Les fossiles et la fossilisation

 

 

 

 

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Les vertébrés

Plan

Les fossiles

Définition
Quelques chiffres
La fossilisation
Où trouver des fossiles ?
La rareté des fossiles ?
Différents types de fossiles

Des fossiles les plus anciens aux plus récents
Que nous apportent les fossiles ?
Le nom des fossiles et des êtres vivants
Comment donner un nom à un être vivant d'aujourd'hui ou du passé ?
Les règles de base pour donner un nom à un être vivant
Attention
Autres variations
Les scientifiques sont-il sociables, grégaires ou solitaires et individualistes ?
Quelques dernières considérations

Définition.

Un fossile (dérivé du substantif du verbe latin fodere : fossile, littéralement "qui est fouillé") est le reste d'un animal ou d'un végétal (coquille, carapace, os, dent, graine, feuilles, spore, pollen, plancton, micro-organismes), généralement minéralisé, ou bien son simple moulage, conservé dans une roche sédimentaire. Les fossiles et les processus de fossilisation sont étudiés principalement dans le cadre de la paléontologie, mais aussi dans ceux de la géologie, de la préhistoire humaine et de l'archéologie.

Quelques chiffres.

Actuellement, on estime à près de 5 millions le nombre d'espèces vivantes possibles. De ces 5 millions, on compte 3 millions d’espèces animales et végétales connues et décrites.
Ce nombre continue d'augmenter, avec près de dix mille espèces d'insectes découvertes chaque année (il y a une grande diversité d'insectes avec 850.000 espèces connues).
Nous estimons qu’il y a encore au moins 1,5 millions espèces d’êtres vivants actuels que nous ne connaissons pas encore ou qui du moins, n’ont pas encore été décrites... et certaines disparaitront avant que nous ayons eu conscience de leur existence.

On estime qu’en 600 millions d’années, quelques 50 milliards d’espèces pluricellulaires ont vécu à un certain moment sur terre. De la vie unicellulaire qui a vécu sur Terre au cours des premiers milliards d'années d'existence de notre planète, nous ne savons rien ou presque rien.

De ces 50 milliards d’espèces, on estime que seuls 0,01% d’entre elles étaient, au moment de leur mort, dans des conditions favorables pour être fossilisées.  Cela nous fait un total de quelques 5.000.000 d’espèces (49 milliards 995 millions resteront à jamais inconnues).
En effet, suivant les espèces et les périodes, les fossiles peuvent être de différentes qualités et plus ou moins abondants. Comparativement au nombre des êtres vivants morts, le processus de fossilisation reste rare, les conditions de la fossilisation étant rarement réunies. (Nous en reparlerons plus loin)

Or, actuellement, seules 300.000 espèces fossiles ont été décrites.
Sachant qu'une espèce de fossile ne correspond pas forcément à une espèce biologique disparue, mais peut n'être qu'un juvénile, une variété, une forme larvaire, une exuvie, un œuf ou une trace de déplacement d'une même espèce vivante, cela restreint encore notre champs de vision.

Un exemple ?
Dans les charbonnages, nous avons trouvé des fossiles de végétaux.
C'étaient, à l'origine des fougères arborescentes de plusieurs dizaines de mètres de haut.
Nous n'avons pas retrouvé ces fougères entières, mais des fragments de troncs, de branches, de racines, de feuilles.
Chaque groupe de fossiles se ressemblant (toutes les traces de troncs se ressemblant, toutes les racines identiques, toutes les frondaisons ayant les mêmes caractéristiques) ont reçu un nom spécifique... avant qu'on ne se rende compte que toutes ces parties ne faisaient partie que d'un seul et même organisme.
Il nous manque donc encore au moins 4.700.000 espèces de fossiles à découvrir et à décrire… c’est dire si nous sommes loin du compte.
Ces chiffres sont énormes si l'on considère que le registre fossile correspond à une période correspondant à des centaines de millions d'années et que la faune et la flore vivant aujourd'hui ne représentent qu'un instantané à l'échelle des temps géologiques. Si la préservation des fossiles était bonne, on aurait davantage d'espèces fossiles que d'espèces vivantes à l'heure actuelle.
Si je pousse la réflexion plus loin, je peux aussi dire que la rareté relative des espèces fossiles s'explique de plusieurs manières : Outre ce que nous avons déjà évoqué, il y a fort à parier que seule une fraction des fossiles parvient aux scientifiques, car beaucoup sont broyés avec les roches dans les carrières en exploitation ou bien ont été simplement détruits par l'érosion qui les a transformés en grains de sable ou par la tectonique qui les a réintroduits dans la magma du manteau terrestre. Ceux-là, quoi que nous fassions, ils sont irrémédiablement perdus.
Nous ne connaissons et nous ne serons jamais en mesure de connaître qu’une infime partie des espèces ayant vécu un jour sur terre.

On a parfois pensé que la biodiversité a été moindre dans le passé géologique, car malgré les épisodes d'extinction massive, statistiquement on constate un accroissement au fil des ères. Mais il peut s'agir d'un biais statistique, car la biodiversité se mesure au nombre de taxons décrits (espèces, genres, familles…) qui ont vécu en un lieu et au cours d'un intervalle de temps définis, or le nombre de paléontologues travaillant sur le Protérozoïque et le Paléozoïque ne représente qu'un très faible pourcentage des chercheurs, alors que le travail sur ces périodes est considérable. Inversement, il y a de nombreux spécialistes du Mésozoïque et, parmi ceux-ci, des Dinosaures.

Il est évident que, point de vue notoriété, il est bien plus médiatique pour un chercheur de poser pour la postérité à côté d'un squelette d'une nouvelle espèce de dinosaure qu'il vient de découvrir que de se faire photographier avec en main une nouvelle espèce de spirifer qui ressemble, à première vue, à un tas d'autres spirifers déjà découverts, décrits et bien connus de tous. De plus, des spirifers, tout le monde en possède. Ils garnissent les boites de tous les paléontologues amateurs ou professionnels, des plus jeunes aux plus âgés.

Nos connaissances sont de loin incomplètes. Nos informations sont parcellaires.
Les témoignages qu'apportent les fossiles sur l'évolution de la vie sur Terre sont lacunaires, sauf cas exceptionnel (fossilisation intégrale d'un périmètre et d'une biocénose à la suite de coulées sédimentaires sous-marines ou volcaniques pyroclastiques, par exemple).
Et sur base de ce peu d’informations nous tentons vaille que vaille d’élaborer des modèles expliquant l’évolution.

Autant dire qu’un roman de science-fiction bien ficelé pourrait aussi bien faire l’affaire.

La fossilisation.

Comment un être vivant devient-il un fossile ?

Ce que vous venez de voir est le schéma type d'une fossilisation. Cependant, la fossilisation peut être plus ou moins complète selon les circonstances.

  • D'abord, il faut savoir que les fossiles se rencontrent uniquement dans les roches sédimentaires. Nous comprendrons aisément que les roches magmatiques comme les laves, par exemple, ne contiennent pas de fossiles. Si un animal venait à y tomber dedans, il serait complètement carbonisé et rien de lui ne subsisterait. De même, les roches métamorphiques, si elles étaient au départ sédimentaires, elles ont été tellement chauffées et pressées qu'elles ont subi une refonte partielle ou totale entrainant une réorganisation moléculaire entrainant immanquablement la destruction de tout fossile pouvant y être contenu.

  • Un animal mort sur la terre ferme aura peu de chances de se fossiliser. Ses restes vont être éparpillés par les charognards. Le soleil, la pluie, le vent auront tôt fait de détruire ce que les charognards auront laissé : une grande partie de ce qui compose un être vivant a tendance à se décomposer relativement rapidement après la mort.
  • Un animal mort dans une rivière ou un fleuve va voir ses restes emportés par le courant. Les chairs vont servir de nourriture aux animaux de l'endroit ou vont pourrir et se désagréger tandis que les restes durs (carapaces, os...) vont être amoncelés dan un coin, dans un méandre où il y a moins de courant... et le chercheur se retrouvera face à un mikado indescriptible... et pourtant, c'est souvent le cas.
  • L'anoxie et la non-turbidité d'un sédiment sont des facteurs favorisant la fossilisation des parties molles.
  • Les restes d'êtres vivants enrobés dans l'ambre, momifiés dans du bitume ou bien congelés dans le pergélisol ne sont pas à proprement parler des fossiles, puisqu'ils ne sont pas minéralisés, mais sont assimilés à eux dans le langage courant.
  • Pour les périodes plus récentes, quand la fossilisation est inachevée, on parle de semi-fossilisation.

  • la fossilisation tend à favoriser les organismes composés de parties dures, ceux qui sont particulièrement répandus sur le globe et ceux qui ont vécu pendant une longue période. D'autre part, il est très rare de trouver des fossiles de petits corps mous, d'organismes géographiquement limités ou éphémères géologiquement parlant, en raison de leur relative rareté et la faible probabilité de conservation.
  • Les spécimens de grande taille (macrofossiles) sont plus souvent observés, déterrés et exposés, alors que les restes microscopiques (microfossiles) sont de loin les fossiles les plus courants.

Où trouver des fossiles?

Certaines régions du globe sont particulièrement connues pour l'abondance de leurs fossiles. Ces sites fossilifères d'une qualité exceptionnelle portent le nom de Lagerstätten (littéralement lieu de repos ou d'emmagasinage, en allemand). Ces formations résultent probablement de l'enfouissement de carcasses dans un environnement anoxique avec très peu de bactéries aérobies, ce qui a ralenti le processus de décomposition. Sur l'échelle des temps géologiques, les lagerstätten s'étendent du Cambrien à nos jours.

Parmi ces sites, on trouve notamment les marnes jurassiques de La Voulte-sur-Rhône (conservation des parties molles de céphalopodes en trois dimensions), les schistes de Maotianshan en Chine et ceux de Burgess en Colombie-Britannique, le calcaire lithographique de Solnhofen en Bavière qui a livré un des magnifiques exemples d'Archéoptéryx, les Badlands du Dakota du Nord qui ont livré des quantités incroyables d'os de dinosaures... dont quelques squelettes entiers. Ces gisements fossilifères sont tellement rares que chacune de leur découverte ou redécouverte bouleverse la vision de la progression de la vie.

Mais qui peut se permettre de courir le monde de la France à la Chine, de la Chine au Canada et du Canada à la Bavière et de la Bavière aux Etats-Unis? Ne cherchons pas trop loin... toutes les carrières exploitant des roches sédimentaires sont à visiter, nous y trouverons bivalves, brachiopodes, gastéropodes, crinoïdes, coraux, trilobites... Les sablières et argilières du Nord du Pays livrent dents de requins et coquilles. Les terrils d'anciens charbonnages sont, pour la plupart des zones protégées car ils recèlent les végétaux et des animaux... tout un écosystème particulier... Certains, ayant subi une auto combustion naturelle, ils sont exploités pour leurs cendres rouges. On y trouve tous les restes de végétaux du Carbonifère. Enfin, tout bon chercheur de fossiles devra profiter de tous les travaux routiers, comme le contournement de Couvin, par exemple, mais aussi devra aussi profiter les fondations de maisons, de grands magasins ou de zonings industriels. Tous travaux devront faire l'objet de recherches, d'observations et de prospections. Pas besoin de courir au bout du monde...

La rareté des fossiles?

La fossilisation est donc un événement extrêmement rare. En effet, Pour qu'un organisme soit fossilisé, les restes doivent normalement être recouverts par les sédiments dans les plus brefs délais. Cependant, il existe des exceptions à cette règle, comme pour un organisme congelé, desséché, ou immobilisé dans un environnement anoxique (sans oxygène). Il existe plusieurs types de fossiles et de fossilisation.

Certains observateurs occasionnels furent perplexes devant la rareté des espèces transitionnelles dans le registre fossile. L'explication communément admise a été donnée par Darwin. Il a ainsi déclaré que "...l'extrême imperfection du registre géologique, combiné à la courte durée et à l'aire de répartition géographique réduite des espèces de transition, conduisait à une faible probabilité de trouver beaucoup de ces fossiles. En d'autres termes, les conditions dans lesquelles se déroule la fossilisation sont assez rares et il est fort peu probable qu'un organisme donné se fossilise à sa mort."

Différents types de fossiles

Des fossiles les plus anciens aux plus récents

Les fossiles les plus anciens sont les stromatolithes, qui sont composés de roches créées par la sédimentation de substances (telles que le carbonate de calcium) grâce à l'activité bactérienne. Celle-ci a été découverte à travers l'étude des stromatolithes actuellement produits par des tapis microbiens. La formation Gunflint contient de nombreux microfossiles, largement acceptés comme étant des restes microbiens.
Il existe de nombreux types de fossiles. Les plus courants sont les restes de coraux, de mollusques (gastéropodes, bivalves, ammonites...), d'oursins, de trilobites, de brachiopodes, ou des os de vertébrés transformés en pierre. Beaucoup d'entre eux montrent tous les détails originaux de la coquille, de la carapace ou de l'os. Les pores et autres petits espaces de leur structure sont remplis de minéraux.

Ammonite de Normandie
Photo et coll. LVB

Les minéraux, tels que la calcite (carbonate de calcium), sont des composés chimiques qui ont été dissous dans l'eau. Lorsque l'escargot (ou l'os) passe à travers le sable ou la boue, des minéraux se déposent dans les espaces de sa structure. C'est pourquoi les fossiles sont si lourds. D'autres fossiles ont pu perdre toutes les marques de leur structure originelle. Par exemple, un escargot dont la coquille était à l'origine composée de calcite peut se dissoudre complètement après avoir été enterré. L'impression laissée dans la roche peut alors se remplir par d'autres matériaux et forme une réplique exacte de l'escargot. Dans d'autres cas, l'escargot est dissout et il ne reste alors plus qu'un trou dans la pierre, une sorte de moule que les paléontologues peuvent remplir de plâtre pour découvrir à quoi ressemblait l'animal.

Généralement, les fossiles ne montrent seulement que les parties rigides de l'animal ou du végétal : le tronc d'un arbre, la coquille d'un escargot ou les os d'un dinosaure. Certains fossiles sont plus complets. Si une plante ou un animal reste enfoui dans un type spécial de boue, qui ne contient pas d'oxygène, certaines des parties molles peuvent également être préservées en fossiles.
Les plus spectaculaires des fossiles sont ceux des mammouths laineux qui ont été retrouvés dans un sol gelé. La viande était tellement gelée, qu'elle aurait pu être consommée, même après 20.000 ans. On ne peut donc pas à proprement parler, les considérer comme des fossiles, même si ce sont des restes d'animaux aujourd'hui disparus.

Par convention, on estime que pour qu'un reste d'être vivant puisse être considéré comme "fossile", il doit avoir été naturellement enterré dans des sédiments, avoir été déminéralisé par les eaux d'infiltration et et avoir été reminéralisé par les minéraux du milieu environnant. Ce mécanisme prend du temps. On estime que les plus récents fossiles datent d'avant la fin de la dernière glaciation quaternaire (Würm), c'est-à-dire il y a quelque 13.000 ans environ. Les autres, qui datent d'une époque plus récente (néolithique, protohistoire, âge des métaux, etc.) sont généralement considérés comme des semi-fossiles ou des pré-fossiles.

On le voit, tout peut théoriquement se fossiliser dans un organisme vivant…

Cependant, en pratique, ce sont plutôt les éléments "durs" ou déjà minéralisés des êtres vivants qui sont susceptibles de se fossiliser :

  • Coquilles (coquillages, ammonites…)

  • Brachiopode du Dévonien
    Photo et coll. LVB

  • Tests (coques externes des oursins)

  • Hemicidaris pubeckensis de Novion Porcien
    Photo et coll. LVB

  • Œufs (de dinosaures par ex…)

  • Œufs de dinosaures de Chine
    Photo LVB à la "Maison de l'Evolution"

  • Os du squelette (vertébrés)

  • Os fossilisé
    Photo LVB au Musée de Luc sur Mer

  • Ecailles (poissons)

  • Ecaille losangique de poisson, site de Monthelon (Champagne)
    Photo et coll. LVB

  • Téguments (plumes, poils, ongles ou griffes…). Leur fossilisation demeure un phénomène extrêmement rare.

  • Archaeopteryx avec empreinte des plumes visibles
    Photo LVB Museum of Geology, Londres

  • Dents (divers animaux)

  • Megaselachus angustidens, argilière de Niel-Terhagen
    Photo et coll. LVB

  • Chitine (carapace d'insectes, de crustacés, d'arthropodes)

  • Paralejurus, trilobite du Maroc
    Photo LVB, bourse de Sainte Marie aux Mines

  • Végétaux (feuilles, fleurs et troncs d’arbres) Les végétaux se fossilisent bien et se transforment très souvent en carbone (les magnifiques empreintes de fougères que l’on trouve dans les terrains houillers sont bien connues). Les grains de pollen et les graines aussi : leur étude a donné naissance à la palynologie (étude des pollens fossiles) et à la carpologie (ou étude des graines fossiles) qui permettent de connaître les espèces végétales vivant à certaines époques de l’histoire de la Terre, dans une région donnée, et donc de corréler ces données avec les paléoclimats (climats anciens) correspondants.

  • Lonchopteris sp. du charbonnage d'Appaumée à Ransart
    Photo et coll. LVB

  • On peut aussi trouver exceptionnellement des "tissus mous" qui se sont fossilisés ou des excréments (coprolithes - souvent précieux pour déterminer quelles étaient les habitudes alimentaires des animaux). Ces "tissus mous" des animaux ne se fossilisent que très rarement pour la simple et unique raison que les tissus mous sont rapidement attaqués et dégradés par les champignons, les levures et les bactéries.

  • Fossile de Bipedalia cerinensis (ombrelle avec tentacules) et de Paraurelia cerinensis méduses du Kimméridgien (Jurassique supérieur, -151 Ma) de Cerin (Ain)
    Photo Monique et Gérard Sirven - Université de Lyon

  • Quelquefois, c’est l’ensemble d’un organisme qui peut être fossilisé (momifié ?) sans aucune destruction apparente: c’est le cas des nombreux et superbes insectes que l’on peut trouver inclus dans une résine fossile appelée ambre (en particulier l’ambre de la Baltique daté de l’Eocène moyen soit 45 millions d’années).

  • Mille-pattes prisonnier dans l'ambre
    Photo LVB - Université de Toulouse

  • Les empreintes laissées par les animaux lors de leurs déplacements sont fréquentes (pistes de reptiles ou terriers d’organismes fouisseurs tels que vers) : on parle d’ichnofossiles (du grec ichnos : trace, piste).  Les ichnofossiles présentent des caractéristiques qui les rendent facilement identifiables et permettent leur classification comme parataxons : ichnogenres et ichnoespèces. Les ichnotaxons sont des classes de pistes de fossiles regroupés suivant leurs propriétés communes : géométrie, structure, taille, type de substrat et fonctionnalité. Bien que parfois un diagnostic de l'espèce productrice de l'ichnofossile peut s'avérer ambigu, en général, il est possible de déduire au moins le groupe biologique ou le taxon supérieur auquel il appartenait.

    Cette empreinte laissée par un dinosaure théropode près de Flagstaff (Arizona, États-Unis) constitue un ichnofossile. Il s'agit d'une trace d'activité biologique fossilisée. Dans le cas présent, elle trahit un déplacement.
    Photo PDPhoto.org, DP

Que nous apportent les fossiles ?

Les fossiles nous apportent des informations principalement de deux ordres des informations spatiales et des informations temporelles.

Temporelles

Les fossiles apportent toujours beaucoup d’informations sur le passé lointain. Ils peuvent nous informer sur l’histoire de l’évolution des animaux et des plantes à travers le temps et leur façon de vivre à travers les recherches faites sur les corps trouvés.

Spatiales

Les fossiles sont des traces d’organismes enfouis et conservés dans les roches. Ils témoignent des milieux de vie passés. Des indices différents trouvés dans des roches sédimentaires superposées montrent que, dans une région donnée, les conditions climatiques, c’est-à-dire tous ce qui se rapporte au climat, et biologiques qui rassemblent tout ce qui concerne la vie ou les organismes vivants régnant lors du dépôt de sédiments peut changer au cours du temps.

L’actualisme est l’action de comparer les fossiles ou le reste d’un être vivant avec un être vivant actuel. Suivant l’environnement et le climat dans lequel celui-ci vit, son ancêtre devrait vivre dans un environnement et un climat semblable à celui de nos jours. Grâce à l’actualisme, nous pouvons recréer les paysages avec leurs climats et leurs évolutions qui datent de millions d’années.

L'étude des fossiles permet donc de recréer des environnements passés contenant des végétaux et des animaux disparus, c'est donc de la Paléoécologie. Dans le même temps on reconstruit des paysages disparus avec des montagnes, des fleuves, des mers qui n'existent plus, on parle donc de Paléogéograpgie. Le tout, forme de la Paléobiogéographie.

Le nom des fossiles et des êtres vivants

Les scientifiques, qu'ils soient biologistes, botanistes, zoologues ou paléontologues, ont un langage bien à eux
... avec un vocabulaire spécial ...
... et des expressions bien particulières ...
... comme qui dirait un peu "ésotérique" ...

 

Les fossiles (et tous les êtres vivants actuels) ...
... pour être étudiés, recensés, désignés, identifiés ...
... portent un nom ...
... un nom faisant référence à une Taxonomie (= Taxinomie = Science qui étudie les êtres vivants en les classant par unités systématiques appelées "TAXONS"
... un nom faisant référence à une Nomenclature ( = ∑ des termes utilisés (vocabulaire instauré par Linné au XVIIIème siècle)

Comment donner un nom à un être vivant d'aujourd'hui ou du passé ?

C'est Linné qui a "inventé" la technique (encore et toujours employée aujourd'hui)...
... et pour ce faire, il a calqué la technique sur sa propre vie...

Commençons par le début...Vous allez comprendre ... même si c'est un peu tordu...

Linné est un naturaliste suédois qui consacra sa vie à nommer les êtres vivant et à les ordonner selon leur rang. Il est né à Råshult en 1707 et mort à Uppsala en 1778)

A cette époque, au XVIIIème siècle, en Suède, les gens ne portent pas de nom de famille comme chez nous.

Exemples :

Le grand père de Linné s'appelait Ingemar Bengtsson (Bengtsson veut dire "son" = fils, "s" = de et Bengt SOIT "Ingemar, fils de Bengt")

Le père de Linné s'appelait Nils Ingemarsson (Ingemarsson veut dire "son" = fils, "s" = de et Ingemar SOIT "Nils, fils de Ingemar")

Mais Nils a étudié à l'Université de Lund et à l'époque, il était de bon ton de pratiquer le Latin...
... et donc, "pour briller en société", Nils prit un patronyme "latinisé"...
Il vivait à Linnagård
"linn" = tilleul, "a" = du et "gård" = ferme SOIT "Linnagård" = Ferme du Tilleul"
Il se fit donc appeler Nils Ingemarsson Linnæus

Nils Ingemarsson (Linnæus) eut un fils (notre naturaliste...) qu'il prénomma Karl (= Carl, = Charles)
Il s'appela donc officiellement Karl Nilsson (Karl, fils de Nils... Vous avez maintenant compris comment ça fonctionne en Suède avec les noms...)
Lui aussi, il va étudier à l'Université de Lund et tout comme son son père il va prendre un patronyme latinisé
Etant donné que son père à brillé à l'Université, Karl s'est dit qu'il était intéressant de profiter de la notoriété de son père...
Il a donc "latinisé" son prénom et a repris le patronyme de son père... ce qui donna :
Carolus Linnæus

Il devint médecin de la cour suédoise, fut anobli en 1761... et il changea encore de nom...
Il s'appela désormais Karl von Linné (Karl (son prénom) von (particule nobiliaire germanique) Linné (francisation de Linnæus)

Si on analyse les noms suédois on trouve :
par exemple...
Karl (le nom que lui a donné son père... ce qui vient de sa famille)
Nilsson (un adjectif qui le décrit : le fils de...)

Les règles de base pour donner un nom à un être vivant

Linné s'est donc inspiré de cela pour nommer les êtres vivants...
tout en instaurant des règles de base.

  • Pour désigner un être vivant et donc un fossile, le Paléontologue belge, français, allemand, suédois, norvégien, italien, britannique, chimois ou japonais utilise obligatoirement un langage compréhensible par tous : le latin.

  • Une désignation comprend 3 mots et une date

  • Dans un texte, le nom des fossiles doit être écrit en italique ou souligné pour que le lecteur puisse le repérer facilement quelle que soit la langue employée dans l'étude

  • Les noms des fossiles ne contiennent ni accent, ni mots composés, ni traits d'union

Exemple :

Micraster coranguinum, Leske 1778
Micraster = Le nom du genre avec une majuscule
coranguinum = Le nom de l'espèce avec une minuscule
Leske = Le nom de la personne qui l'a décrit en premier
1778 = Année de la première description

Chaque être vivant est ainsi nommé et ensuite classé dans l'arbre phylogénétique du vivant

Exemple :

Règne
Animal
Taxons biologiques
Super Embranchement
 
Embranchement
Cordés
Sous Embranchement
 
Super Classe
 
Classe
Mammifères
Sous Classe
 
Super Ordre
 
Ordre
Primates
Sous Ordre
 
Super Famille
 
Famille
Hominidés
Sous Famille
 
Super Genre
 
Genre
Homo
Espèce
sapiens
Groupe familial
Dupont
Différenciation entre les individus d'une même espèce
Individu
Marcel

Cela semble compliqué... mais en somme, l'explication des noms latins est souvent plus simple qu'il n'y paraît.

Prenons par exemple les noms donnés aux hommes préhistoriques...

Homo rudolfensis = Homme du lac Rudolf
Homo habilis = Homme habile
Homo ergaster = Homme artisan
Homo antecesor = Homme ancêtre
Homo floriensis = Homme de Flores
Homo erectus = Homme debout
Homo denissoviensis = Homme de Denissova
Homo neandertalensis = Homme de Neandertal
Homo heidelbergensis = Homme de Heidelberg
Homo rhodesiensis = Homme de Rhodésie
Homo sapiens = Homme qui sait

Quelques autres exemples que nous rencontrons habituellement sur les bourses...

Ostrea multicostata = Huitre portant de nombreuses côtes ornementales
Atrypa reticularis = Brachiopode Atrypa dont les dessins ornementaux forment un réseau
Cyrtospirifer verneuilli = Brachiopode Cyrtospirifer attribué en l'honneur du paléontologue Philippe Edouard Poulletier de Verneuil
Hemipneustes striatoradiatus = Oursin Hemipneustes possédant des cannelures disposées en rayons
Planorbis lacustris = Gastéropode vivant dans un lac

Attention

Dans les livres de vulgarisation, par soucis de simplification, le nom de l'auteur de la description et la date sont souvent omis

Parce que....

Micraster coranguinum, Leske 1778

est différent de...


Micraster coranguinum, (Quenstedt 1874)*
qui est en fait
Micraster schroederi, Stolley 1891

"Quand un nom et une date sont entre parenthèses, c'est que le nom, la date ou les deux ont été révisés et modofiés par un autre scientifique."... donc dans le cas qui nous occupe, le second Micraster, au départ déterminé comme étant un "coranguinum" par Quenstedt en 1874 a été révisé par Stolley en 1891 et rebaptisé "schroederi". De toute manière, Quenstedt sentait déjà en 1874 que ce ne serait pas un vrai "coranguinum" sans quoi il l'aurait nommé dès le départ "Micraster coranguinum, Leske 1778" du nom de son premier découvreur.

Autres variations

Exemple :

Pecten mediterraneus, Linné 1758

Pecten (Entolium) menbranaceum, Nilsson 1827

Exemple :

Hemicidaris luciensis, d'Orbigny 1850

Hemicidaris luciensis langrunensis, Cotteau 1857

Exemple :

Belemnitella mucronata, von Schlotheim, 1813
Cette bélemnite datée du Campanien supérieur et du Maastrichtien est reconnaissable entre autres, à sa pointe en forme de téton

Belemnitella cf. mucronata, von Schlotheim, 1813
Cette bélemnite, récoltée dans la carrière de craie d'Eben-Emael, datée du Maastrichtien ressemble très fort à l'espèce "mucronata" même si le téton de la pointe est absent, parce que sans doute usé par le sac et le ressac des vagues après que l'animal soit mort, et juste avant qu'il ne soit recouvert de vase calcaire.

Exemple :

Cyrtospirifer verneuilli, Murchison 1840
Ce Spiriféridé, très commun dans la région de Barvaux a été correctement décrit par Murchison.

Cyrtospirifer aff. verneuilli, Murchison 1840
Ce Cyrtospirifer, récolté dans les schistes de Barvaux, ressemble très fort à un Cyrtospirifer verneuilli, avec néanmoins une ligne cardinale droite alors que le Cyrtospirifer verneuilli a une ligne cardinale un peu incurvée... mais une déformation naturelle de l'animal ou tectonique est toujours possible. Les deux sont, de toute manière très proches.

Exemple :

Cyrtospirifer verneuilli, Murchison 1840
Ce Spiriféridé, très commun dans la région de Barvaux a été correctement décrit par Murchison.

Cyrtospirifer verneuilli var. elongata, Murchison 1840
Ce Cyrtospirifer, récolté dans les schistes de Barvaux, ressemble très fort à un Cyrtospirifer verneuilli, avec néanmoins une hauteur plus faible et une largeur plus importante si bien qu'il paraît allongé, d'où son nom de variété : elongata.

Exemple :

Atrypa reticularis, Linné 1758
Tout au long du Dévonien, on trouve dans de nombreuses couches des brachiopodes du genre Atrypa. Le plus connu est sans nul doute l'Atrypa reticularis... mais ce genre a été, au cours du temps décliné en divers autres genres comme Spinatrypa, Desquamatia, Variatrypa... qu'il est très compliqué pour un amateur de déterminer... même si on dispose des publications ad hoc.

Dans de nombreux cas, l'amateur n'a qu'une seule échappatoire pour ne pas écrire des bêtises sur sa fiche : Atrypa sp.

Exemple :

Gymnocidaris lamberti, Mercier 1932
C'est l'oursin typique du Tithonien (Jurassique supérieur) des Charentes

Gymnocidaris lamberti nov sp.

Mais on y a trouvé aussi des oursins que l'on peut classer dans le genre "Gymnocidaris" mais qui sont assez différents de l'espèce de base. On aurait pu penser que c'était une variété, mais pour que ce soit une variété, les différences doivent êtres visibles mais minimes alors qu'ici les différences sont assez importantes pour qu'elles permettent la création d'une nouvelle espèce... encore à l'étude. On sait donc que l'espèce de base à l'étude sera "lamberti" mais on ne connaît pas encore le nom de cette nouvelle espèce, ni celui qui en établira la description officielle, ni la date de parution de la publication officielle.

Est-ce que ça veut dire qu'on peut se permettre n'importe quoi quand il s'agit de nommer un être vivant ?

Et dans ce domaine, les scientifiques ne sont pas les derniers à rigoler...

Ainsi...

Ce crabe est une nouvelle espèce qui a été observée pour la première fois sur l'île de Guam il y a 20 ans. Très rare, les scientifiques qui ont voulu le décrire ont dû attendre 20 ans pour en trouver quelques uns et les observer.

Il fut nommé Harryplax severus. Harryplax, en hommage à Harry Potter et severus, parce que ce crabe a su rester mystérieux pendant 20 ans, à l’image de Severus Rogue et son lourd secret dans la saga.

Mais ce n'est pas tout...

Voici une nouvelle espèce d'araignées aranéomorphes de la famille des Araneidae endémique de la région du Kamataka en Inde. Cette petite araignée, présente une forme inhabituelle : un abdomen en forme de goutte dont la pointe est repliée et arborant des couleurs de feuilles mortes qui lui confèrent de bonnes capacités de camouflage.

Comme sa forme et sa couleur évoquaient l'un des chapeaux de sorcier des livres Harry Potter et plus précisément le "choixpeau" qui trie les élèves arrivant à l'école de sorciers de Poudlard pour les envoyer dans l’une ou l’autre des maisons durant toute leur scolarité, les découvreurs de cette nouvelle espèce lui ont donné le nom de Eriovixia gryffindori...

 

Encore ???

Vini vidivici : une espèce d'oiseau éteinte de la famille des Psittacidés, disparue il y a +- 700 ans et qui vivait depuis les Îles Cook, jusqu'aux Marquises en passant par les Îles de la Société. Il n'avait apparemment rien à voir avec Jules César...

 

Mesoparapylocheles michaeljacksoni : un bernard-l’ermite éteint lui aussi, dont on ne saura jamais s’il pratiquait bien le moonwalk...

 

Agra schwarzeneggeri : un coléoptère nouvellement découvert aux pattes en apparence très musclées rappelant les bras de l'acteur-gouverneur-bodybuilder.

 

Aleiodes shakirae : une guêpe qui pond ses larves dans l'abdomen de certaines chenilles, larves qui les dévorent de l'intérieur et qui les font "danser" à la manière de la chanteuse colombienne.

 

Neopalpa donaldtrumpi : une mite dont la tête plumeuse rappelle la chevelure de Donald Trump.

 

Darthvaderum : un genre d'acarien dont l'image au microscope a immédiatement rappelé à son découvreur le casque du vilain papounet de Luke Skywalker

 

Le genre Aptostichus est un genre d'araignée trappe, mygalomorphe. Il a fait des émules auprès des personnes célèbres. Ainsi nous avons une Apostichus angelinajolieae du nom de l'actrice américaine Angelina Jolie. Trouvé sur les dunes côtières du nord de la Californie, il est similaire à l'Aptostichus barakobamai en l'honneur du président des Etats Unis et Apostichus bonoi en l'honneur du chanteur phare du groupe U2. Les araignées de trappe (superfamille des Ctenizoidea, famille des Ctenizidae) sont des araignées de taille moyenne qui construisent des terriers avec une trappe en forme de piège faite de terre, de végétation et de soie. Certaines espèces similaires sont également appelées araignées trappes, telles que les Liphistiidae, Barychelidae. 

 

Les scientifiques ont découvert en Australie une nouvelle espèce de taon. L'animal, très vorace, s'attaque aux mammifères (comme les kangourous, par exemple) pour leur sucer le sang au cours de la longue période sèche qui sévit dans le bush. Cette espèce d'insecte vampire inflige à ses victimes de vilaines boursoufflures à l'endroit de la piqure. Il fut nommé Scaptia plinthina beyoneae. Pourquoi? Simplement parce que le taon en question a un postérieur aussi affirmé que celui de la chanteuse.

 

Comme ce charançon qui a été trouvé en Papouasie-Nouvelle-Guinée est si hérissé de petites pointes et d'écailles que les chercheurs ont écrit : "Cette espèce a des écailles denses sur la tête et les pattes, ce qui rappelle aux auteurs la fourrure dense de Chewbacca.» Il porte donc le nom de ce bruyant Wookiee : Trigonopterus chewbacca.

Par contre, ça c'est des carabistouilles à la Chuck Jones de Warner Bros...

 

Les scientifiques sont-il sociables, grégaires ou solitaires et individualistes .

En Paléontologie, plus encore que dans toutes les autres sciences, nous devons faire face à une synonymie importante car :

En Europe de l'Ouest,
En Europe de l'Est (séparée de nous par le "rideau de fer" jusqu'en 1989,
En Amérique du Nord (séparée de nous par l'Océan Atlantique),

... nous trouvons les mêmes couches et les mêmes fossiles...

Mais les scientifiques, travaillant de manière isolée, chacun de son côté, sans concertation, ont nommé ces couches différemment et ont nommé les fossiles différemment.

C'est très facile de s'en rendre compte, il suffit d'ouvrir un livre de paléontologie de la collection Gründ, traduit du Tchèque... et on verra des fossiles bien connus chez nous portant d'autres noms.

Ainsi...

Acrospirifer primaevus, Steininger 1853

Spirifer primaevus (Sandberger) (CH)
Spirifer cultrijugatus (Roemer) (D)
Spirifera primaeva (de Tromelin) (F)
Spirifer socialis (Krantz) (A)
Spirifera cultrijugata (Davidson) (USA)
Spirifer paradoxoïdes (Quenstedt) (D)
Spirifer decheni (Bednarek) (Tch)
Spirifer beaujeani (Béclard) (Fr)
Spirifer arrectus (Hall) (USA)
Spirifer hawkinsii (Morris) (GB)
Spirifer antarcticus (Scharpe) (USA)
Spirifer orbignyi (Giebel) (D)
Spirifer latestriatus (Ivanova) (URSS)

 

Heureusement, petit à petit, ces synonymes inutiles finissent doucement mais sûrement, au fil des nouvelles éditions des guides paléontologiques et au fil de l'accumulation des publications officielles par disparaître au profit de l'holotype.

Mais reconnaissons-le, cette pléthore de noms n'est pas faite pour aider l'amateur dans ses déterminations.

Quelques dernières considérations.

Au fil des études sur les espèces disparues, la communauté scientifique peut revoir sa position au sujet de l'appartenance d'une espèce à un genre ou à un groupe en fonction de son ascendance et de sa descendance. Etant donné que les recherches continuent inlassablement et que la science évolue continuellement, les amateurs doivent autant que possible se tenir au courant de ces modifications.

Ainsi...

Ce requin mako fossile a vu son nom changer au cours du temps...

Oxyrhina xiphodon, Agassiz 1843

Isurus xiphodon, Agassiz 1843

Oxyrhina hastalis, Agassiz 1843

Otodus hastalis, Agassiz 1843

Isurus hastalis, Agassiz 1843

Cosmopolitodus hastalis, Agassiz 1843

Carcharodon hastalis, Agassiz 1843

Mais l'identification d'un genre, d'une espèce ou même d'une forme est-elle la finalité de notre travail ? On pourrait le croire... et si ce n'est pas le cas, on pourrait alors se demander pourquoi j'ai passé (perdu) tout ce temps pour écrire cette page.

Ce (modeste) site internet est destiné à aider les amateurs à s'y retrouver dans le dédale de la Paléontologie. Outre cet objectif, il y a une autre dimension à prendre en compte : l'aspect psychologique. L'attribution du nom des genres et des espèces d'animaux et de plantes encore vivants ou fossiles...ou même de l'attribution des noms des choses qui nous entourent, mérite et de loin une dissertation psychologico-philosophico-religieuse.

Je vais tout de même aller puiser dans un coin de ma mémoire ce qui me reste de mes cours de psychologie pour expliquer ma position face à la propension qu'à l'homme de tout vouloir nommer, classer, ranger...

"Au commencement était le Verbe…"

C’est le début de la première phrase que l’on trouve dans l’évangile selon Jean.

"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu."

Certains théologiens vous diront que rien n’existe si "le Verbe" au sens de "la parole", "le mot" n’existe pas. Oui, c’est vrai dans un sens...

L'être humain, l'homo sapiens, dispose de la parole, cela lui permet de créer des concepts, des représentations. Il peut signifier ce qui est dans son univers intérieur et son environnement extérieur.  Les autres, minéral, végétal, animal, ne disposent pas de cette parole. Leur lien au monde est bien différent du nôtre. Si l’humain ne donne pas de mot à quelque chose, ce quelque chose n’est rien de particulier. Il n’a pas de signification. Il n’existe donc pas de manière dissociée par rapport à tout le reste. C’est cette signification que cherche tellement notre mental. La recherche de sens, de lien, de signe… tout le contraire de l’insignifiance. C’est d’ailleurs un angle de vue particulièrement étudié en psychologie, idiomatique et autres sciences du langage, ainsi que dans le cadre de certaines thérapies.

Les contraintes verbales de la langue que nous utilisons contraignent notre capacité d’appréciation, d’expression et de description des choses. C’est ce qui est appelé les limitations linguistiques. Ainsi les esquimaux ont plus de 50 mots pour décrire la neige. Nous en avons au mieux 10. De là à dire qu'ils en perçoivent des dimensions que nous ne savons pas appréhender, il n’y a même pas un pas.

Il y a deux versions possibles de l’humanisation. Elles ne sont pas exclusives mais elles méritent sans doute d’être dialectisées. La première dirait qu’au commencement était la Chose, puis vinrent les Mots. La seconde considérerait que tout a commencé avec les Mots qui ont fait exister la Chose. Ces deux versions répondent à deux élaborations différentes de la constitution du sujet. Une qui fait prévaloir l’objet de la satisfaction et ses conséquences sur le désir de possession et l’autre la prévalence du signifiant et ses effets sur la jouissance de la possession. Dans les deux cas un accès au réel est ménagé.

"Au commencement était le verbe". Qui est premier : le réel ou le symbolique ? On a tendance à penser intuitivement que le réel s’impose au symbolique mais pourtant sans symbolique non seulement, depuis que nous sommes des êtres de parole, nous n’aurions aucun accès au réel mais encore aucune idée de ce réel !  La Chose n’existerait pas sans le langage, les animaux n’ont pas de Chose, mais le langage ne pourrait consister sans le trou de la Chose puisqu’il lui faut ce point de fuite intrinsèque au symbolique. C’est sans doute pour cela qu’une langue universelle est impossible, au sens d’une langue qui nommerait exhaustivement toutes les choses en toutes circonstances car si elle prétend nommer chaque chose, c’est sans tenir compte de ce qui reste, de structure, hors de l’entendement. Le langage instaure deux barrières, celle infranchissable entre le signifiant et le signifié, d’où le mot n’est pas la conséquence des choses.

Le mot n’a pas forcement de Nom. Tel ce jeune enfant qui demande :

"Truc" n’est pas un nom et s’il n’a pas de signifié, le contexte le lui donnera. Il a fallu créer puis nommer les choses du monde, l’acte en quoi consiste la nomination, pour avoir idée qu’il reste quelque chose d’inassimilable, qui ne se laisse jamais réduire par le symbolique. Le Mot n'est pas la Chose.  Le Mot n'est qu'une représentation symbolique de la Chose.  Et pourtant, c'est si important à nos yeux !

La première chose c’est ça, c’est mettre des noms sur les choses.

Un chat : un chat.  Une pipe : une pipe.  Et ainsi de suite.

La première chose c’est ça. C’est long, très long, car il y a le chat persan, le chat nu, le siamois, le matou, l’égyptien,... Il y a aussi le chat écorché, le chat échaudé qui craint l'eau froide.  Il y a la pipe en buis, en terre, en écume. Il y a le fauteuil qui va avec le chat et la pipe, en cuir, avec les accoudoirs lustrés, et les flammes dans l’âtre, et la pensée qui s’y abîme.  (La pensée, elle, ne se donne pas de nom, toute occupée qu’elle est à en donner aux choses, et c’est long, très long.)

On croit qu’on en a fini, mais on regarde dehors et ça recommence, il faut donner un nom à tout ce gris par dessus la terre, et qui change. Il faut donner un nom à ce qui jaunit et ploie sous le vent, graminées dociles qu’on caresse, et faisant cela on fait s’échapper des épis tout un tas de bestioles minuscules à élytres, qu’il faut nommer aussi, car sinon tout est foutu, tout risque de disparaitre par ce trou minuscule qu’a formé dans le paysage le petit être volant échappé, non nommé.

La chose importante c’est ça, c’est nommer les choses qui apparaissent, savoir dire exactement de quelle couleur est cette eau dormante posée devant soi, vert d’yeux ou vert d'eau ou vert bouteille... ou bien non, sous un nuage ce n’est plus pareil, ça se plisse et vire à une nuance plus terreuse et plus douce, et juste après ça se métallise, on n’y voit plus rien que du ciel, et le nom de la couleur de l’eau reste une question, une question très longue à éplucher... Et cet épi, est-ce du seigle ou du blé, et qu’est-ce qui le fait pencher, et comment ça s’appelle, quel est le nom du vent qui change et nous fait tous pencher? Sous le vent rien n’est relié, rien n’est rangé, ça ne va pas.  On a besoin de paysage. Pas seulement d’un décor, mais se savoir baigné dans autre chose plus grand. A s’imaginer avoir une vue, un ailleurs.  Le paysage c’est quand l’étrange se nomme, c'est quand le ciel et l’herbe sont pour nous, bien disposés.  Voilà, le paysage est quand le monde prend sa substance des noms. Avant ça, ce n’est pas paysage, c’est juste du vent et des bêtes à six pattes qui courent et volent dans n’importe quel sens, c’est juste de l’herbe verte prise à rebrousse poil par le vent... et puis une bête traverse le paysage, le troue. On s’empresse de bourrer la fuite de l'animal de substantifs. Après ça va mieux. Après on reconnait tout, d’avoir tout passé sous sa langue, comme autant d’étiquettes à coller. On distingue les essences, on sait quelles sont les bonnes, quelles sont les mauvaises. Le paysage existe quand le langage est botanique. Des noms apposés à chaque épi ployant sous l’horizon. Un monde étale, explicatif, avec des chemins bien ordonnés.  La première chose c’est ça, des noms, des noms, des noms, et on croit en avoir fini. On détourne les yeux, on revient à l’âtre, on s’accoude aux bords lustrés du fauteuil... et à chaque nouveau coup d'oeil, ça recommence à l'infini.

Je ferai arbitrairement abstraction de la conception freudienne et platonique de la chose car cela nous emmènerait sur les voies de la psychanalyse et de la philosophie qui n'ont pas leur place ici... quoique... Je terminerai simplement en disant que l'Homme, être de jugement, doit prendre deux décisions face à la Chose, à l’objet de son désir : l’attribut et l’existence.  Il ne s’agit plus ici de savoir si une Chose qui a été perçue doit être admise dans la conception de "Moi" ou non, mais si quelque chose qui est présent dans le "Moi" sous forme de représentation peut aussi être retrouvé dans la perception de la réalité. Un objet de satisfaction possède une bonne qualité s'il existe dans le monde extérieur pour pouvoir le retrouver et se l'approprier.

Pour simplifier, je dirai que l'Homme désire posséder les Choses qui l'entourent.  Pour ce faire et communiquer son envie à ses semblables, il apprivoise le réel en nommant les Choses et surtout en les qualifiant : description (forme, couleur, texture...) mais aussi utilité (manger, boire, respirer, se protéger, se défendre, se reproduire, posséder, prendre du plaisir...)

Je m'arrête ici et si vous en voulez plus, je vous laisse lire des machins qui étaient mes livres de chevet quand j'étais étudiant en psychologie : Freud, Platon, Lacan, Stern, Klein, Tomasi de Lampedusa et Jung, pour ne citer qu'eux.

Mais est-ce là la finalité de la Paléontologie ? Donner des noms aux choses, ranger classer, étiqueter ? Et puis quand tout est rangé, classé, un jeune-chercheur-aux-dents-longues-et-qui-veut-se-faire-un-nom-dans-le-monde-de-la-Paléontologie reprend toute la classification, observe les spécimens et puis, découvre un petit rien du tout, un détail et il dépile tout, change les noms de genre, d'espèces, crée de nouveaux genres, de nouvelles espèces, des sous-genre et des sous-espèces et même des variétés.

Et je terminerai simplement par une question : Que vaut-il mieux pour la Paléontologie ? Assister à une bataille stérile d'experts se disputant à propos d'un nom alors que l'animal reste lui-même et ne change pas s'intéresser plutôt à son mode de vie, à son environnement et aux relations qu'il entretenait avec ses contemporains (prédateur-proie) dans un monde bien différent du nôtre, faisant intervenir des données de Paléoécologie, de Paléogéographie, de Paléobiologie, de Paléozoologie et de Paléobotanique ?

 


 

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