Les roches calcaires se transforment en marbres, composés principalement de calcite. Si les calcaires contenaient originellement du matériel argileux ou siliceux, outre la calcite, il peut apparaître dans les marbres certains minéraux silicates comme la trémolite ou l'épidote.

Les roches volcaniques basiques subissent moins de transformations que les roches sédimentaires; leurs structures primaires sont conservées. Les plagioclases se transforment en albite et en saussurite. Les minéraux basiques, stables à haute température, se transforment par métamorphisme rétrograde en chlorite et en actinote. Le verre recristallise. Seuls les minéraux formés à basse température par altération météorique ou hydrothermale, comme les zéolites qui remplissent les cavités amygdaloïdes de nombreux basaltes et qui se sont formés par cristallisation directe des résidus riches en eau du magma, recristallisent et se transforment en minéraux moins hydratés, tels que les plagioclases ou l'épidote.

2°.  Faciès des cornéennes à hornblende

La plupart des roches décrites dans les auréoles de métamorphisme de contact recristallisent dans ce faciès. Elles se forment à des températures plus élevées que celles des roches du faciès précédent et se rencontrent plus près du contact avec la roche intrusive.

Le faciès des cornéennes à hornblende est caractérisé par le développement, dans les roches de composition basique, de \'amphibole hornblende et de plagioclases calciques à la place de l'albite, de l'épidote et de l'actinote qui se rencontrent dans les roches de même composition chimique du faciès précédent. La chlorite est instable dans ce faciès.

Dans les roches calcaires impures, il apparaît, en plus de la calcite, du diopside et du grossulaire. Dans les roches dolomitiques il se forme du talc en lamelles aplaties, et pour des pressions fluides différentes, à température égale, il se forme de la trémolite.

Les roches argileuses se transforment en cornéennes à andalousite ou à cordiérite. La chlorite et la muscovite tendent à disparaître et prennent part à des réactions métamorphiques produisant, suivant la composition chimique de la roche, de la biotite, de \'andalousite ou de la cordiérite. Les cristaux d'andalousite, de forme idioblastique, peuvent contenir des inclusions disposées au centre et le long des directions de croissance moins rapide des cristaux prismatiques (variété chiastolite). La cordiérite a plus rarement une forme idioblastique. Si la roche originelle contenait en abondance des minéraux comportant du fer et du magnésium (chlorite, oxydes de fer), la cordiérite tend à prévaloir sur l'andalousite; il peut se former également d'autres silicates ferrifères, parmi lesquels la hornblende. Si la roche originelle contenait de grandes quantités de fer et d'aluminium et de petites quantités de magnésium et de calcium, il peut se former de la staurotide (dans les mêmes conditions de température).

3°.  Faciès des cornéennes à pyroxène

Les roches appartenant à ce faciès se rencontrent dans les zones les plus internes des auréoles de contact et se forment à des températures très élevées. Elles sont complètement recristallisées. La hornblende et la muscovite sont instables à ces températures. Dans les roches argileuses, la muscovite se transforme en feldspath potassique associé à de la cordiérite ou à l'andalousite. Cette dernière se transforme souvent en sillimanite, de composition identique (Al2SiO5) mais à réseau cristallin différent. La biotite, elle aussi, devient instable et entre en réaction avec d'autres minéraux pour produire d'une part du feldspath potassique, d'autre part des silicates ferrifères comme l'hypersthène, pyroxène orthorhombique remplaçant la hornblende qui se formait dans le faciès précédent.

Dans les roches calcaires impures, la calcite réagit avec la silice pour former un silicate de calcium (CaSiO3), de forme prismatique semblable à celle d'un pyroxène, la wollastonite. Si la quantité de silice est suffisante pour réagir avec toute la calcite, il se forme une roche composée essentiellement de wollastonite. Si la quantité de silice est limitée et que la roche contienne du magnésium (calcaire dolomitique), il se forme une olivine magnésienne, la forstérite. Par la suite, l'olivine peut se transformer par hydratation en serpentine. Il se forme ainsi une roche constituée de serpentine et de calcite, souvent avec une texture pseudobréchique.

Les roches ignées basiques, dont les minéraux sont stables à ces températures élevées, subissent des recristallisations. Les principaux minéraux des roches basiques dans ce faciès sont un pyroxène augitique accompagné de pyroxène orthorhombique et de plagioclase calcique. Leur structure est granoblastique mais il peut persister des reliques des structures antérieures (structures blastoporphyrique et blastophitique).

4°.  Faciès des sanidinites

Les roches appartenant à ce faciès se rencontrent, très rarement, au contact avec des roches intrusives basiques de très haute température ou dans les xénolites contenus dans les laves. La température inférieure de formation de ces roches est d'environ 750 °C et la limite supérieure, fonction de la pression, est déterminée par la fusion des roches.

Les roches argileuses métamorphisées dans ce faciès subissent souvent des phénomènes métasomatiques au cours desquels les roches s'enrichissent en aluminium, par suite de l'expulsion d'autres substances (silice, etc.), et peuvent fondre partiellement puis se reconsolider en donnant une masse en grande partie vitreuse en raison d'un refroidissement rapide (épontes des filons). A côté de la sillimanite et de la cordiérite, stables à très hautes températures, il se forme d'autres minéraux riches en alumine, comme la mullite, le corindon et les spinelles aluminifères. L'introduction métasomatique de sodium favorise la formation de la sanidine, feldspath sodicopotassique, donnant naissance à des sanidinites, roches qui ont donné leur nom à ce faciès métamorphique. Dans les roches calcaires, il se forme des silicates de calcium et magnésium, comme la monticéllite, la mélilite, etc.

e) Les roches du métamorphisme régional

Les roches du métamorphisme régional constituent en grande partie les boucliers continentaux anciens et les parties internes des chaînes de montagnes post-précambriennes. Durant ce métamorphisme un rôle important est joué non seulement par la température, mais aussi par les différents types de pressions, lithostatique, fluide et orientée.

Les roches du métamorphisme régional sont caractérisées par leur texture schisteuse, anisotrope, due à l'influence des pressions orientées. En raison de leur origine, de leur composition chimique et de leurs conditions de formation très variées, il existe une très grande variété de ces roches, ce qui rend peu aisée leur classification. La classification actuelle est basée sur les faciès métamorphiques d'Eskola; elle groupe les roches, quelles que soient leur origine et leur composition chimique, en différents faciès caractérisés par certaines associations minérales reconnaissables au microscope et formées dans des conditions particulières de température et de pressions.

A partir des observations de terrain et des expériences de laboratoire sur les champs de stabilité des minéraux caractéristiques des différents faciès, on a pu déterminer avec plus ou moins de précision les conditions thermodynamiques correspondant à la formation de chaque faciès. Les principaux faciès du métamorphisme régional sont au nombre de 7. Le faciès à zéolites et le faciès à prehnite et pumpellyite sont des faciès de basses températures et basses pressions, constituant un domaine de passage entre la diagenèse et le métamorphisme proprement dit. Le faciès des schistes verts est caractérisé par des températures de formation légèrement plus fortes. Le faciès des schistes à glaucophane correspond à des conditions de formation particulières où les températures sont basses mais les pressions très fortes. Le faciès des amphibolites se forme dans des conditions de températures et de pressions assez fortes. Enfin le faciès des granulites et celui des éclogites se forment dans des conditions de fortes températures et pressions.

1°.  Faciès à zéolites

Les roches du faciès à zéolites sont le produit de réactions métamorphiques ayant lieu à des températures d'environ 300 °C et à des pressions voisines de 3 000 bars. Ce faciès représente une transition entre le domaine de la diagenèse des sédiments et le métamorphisme. Les sédiments sursaturés en eau qui se déposent au fond des géosynclinaux commencent à subir des changements minéralogiques, par suite de la compactation due à l'enfouissement (reconstruction des argiles, recristallisation du quartz, etc.) ; cependant, les différents minéraux qui les composent, même s'ils ne sont pas en équilibre, ne réagissent généralement pas entre eux car les vitesses de réaction sont très réduites à des températures inférieures à 300 °C. Seules certaines roches commencent à recristalliser durant la diagenèse, en particulier les roches pyroclastiques ainsi que les grès tufacés riches en minéraux basiques et en fragments de verre qui réagissent avec l'eau de mer interstitielle pour donner différents minéraux parmi lesquels prédominent les zéolites (analcime, heulandite, etc.), minéraux très riches en eau. Même les sédiments océaniques actuels en contiennent, en petite quantité.

Le tout début du domaine métamorphique est caractérisé par l'apparition de la laumontite, zéolite calcique pauvre en eau, associée au quartz. L'analcime disparaît en se combinant avec le quartz pour donner de \'albite.

Dans les roches argileuses, la limite entre la diagenèse et le métamorphisme est déterminée par le degré de cristallisation d'un minéral argileux, l'illite, qui peut s'apprécier quantitativement sur les diagrammes de rayons X.

2°.  Faciès à prehnite et pumpellyite

A des températures légèrement supérieures à celles correspondant au faciès à zéolites, les minéraux zéolitiques ne sont plus stables et tendent à se recombiner pour former un minéral hydraté de composition voisine de celle de l'épidote, la pumpellyite, qui coexiste généralement avec la prehnite, le quartz, l'albite et parfois l'épidote.

Les roches de ce faciès et celles du faciès précédent sont difficiles à distinguer macroscopiquement des roches non métamorphiques. Les minéraux néoformés, de très petite taille, se voient rarement à l'œil nu. La nature métamorphique de ces roches ne se révèle qu'à l'examen au microscope.

3°.  Faciès des schistes verts

A des températures supérieures à 400 °C, les minéraux des roches des faciès à zéolites et à prehnite et pumpellyite ne sont plus stables et se décomposent en prenant part à des réactions métamorphiques, dont les principaux produits sont une épidote ferrifère et parfois la trémolite-actinote (amphibole calcique non alumineuse), minéraux caractéristiques du faciès des schistes verts.

Ce faciès correspond donc à un degré supérieur aux deux précédents. Les pressions qui règnent lors de la formation des roches varient de 3 000 à 7 000 bars et les températures de 400 à 550 °C environ. Ces températures, relativement basses, déterminent une faible vitesse des réactions chimiques entre les minéraux, et l'on observe fréquemment dans les roches appartenant à ce faciès des associations minérales en déséquilibre, où les minéraux reliques instables ne sont pas complètement détruits; c'est le cas, en particulier, des roches dérivant de la transformation des roches ignées basiques dont les minéraux ferromagnésiens se sont formés à hautes températures. Les roches de ce faciès présentent généralement un grain fin et une schistosité marquée, due à la forte importance des pressions orientées.

Ce faciès est dénommé d'après un groupe de roches, les schistes verts, caractérisés par la présence de minéraux de couleur verte tels que l'épidote, l'actinote, la chlorite, et qui dérivent de roches basiques ou ultrabasiques, ignées et pyroclastiques. Mais, comme tous les faciès, il comprend également des roches de composition chimique quelconque : pélitiques, calcaires, quartzo-feldspathiques, etc. Ce sont les ardoises, les phyllades, les séricitoschistes, les chloritoschistes, certains micaschistes, certains marbres et grès.

Les minéraux caractéristiques sont la chlorite, l'épidote, l'actinote, un plagioclase acide (albite ou oligoclase renfermant moins de 20 % d'anorthite). La biotite peut apparaître pour les températures les plus élevées. On peut rencontrer aussi, dans les roches de composition basique, du stilpnomélane, phyllosilicate ressemblant à la biotite mais de composition chimique un peu différente. Dans les roches de composition pélitique, à forte teneur en aluminium, il se forme à sa place du chloritoïde et un mica blanc de composition variable (muscovite, paragonite, pyrophyllite). Dans les roches à forte teneur en manganèse, on peut rencontrer du grenat spessartine.

4°.  Faciès des schistes à glaucophane

Les roches de ce faciès dérivent de roches sédimentaires, volcaniques ou pyroclastiques de compositions variées et sont caractérisées par des paragenèses minérales particulières, avec présence d'une amphibole sodique, le glaucophane.  Celui-ci peut être associé à quelques minéraux présents également dans le faciès schistes verts, comme l'épidote, le stilpnomélane, l'actinote, ou la pumpellyite dans la partie la moins métamorphique de ce faciès. D'autres minéraux, comme la lawsonite, dont la composition est celle d'une épidote non ferrifère, et la jadéite, pyroxène sodique, ne se rencontrent que dans ce faciès (minéraux critiques) ; ils permettent de définir des subfaciès.

Les températures régnant durant la formation des schistes à glaucophane sont inférieures ou semblables à celles régnant lors de la formation des schistes verts (300 °C-500 °C), comme le prouvent la présence d'albite, l'absence de biotite, stable à des températures supérieures, et la présence de mica blanc, stable à des températures modérées (phengite, séricite). Mais les minéraux critiques de ce faciès, comme la jadéite qui se forme en association avec du quartz par transformation de l'albite, stable à des pressions moins élevées, et l'aragonite, carbonate de calcium orthorhombique de densité supérieure à celle de la calcite, témoignent des pressions élevées de recristallisation des roches de ce faciès. L'aragonite, qui est aussi la forme sous laquelle le carbonate de calcium précipite dans les phénomènes sédimentaires chimiques et biochimiques, se forme à partir de la calcite à des pressions supérieures à 6 000 bars. La transformation de l'albite en jadéite et quartz advient à des pressions encore plus élevées, comme le montrent les expériences de laboratoire (à plus de 10 000 bars pour des températures de 300 °C). De telles pressions lithostatiques correspondraient à une profondeur de près de 35 km, pour laquelle on devrait admettre une énorme accumulation de sédiments. Or, les observations géologiques, dans les Alpes par exemple, montrent que l'accumulation relative des sédiments au cours des phénomènes de métamorphisme ayant abouti à la formation des schistes à glaucophane n'a pas pu dépasser des valeurs de 10-15 km. Les conditions de formation des roches de ce faciès, à basses températures et à fortes pressions, sont très éloignées du gradient géothermique normal, et la genèse de ces roches est difficilement explicable dans l'état actuel de nos connaissances.

On admet généralement que de fortes pressions de la phase fluide interstitielle (vapeur d'eau à l'état supercritique) existaient lors de la formation des roches. Elles sont démontrées, notamment, par la présence fréquente dans ces roches de la lawsonite, minéral hydraté.

Les roches appartenant au faciès des schistes à glaucophane ont une extension réduite à la surface du globe; elles apparaissent dans des ceintures orogéniques étroites, le plus souvent d'âge tertiaire (Alpes, Japon, Californie, etc.), mais parfois plus ancien (schistes à glaucophane d'âge paléozoïque de l'île de Groix).

5°.  Faciès des amphibolites à almandin

Ce faciès est caractérisé par l'absence de chlorite ainsi que par l'association critique de la hornblende (amphibole calcique alumineuse) et d'un plagioclase calcique (plus de 20 % d'anorthite) dans les roches basiques; dans les roches pélitiques, il est caractérisé par la transformation du chloritoïde en staurotide et par la présence de cordiérite. Suivant la composition chimique des roches, d'autres minéraux peuvent être associés aux minéraux critiques du faciès, comme l'épidote, le grenat almandin, la biotite, la muscovite, le disthène, la sillimanite et le diopside. Certains de ces minéraux définissent des subfaciès.

Les roches caractéristiques sont les amphibolites, les gneiss, les micaschistes, certains marbres et roches quartzo-feldspathiques.  Les conditions de formation correspondent à des températures et des pressions plus élevées que celles du faciès schistes verts (500-750°C et 4 000-7 000 bars),

Les roches ont une grande extension dans les régions de plissements d'âges précambrien et paléozoïque (Massif central, Pyrénées, Bretagne, etc). Elles apparaissent plus rarement dans les zones orogéniques plus récentes.

6°.  Faciès des granulites

Les roches de ce faciès se définissent par la disparition des micas, biotite et muscovite, en présence de quartz, par l'association critique d'un orthopyroxène (hypersthène) avec un plagioclase calcique, et par la présence de grenat de la série almandin-pyrope. A ces minéraux peuvent être associés du feldspath potassique, du disthène, de la sillimanite, de la cordiérite;  ces derniers proviennent en grande partie de la dissociation de la muscovite et de la biotite en présence de quartz, lesquelles deviennent instables dans les conditions de température et de pressions très élevées auxquelles se forment les granulites (750-1 000 °C et 4000-12000 bars). Les minéraux des granulites sont des minéraux anhydres.

Si la pression d'eau est forte (supérieure à 4 000 bars), il ne se forme pas de granulites, mais la destruction de la muscovite en présence de quartz donne lieu à une fusion partielle des roches de composition gneissique et à la formation de migmatites. Ces degrés très élevés de métamorphisme régional sont à la limite des phénomènes magmatiques. Les granulites sont d'ailleurs souvent associées à un groupe de roches intrusives ignées, les charnockites, de compositions chimique et minéralogique voisines.

7°.  Faciès des éclogites

Le faciès des éclogites est défini par l'association d'un grenat magnésien, le pyrope, avec un clinopyroxène sodique, l'omphacite, accompagnés parfois de petites quantités de disthène, de pyroxène orthorhombique et de quartz. Les éclogites se forment à des températures élevées (700-900 °C) et des pressions très fortes (13 000-15 000 bars), par conséquent dans des régions très profondes de l'écorce terrestre et peut-être même dans les parties supérieures du manteau (profondeurs de 40 à 60 km).

La température élevée de formation de ces roches est prouvée par l'absence de minéraux contenant des oxhydryles ainsi que par la composition particulière du pyroxène et du grenat, qui résulte de solutions solides complexes entre les termes extrêmes de séries isomorphes, possibles seulement à des températures très élevées. Les minéraux des éclogites ont une forte densité, par suite des très fortes pressions régnant lors de la formation de ces roches.

Les éclogites exposées à la surface de la Terre ont souvent subi un métamorphisme rétrograde à plus faible température et se sont transformées en amphibolites ou en schistes à glaucophane contenant des reliques de pyroxène omphacite et de grenat pyrope.

 f) Les roches du polymétamorphisme

Les roches métamorphiques ne se forment généralement pas lors d'une phase unique de métamorphisme, mais lors de phases distinctes dans le temps et différant par leurs intensités ainsi que leurs caractéristiques. Les phénomènes du métamorphisme régional ont lieu dans des régions profondes de la croûte terrestre (quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres), au cours de l'orogenèse et de la formation de chaînes de montagnes. Par l'expression de cycle métamorphique, on peut désigner l'ensemble des phénomènes métamorphiques ayant lieu au cours d'un même cycle orogénique, comme le cycle hercynien, le cycle alpin, etc.

De même qu'un cycle orogénique est composé de la succession de plusieurs phases orogéniques, un cycle métamorphique est généralement composé de la succession de plusieurs phases métamorphiques, affectant un domaine plus ou moins étendu de la zone orogénique.

On désigne par l'expression métamorphisme polyphasé ces phénomènes métamorphiques se succédant au cours d'un même cycle orogénique; le terme de polymétamorphisme est réservé aux phénomènes métamorphiques affectant des roches déjà métamorphisées dans un cycle antérieur. Par exemple, les roches mésozoïques des Alpes ont été affectées par différentes phases de métamorphisme lors de l'orogenèse alpine d'âge tertiaire : elles présentent un métamorphisme polyphasé. Par contre, les roches anciennes, qui constituent en grande partie les massifs granitogneissiques formant le socle des Alpes (Mont-Blanc, Pelvoux, Mercantour, etc.) et qui avaient déjà été métamorphisées avant le cycle alpin, ont été également affectées par le métamorphisme alpin : elles sont polymétamorphiques. Cependant, les effets du polymétamorphisme et du métamorphisme polyphasé sont identiques, et l'on ne peut les distinguer que par une étude géologique à grande échelle.

Le métamorphisme polyphasé peut être soit progressif quand les conditions de pressions et de températures sont plus élevées lors d'une seconde phase de métamorphisme, soit régressif, ou rétrograde, si l'intensité du métamorphisme est moins forte dans une seconde phase de métamorphisme que dans la phase précédente.

Durant le métamorphisme, les roches subissent des changements internes qui tendent à un état d'équilibre aussi bien structural que chimique et minéralogique. Normalement, quand le métamorphisme est complètement réalisé, une nouvelle paragenèse et une nouvelle structure se substituent aux minéraux et à la structure de la roche initiale. Mais il arrive souvent que certains minéraux et structures de la roche initiale ne soient pas complètement détruits lors du métamorphisme et persistent sous forme de reliques. Ces minéraux ou structures-reliques peuvent être les minéraux initiaux d'une roche sédimentaire ou ignée, ou encore des minéraux produits au cours d'une phase antérieure de métamorphisme. Leur étude permet souvent de distinguer, avec plus ou moins de certitude, les minéraux ou les structures produits successivement dans une roche au cours de différentes phases de métamorphisme. Cela a une très grande importance pour la reconstitution des phénomènes orogéniques et métamorphiques, au cours desquels la pression orientée varie avec le temps en direction et en intensité, et où les roches se retrouvent au cours de l'orogenèse à des profondeurs variables de la croûte terrestre, et donc à des températures et des pressions lithostatiques différentes.

La succession dans le temps de différentes phases de métamorphisme régional, ou de phases de métamorphisme régional alternant avec des phases de métamorphisme thermique ou de dislocation, est étudiée quantitativement par l'analyse structurale; mais l'étude des paragenèses minérales permet aussi de clarifier la succession et la nature des phases métamorphiques.

Il est possible, par exemple, d'étudier les effets du métamorphisme thermique superposé au métamorphisme régional, phénomène observé lorsqu'une intrusion magmatique se produit dans des roches soumises auparavant à un métamorphisme régional. La principale conséquence consiste en la disparition progressive de la texture schisteuse, qui est remplacée par la structure granoblastique. La composition minéralogique de la roche ne change pas radicalement si la température maximale produite par l'intrusion magmatique correspond à la température maximale atteinte au cours du métamorphisme régional; mais certains minéraux peuvent recristalliser sous des formes différentes de celles produites par le métamorphisme régional. Ainsi, la sillimanite de certains gneiss, de forme aciculaire ou fibreuse, recristallise partiellement pour former des prismes idioblastiques.

Au contraire, si un métamorphisme régional affecte des roches déjà métamorphisées thermiquement, une texture schisteuse apparaît dans celles-ci et il se forme des minéraux caractéristiques du métamorphisme régional, stables sous forte pression. Si les températures atteintes au cours du métamorphisme régional sont moins élevées que celles atteintes au cours d'un épisode antérieur de métamorphisme thermique, les minéraux du premier épisode de métamorphisme peuvent être partiellement détruits.

Dans le cas d'un métamorphisme polyphasé progressif, c'est-à-dire de la succession de plusieurs phases de métamorphisme régional d'intensité croissante, il est généralement difficile de reconnaître les minéraux ayant cristallisé dans une première phase de moindre intensité, car les paragenèses minérales reflètent la plus forte intensité de métamorphisme atteinte au cours d'un cycle métamorphique. Parfois, cependant, certains minéraux de la première paragenèse (reliques) sont conservés sous forme d'inclusions dans les minéraux porphyroblastiques de la paragenèse postérieure.

Le métamorphisme rétrograde consiste en la transformation des minéraux cristallisés lors d'une phase intense de métamorphisme en d'autres minéraux, stables à des températures inférieures. Il se traduit principalement par la pseudomorphose des minéraux préexistants par des minéraux néoformés, c'est-à-dire leur remplacement par des minéraux nouveaux respectant leur forme extérieure. Les feldspaths potassiques, par exemple, sont remplacés par un agrégat très fin de lamelles de séricite; une altération analogue s'observe pour l'andalousite, le disthène et la sillimanite. La cordiérite se transforme en pinite, agrégat de chlorite et de séricite, la staurotide également. La biotite et les grenats se chloritisent; les pyroxènes s'ouralitisent, c'est-à-dire se transforment en amphiboles fibreuses; les amphiboles à leur tour se transforment en chlorite. De l'épidote et de la calcite se forment aux dépens des silicates calciques stables à plus haute température.

Généralement, la diminution des températures consécutive à toute phase métamorphique n'entraîne pas de réactions rétrogrades dans les roches et les associations minérales stables à hautes températures sont conservées, ce qui explique que l'on observe des roches, ayant cristallisé à de très hautes températures, non transformées, à la surface terrestre. Cela est dû à l'absence de fluides interstitiels, nécessaires à la formation des minéraux hydratés de basse température, lesquels ont été libérés et entraînés lors des phases antérieures de métamorphisme à haute température, et à la faible vitesse des réactions métamorphiques à basse température.

Le métamorphisme rétrograde peut être dû à une intrusion magmatique tardive, ayant lieu après la phase de métamorphisme principale, et accompagnée de fluides qui pénètrent les roches encaissantes et les réhydratent.

Il peut également se produire le long des fissures ou de plans de fragilité des roches dans lesquels circulent préférentiellement les fluides.

Certaines réactions rétrogrades peuvent cependant avoir lieu peu après que les phénomènes métamorphiques ont atteint leur intensité maximale, quand la température commence à diminuer et que les éléments chimiques ont encore une certaine mobilité. Aussi les effets du métamorphisme rétrograde sont-ils particulièrement évidents pour les roches métamorphiques de degré élevé, c'est-à-dire formées à hautes températures et pressions, comme les éclogites, les granulites, quelques gneiss et amphibolites.

Au cours d'un cycle orogénique se succèdent différentes phases tectoniques et métamorphiques, qui peuvent ne pas être simultanées. Il peut exister trois types de relations entre la cristallisation métamorphique des minéraux et la déformation due aux efforts tectoniques.  En effet, un minéral peut être antérieur, contemporain ou postérieur à une phase tectonique. Une phase tectonique se traduit à l'échelle d'observation microscopique par différents phénomènes, tels que la rotation des cristaux, la déformation plastique des grains cristallins, la dissolution des parties des cristaux soumises aux pressions les plus fortes et leur recristallisation dans une direction privilégiée (principe de Riecke), l'apparition de macles mécaniques, etc.

Les minéraux antétectoniques, ayant cristallisé avant une phase tectonique, sont généralement déformés mécaniquement. Le quartz, par exemple, peut acquérir une extinction roulante; les macles des plagioclases ou de la calcite deviennent courbes. Les cristaux de micas, biotite et muscovite, peuvent présenter des plis, souvent de type kink-bands, de même que les pyroxènes. Les porphyroblastes de staurotide, de disthène, de grenat, etc., présentent des fractures et peuvent acquérir une forme lenticulaire. Il s'agit là, en général, de déformations ayant lieu à basses températures où les minéraux n'ont plus la faculté de recristalliser.

Les minéraux syntectoniques, qui cristallisent simultanément à une phase de déformation, sont plus difficiles à mettre en évidence. Un des critères les plus nets de cristallisation syntectonique est la présence de porphyroblastes d'albite ou de grenat contenant des inclusions en forme de spirale. Ces inclusions en forme de spirale sont dues à une rotation progressive du cristal durant son accroissement et à la torsion consécutive des surfaces d'inclusions originellement planes, par suite des mouvements différentiels de la roche dus aux pressions orientées. L'orientation des cristaux suivant une direction privilégiée qui détermine une linéation minérale dans les roches est aussi un critère de cristallisation contemporaine d'une phase de déformation.

Les minéraux post-tectoniques se présentent généralement sous forme de porphyroblastes non altérés, contenant fréquemment des inclusions de minéraux plus anciens. Ils ne sont pas déformés et ne présentent pas d'orientation préférentielle. Les micas peuvent se disposer suivant des surfaces plissées antérieurement; cependant, contrairement aux micas antétectoniques, ils ne sont pas eux-mêmes déformés. Une telle disposition caractéristique d'une cristallisation post-tectonique, est dite en forme d'arc polygonal.

Quand une phase tectonique affecte une roche postérieurement à la phase principale de métamorphisme, les différents minéraux qui la composent ne réagissent pas de la même manière : celle-ci varie suivant leur faculté de recristalliser à basses températures. Certains minéraux comme le quartz, l'albite, les micas et la chlorite conservent la faculté de recristalliser même à basse température et présentent donc plus fréquemment des cristaux non déformés. Par sa faculté de recristalliser à de très basses températures en réponse à des déformations tectoniques, le quartz peut présenter une orientation cristallographique préférentielle différente de celle des autres minéraux de la roche, comme il est possible de le révéler par l'analyse structurale.

g) Les roches de l'ultramétamorphisme

L'ultramétamorphisme est un ensemble de phénomènes métamorphiques ayant lieu à des températures et des pressions très élevées et donne lieu à la formation de migmatites. Les migmatites, suivant la définition du géologue finlandais J.-J. Sederholm (1907), sont des roches hybrides, hétérogènes, composées de deux termes pétrographiques différents, intimement mêlés : une roche métamorphique à texture schisteuse plus ou moins prononcée et une roche ignée à structure granulaire, parfois pegmatitique, et à composition le plus souvent granitique. Ce groupe de roches est donc caractérisé par des textures particulières, déterminées par le mode d'association des deux termes lithologiques mais non par leurs compositions chimique et minéralogique, qui peuvent être très variables. Le terme de migmatites a été diversement interprété. Aujourd'hui encore, les opinions sur l'origine des migmatites restent divisées; cette question est étroitement liée au problème de la genèse des magmas granitiques.

Selon les relations entre les deux termes lithologiques de la roche, on distingue différents types de migmatites.

Massif rocheux formé d'agmatites : ce sont des migmatites présentant un aspect bréchique

Le terme lithologique d'une migmatite qui préexistait à la formation de cette roche mixte, c'est-à-dire les niveaux schisteux à minéraux basiques des gneiss rubanés et les blocs caractéristiques des agmatites, en voie d'assimilation progressive par le composant granitoïde, prend le nom de paléosoma; la partie d'une migmatite à composition granitoïde et à structure granulaire est appelée néosoma.

Certaines migmatites sont constituées d'une roche métamorphique intéressée par deux, ou plus de deux, systèmes de filonnets de composition granitoïde, qui se sont formés successivement. L'examen de vastes affleurements de migmatites de ce type révèle qu'elles peuvent contenir des filons granitiques plus importants, lesquels auraient constitué les canaux d'apport du magma, à partir d'intrusions granitiques, affleurant ou non. Cependant il arrive souvent que ces filonnets ou les lits granitoïdes des migmatites ne soient en rapport avec aucun filon, ou bien soient reliés à des veines de granitoïde, à structure souvent pegmatitique, complètement isolées au sein de la roche migmatitique.

L'origine du matériel granitoïde des migmatites pose donc un problème très important.

Les filons et les veines de granitoïde observés fréquemment dans les migmatites n'ont généralement pas un parcours rectiligne, comme les filons intrusifs dans les autres roches, mais tortueux. Les filonnets les plus minces sont souvent finement replissés selon des plis caractéristiques, dits plis ptygmatiques; le filon conserve la même épaisseur sur ses flancs et dans les charnières des plis. Les plis ptygmatiques se forment probablement par suite de la plasticité de toute la masse rocheuse lors de la migmatitisation ; des textures analogues peuvent être présentes dans d'autres roches métamorphiques, comme certaines granulites et quelques marbres. Dans de nombreuses migmatites, même les alternances régulières de lits granitoïdes et de lits à minéraux basiques sont finement replissées, toujours en raison de la plasticité atteinte par ces roches à plusieurs reprises dans des régions profondes de l'écorce terrestre, où l'augmentation de température dépasse le point de fusion de l'eutectique quartzo-feldspathique.

Un exemple de plis ptygmatiques dans un massif rocheux de Norvège.  Ces plis se forment probablement par suite de la plasticité de toute masse rocheuse lors de la migmatisation

Du fait des caractéristiques des magmatites, à la fois métamorphiques et magmatiques, il existe trois types d'hypothèses concernant leur origine.

Selon J.-J. Sederholm, qui étudia les vastes affleurements de migmatites de la Finlande méridionale, le matériel granitoïde du néosoma provient en grande partie de l'extérieur de la roche métamorphique, plus précisément de zones plus profondes de l'écorce terrestre où existeraient des massifs granitiques de très grande dimension. Le granitoïde se serait mis en place dans les roches métamorphiques soit sous forme d'injection forcée dans ces roches de granité normal, soit sous forme d'un fluide métasomatisant que Sederholm appela ichor (du nom qui désignait dans la mythologie grecque le sang des dieux) ; ce fluide aurait imprégné les roches le long des fissures transversales ainsi que, à partir de celles-ci, le long des surfaces de schistosité. La nature de l'ichor serait celle d'une solution diluée de silice, d'alumine et d'alcalins dans de la vapeur d'eau à température très élevée, solution analogue aux fluides magmatiques à partir desquels, à des températures inférieures, cristallisent les pegmatites; en effet, de nombreuses veines granitoïdes des migmatites ont un grain pegmatitique. Suivant une autre théorie, développée par le géologue suisse C. Wegmann et par des géologues français, les migmatites se formeraient par métasomatisme, c'est-à-dire par apport de silice et d'alcalins et formation de feldspaths ; cet apport aurait lieu par suite de réactions métamorphiques se produisant à l'état solide, de préférence le long des surfaces de schistosité de la roche, où le mouvement des fluides métasomatisants ou la migration ionique sont plus faciles. Cette théorie n'est pas très différente du concept de l'ichor mais ne fait pas appel à la présence obligatoire de magma granitique profond. Selon ces auteurs, la texture œillée de nombreux gneiss rubanés confirmerait leur origine métasomatique. Cette texture, déterminée par la présence dans les niveaux de composition granitoïde de cristaux ou d'agrégats cristallins de feldspath de forme lenticulaire et de dimension supérieure à celle du grain moyen de la roche, serait due à la croissance des porphyroblastes en milieu solide. En fait, il est parfois difficile d'établir si le composant granitoïde (néosoma) d'une migmatite s'est formé par métasomatisme ou par cristallisation d'un magma. L'hypothèse du métasomatisme se fonde sur les cas où des formations de roches métamorphiques de composition variée, différente de celle du granité (quartzites micacés, amphibolites, etc.), affleurant régionalement, prennent graduellement un aspect migmatitique avec développement toujours plus important du néosoma, jusqu'à perdre parfois leur identité propre et leur nature originelle, se confondant en une masse granitique. Cependant, dans de nombreux cas, les structures des veines et des lits granitoïdes des migmatites ainsi que les rapports complexes entre le paléosoma et le néosoma rendent plus probable l'hypothèse d'une cristallisation à partir d'un magma liquide.

Quelle que soit la nature des substances qui constituent le néosoma (magma liquide, fluides granitiques à forte teneur en vapeur d'eau, ou ions migrant à travers les roches à l'état solide), il reste le problème de leur origine et de leur provenance.

Selon certains auteurs, le néosoma est le produit d'une fusion partielle, ou anatexie, des roches métamorphiques elles-mêmes. Pour souligner l'origine endogène de ce matériel granitoïde, P.-J. Holmquist (1921) proposa d'appeler "vénites" ce que Sederholm appelait "artérites". Les partisans de l'hypothèse de la formation de la plupart des migmatites par des phénomènes d'anatexie admettent que les températures très élevées atteintes par les roches lors de la migmatitisation dans des zones profondes de l'écorce terrestre ont provoqué la fusion des niveaux quartzo-feldspathiques des roches gneissiques, formés par différenciation métamorphique, et ont donné lieu à la formation d'une substance fondue de composition granitoïde (quartz, orthose, albite), même si ces minéraux n'étaient pas présents dans la roche métamorphique initiale. Les substances proviennent de la fusion de certains minéraux (par exemple, la biotite) ou du passage à l'état liquide d'un des constituants de solutions solides comme les plagioclases. Le liquide granitoïde cristallise ultérieurement par refroidissement, sur place ou après migration dans des niveaux différents de la roche métamorphique. La fusion peut intéresser une fraction plus ou moins importante de la roche suivant sa composition minéralogique et la température atteinte (en fonction de la profondeur et du degré géothermique).

Des expériences de laboratoire, réalisées en France par Wyart et en Autriche par H. Winkler, montrent qu'effectivement, lors de la fusion partielle des roches à hautes températures, quelle que soit la roche initiale, on obtient une solution de composition granitoïde. La composition chimique du liquide fondu varie quelque peu suivant la nature de la roche initiale et la température de fusion. Par exemple, pour des argiles on obtient finalement une solution de composition aplitique ou granitique, alors que pour des grauwackes on obtient, à des températures d'ailleurs plus élevées, une solution de composition tonalitique. La température de fusion la plus basse est celle de l'eutectique du système quartz-orthose-albite : un mélange de ces trois minéraux dans des proportions presque égales fond déjà à des températures inférieures à 700 °C, s'il existe une quantité suffisante de vapeur d'eau maintenue à forte pression par la charge des roches sus-jacentes. Dans tous les cas, la solution est enrichie en quartz et en feldspath par rapport à la roche originelle. Cela explique que le constituant magmatique des migmatites ait toujours une composition granitoïde, et souvent un grain pegmatitique par suite de la présence d'eau. Dans la roche originelle qui a échappé à la fusion, se concentrent les minéraux basiques et l'aluminium sous forme de sillimanite et de cordiérite. La présence de porphyroblastes quartzo-feldspathiques dans les migmatites à texture œillée peut s'interpréter comme le résultat d'une fusion partielle et d'une différenciation locale des roches.

Durant le processus de migmatitisation, les roches métamorphiques ont probablement, du fait de la présence de substances fondues ou de phénomènes de substitution métasomatique, une plasticité nettement supérieure à celle qui existe normalement dans la catazone. La présence d'un liquide d'anatexie en quantité limitée (soit qu'il s'en soit peu formé, soit qu'il ait été expulsé de la roche par des mouvements de compression tectonique) détermine la formation des textures rhéomorphiques (plis ptygmatiques, etc.). Pour des quantités plus importantes de liquide granitoïde, la plasticité de la masse donne lieu à un granité d'anatexie à composition non homogène et à texture nébulitique. Quand les roches sujettes à la migmatitisation sont des paragneiss (résultant du métamorphisme de roches sédimentaires détritiques), la quantité de liquide magmatique produite à une température donnée peut être très différente dans des bancs contigus de paragneiss, en raison de la différence de composition des roches sédimentaires originelles. Les roches métamorphiques qui restent solides lors de l'anatexie (quartzites, amphibolites, etc.), formant des bancs intercalés dans des paragneiss, répondent aux déformations tectoniques de manière rigide; elles se fracturent et sont englobées dans le magma provenant de l'anatexie des niveaux à composition plus sialique, ce qui expliquerait le mode de formation de certaines agmatites.

h) Les roches du métamorphisme dynamique

Le métamorphisme dynamique, ou métamorphisme cataclastique, regroupe les roches dont les structures et les textures ont subi un changement par suite de déformations de type essentiellement cataclastique, c'est-à-dire produites par un écrasement mécanique de certains ou de tous les minéraux qui les composent. Aux déformations mécaniques peuvent se superposer des réactions métamorphiques, le plus souvent de type rétrograde, conduisant à la formation de nouveaux minéraux, lesquels s'orientent en relation avec les efforts de cisaillement auxquels les roches sont soumises; cependant, les minéraux déformés de manière cataclastique et appartenant à l'association minérale originelle de la roche persistent.

Le métamorphisme dynamique est un phénomène généralement localisé le long des contacts tectoniques, failles, chevauchements, etc., dans les niveaux superficiels de la croûte terrestre.

La texture cataclastique est bien visible au microscope, surtout dans les roches grenues comme les granités, les gabbros et les marbres. Elle se manifeste de différentes manières : les minéraux maclés, comme les plagioclases, montrent des maclés plissées ou fracturées, alors que la calcite peut acquérir des maclés mécaniques supplémentaires; les réseaux des autres minéraux se déforment par glissement le long de certaines surfaces d'orientation déterminée ou irrégulière. Les minéraux qui ne possèdent pas dans leur réseau de surfaces de moindre cohésion, le long desquelles peuvent s'effectuer de petits déplacements, et qui sont donc privés de clivage net, comme le quartz, montrent le résultat de déformations diffuses du réseau cristallin, visibles au microscope polarisant sous forme d'extinction roulante. Les petits déplacements de l'assemblage cristallin de la roche provoquent la torsion des minéraux micacés lamellaires entre lesquels les cristaux des autres minéraux tendent à s'insérer.

Les roches qui présentent ces caractéristiques peuvent être le produit de phénomènes purement magmatiques, c'est-à-dire de déformations ayant lieu lors d'une phase tardive de consolidation d'une roche magmatique intrusive, par suite de changements de volume et d'un lent mouvement de la masse magmatique déjà presque complètement cristallisée. Ces textures cataclastiques primaires, ou protocataclastiques, sont fréquentes, spécialement sur les bordures des massifs intrusifs.

Une déformation encore plus intense produit l'émiettement des bords des cristaux, dû à de petits glissements réciproques. Les cristaux sont alors entourés d'une enveloppe de petits cristaux du même minéral, et prennent une forme arrondie ou lenticulaire tandis que leurs dimensions diminuent.

On distingue différents types de roches à texture cataclastique suivant le degré d'écrasement des roches.

Les brèches tectoniques, d'aspect souvent analogue à celui des brèches sédimentaires, sont parfois difficiles à distinguer de celles-ci; leur origine est très différente. Les efforts tangentiels exercés sur des roches telles que les serpentinites, les calcaires, etc., peuvent provoquer, là où le mouvement différentiel de deux parties contiguës de la roche est plus intense, une rupture en fragments anguleux de dimensions très variables. Ce phénomène a lieu surtout si la déformation des roches advient à des profondeurs très faibles; en effet, à des profondeurs plus grandes, et donc à des températures et des pressions lithostatiques plus fortes, certaines roches (et surtout les calcaires) tendent à se déformer de manière plastique, à travers des phases continues de dissolution et de cristallisation des minéraux qui les composent, ou à travers des réactions métamorphiques.

Les brèches tectoniques sont donc formées de fragments anguleux, constitués le plus souvent d'un seul type de roche et dont la structure originelle n'est pas modifiée, inclus dans une matrice fine résultant du broyage de la roche; parfois, les fragments peuvent être joints par un ciment à grain grossier, de la calcite par exemple. Dans d'autres types de brèches tectoniques, les fragments sont plus ou moins arrondis, soit par suite d'un frottement réciproque, soit parce que la fracturation de la roche s'est réalisée suivant des surfaces ondulées et subparallèles qui ont isolé des fragments en forme de lentilles. Les brèches tectoniques ont une extension latérale limitée aux bordures des failles : elles sont particulièrement difficiles à distinguer des conglomérats sédimentaires quand elles sont concordantes avec la stratification, c'est-à-dire dans le cas de failles parallèles à la stratification ou de surfaces de chevauchement tectonique dans des régions où les strates sont horizontales. ,

Pour une déformation mécanique plus intense mais où la roche cataclastique conserve encore sa structure originelle, on parle de cataclasites (d'un mot grec qui signifie rompre). Les cataclasites formées à partir de roches monominérales à texture granoblastique, comme les quartzites et les marbres, sont constituées de cristaux de forme arrondie ou aplatie, inclus dans une matrice à grain très fin et composée du même minéral. La matrice est parfois recristallisée, formant un ciment microgrenu; elle peut également présenter une texture fluidale marquée par des surfaces de différentes couleurs, produites par l'émiettement d'un minéral accessoire quelconque et se moulant plastiquement autour des cristaux plus grossiers. Au contraire, dans les roches grenues polyminérales, comme la plupart des roches ignées et les grès, une déformation de ce type provoque des réactions métamorphiques entre les différents minéraux. Ces réactions sont favorisées par les déformations du réseau cristallin des minéraux et par l'augmentation de température due à la friction entre les grains cristallins. Cependant, ce dernier facteur a généralement peu d'importance, sauf quand le mouvement différentiel de la roche a été concentré le long d'une seule surface de glissement; dans ce cas, on peut avoir une fusion locale de la roche, produite par la chaleur due à la friction. Si, au contraire, la déformation cataclastique intéresse de grands volumes de roches, les déplacements sur les bords des cristaux sont peu importants et la chaleur due à la friction est peu élevée. D'autre part, les cataclasites se forment à la suite de déformations tectoniques à faible profondeur (quelques kilomètres), et la température due au degré géothermique est également peu élevée. Les zones de roches triturées lors du métamorphisme dynamique peuvent constituer des voies de passage pour les fluides pneumatolytiques ou hydrothermaux, qui produisent une augmentation de température dans les roches avoisinantes et provoquent des réactions métamorphiques ou métasomatiques, souvent de type rétrograde.

Ces minéraux produits par les réactions métamorphiques qui accompagnent le métamorphisme dynamique sont stables à faible température. A partir des feldspaths des roches magmatiques et des silicates d'alumine (sillimanite, cordiérite) de certaines roches métamorphiques, il se forme de la muscovite, sous forme d'un feutrage microcristallin de lamelles de séricite orientées dans la direction du mouvement différentiel de la roche et qui tendent à faciliter ce mouvement. Au microscope, il est souvent possible d'observer autour des cristaux de feldspath soumis à une granulation cataclastique une enveloppe séricitique. A partir des minéraux basiques (amphiboles, pyroxènes), dans des conditions semblables, il se forme de la chlorite, également de forme lamellaire et disposée de manière à aider le mouvement différentiel des éléments de la roche. Ces réactions métamorphiques rétrogrades sont facilitées par le mouvement différentiel des minéraux de la roche. Celui-ci provoque, en premier lieu, leur granulation, accompagnée d'une augmentation consécutive des surfaces exposées aux réactions, lesquelles ont lieu grâce aux fluides (eau) présents en faible quantité dans les interstices intercristallins. En second lieu, la pression différentielle appliquée à la surface de chaque cristal, par suite de la pression tangentielle à laquelle est soumise la roche, augmente la solubilité des minéraux et facilite elle aussi les réactions métamorphiques.

La Montagne Noire est une des régions de France où l'on trouve des migmatites, roches caractéristiques de l'ultramétamorphisme.

La déformation cataclastique des roches ignées effusives et pyroclastiques, composées en grande partie de verre volcanique ou d'un agrégat microcristallin de minéraux, provoque des réactions métamorphiques dans la matrice, alors que les phénocristaux éventuellement présents demeurent plus longtemps inaltérés. Les porphyres quartzifères et les roches analogues se transforment en schistes séricitiques, roches grisâtres à texture schisteuse, composées essentiellement de séricite (muscovite microcristalline) et de quartz; des phénocristaux de quartz et de feldspath épargnés par la séricitisation se détachent sur ce fond microcristallin. Cependant, quand ces roches s'étendent sur de grandes régions et non seulement près de surfaces de mouvements tectoniques, elles sont le produit d'un métamorphisme régional ayant eu lieu à faible profondeur, analogue à celui qui produit les phyllades, dont les schistes séricitiques sont proches par leur aspect.

Les roches basiques soumises à un métamorphisme dynamique se transforment en schistes chloriteux, qui se différencient de ceux produits par le métamorphisme régional par leur localisation et certaines caractéristiques de leur structure telles que la présence de plages reliques de la roche originelle.

La serpentinisation de l'olivine, l'ouralitisation des pyroxènes, la chloritisation des amphiboles peuvent être produites par un métamorphisme dynamique de degré modéré.

Le terme de mylonites s'applique à des roches qui ont subi les effets les plus intenses du métamorphisme dynamique et ont acquis une texture très différente de la texture initiale. Dans les mylonites proprement dites prédomine une masse cristalline à grain très fin, d'aspect semblable à certains verres volcaniques mais constituée par les minéraux originels de la roche, très finement broyés. Le fond présente une texture fluidale soulignée par des bandes parallèles à la schistosité, produites par la trituration des cristaux. Dans ce fond prédominant sont inclus des reliques lentiformes des cristaux qui n'ont pas été complètement écrasés lors de la déformation de la roche, ou des agrégats polycristallins lentiformes qui conservent encore la composition minéralogique et la structure de la roche initiale et autour desquels se moulent les bandes de différentes couleurs de la roche mylonitique. A la limite, la roche est constituée uniquement par une masse cryptocristalline à texture analogue à une foliation, due à l'alternance de bandes de couleurs variées.

Les mylonites sont des roches relativement compactes et irrégulièrement fissiles. Leur compacité est produite par la pression élevée existant durant le phénomène de mylonitisation et par une réduction consécutive des pores ainsi que des interstices intercristallins de la roche. Les cataclasites, au contraire, sont des roches souvent friables et incohérentes. La faible porosité des mylonites peut expliquer le faible développement des réactions métamorphiques entre les minéraux qui les composent, malgré la finesse du grain cristallin, par suite du manque de phases fluides et de leur mouvement limité au cours du métamorphisme.

Les ultramylonites sont des roches très compactes et très dures, d'aspect semblable aux silex mais non stratifiées et généralement homogènes ou avec une texture foliée moins évidente que celle des mylonites. Elles sont le produit d'un broyage mécanique extrême de roches de nature quelconque, mais surtout de celles qui montrent un comportement fragile durant les déformations (quartzites, silex, granités, etc.); elles se rencontrent, comme les mylonites, au voisinage de surfaces de mouvement tectonique importantes. Certaines ultramylonites ont été injectées plastiquement, comme un magma, dans les roches encaissantes (mylonites intrusives) ; durant les mouvements tectoniques auxquels est due leur genèse, elles se sont comportées comme un lubrifiant entre les masses rocheuses en mouvement.


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Luc Van Bellingen

 

 

 

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