Le Carbonifère : Le peuple de la mine (9)

La mine et ses installations de surface : la partie visible de l'iceberg car en dessous ce n'est qu'un dédale de galeries.
Dessin L.V.B.

Le charbon dans sa réalité matérielle, objet de toutes les convoitises des 18ème, 19ème et 20ème siècle...
Tant de sueur, de larmes et de sang pour ces quelques cailloux noirs...

Entrée

 

 
 
 
 
Recherches annexes
 
 
 

 

Le
Carbonifère

Carbonifère : Généralités

1.  Le Carbonifère
   1.1.  Etymologie et définition
   1.2.  Caractéristiques du Carbonifère
2.  Les paysages du Carbonifère
   2.1.  Orogénie
3.  La Belgique productrice de minerais

Le Carbonifère inférieur : Viséen - Tournaisien

4.  Le Carbonifère inférieur
   4.1.  Le petit Granit
   4.2.  Les fossiles du Petit Granit

Le Carbonifère supérieur : Westphalien - Stéphanien

5.  Le Carbonifère supérieur
   5.1.  Le charbon
   5.2.  Le climat au Carbonifère
   5.3.  La flore au Carbonifère
   5.4.  La faune du Carbonifère
   5.5.  Les fossiles du charbon

L'exploitation minière du Charbon (1)

6.  L'exploitation du charbon
   6.1.  Les protagonistes
      6.1.1.  André Paillard, dit "AndrédeMarles"
      6.1.2.  Henri Rimbaut, mineur et poète
      6.1.3.  Lucien Hector Jonas, peintre anzinois
      6.1.4.  Marius Carion, peintre du Borinage
      6.1.5.  Joseph Quentin, photographe du peuple
      6.1.6.  Auguste Lesage, mineur, peintre, médium et guérisseur
      6.1.6.  Pierre Paulus, le peintre du prolétariat de Charleroi
   6.2.  Vocabulaire spécifique au monde de la mine

L'exploitation minière du charbon (2)

7.  L'exploitation du charbon
   7.1.  Les différents bassins houillers
   7.2.  Description des veines de houille et des terrains encaissants
   7.3.  Les installations minières
      7.3.1.  En surface
      7.3.2.  En dehors du carreau de la mine
      7.3.3.  Sous terre
   7.4.  Visages des différentes fosses au cours du temps

L'exploitation minière du charbon (3)

8.  Quelques thèmes pour continuer le tableau
   8.1.  L'alcoolisme et la prostitution
   8.2.  Sainte Barbe
   8.3.  Les chevaux dans la mine
   8.4.  Les terrils
   8.5.  Les corons
   8.6.  Cabarets, cafés et estaminets
   8.7.  Les outils du mineur
   8.8.  Les mineurs au cours du temps
   8.9.  Ouvrages décrivant la vie des mineurs au cours du temps
   8.10.  Reconnaissance des travailleurs du passé glorieux des mines

L'exploitation minière du charbon (4)

9.  Les systèmes d'éclairage
   9.1.  Les lampes de mineur à flamme nue
   9.2.  Les lampes de mineur de type Davy
   9.3.  Les lampes de mineur de type Clanny
   9.4.  Les lampes de mineur de type Mueseler
   9.5.  Les lampes de mineur de type Marsaut
   9.6.  Les lampes de mineur de type Fumat
   9.7.  Les lampes de mineur britanniques de type Archibald de Glasgow
   9.8.  Les lampes de mineur à benzine de type Wolf
   9.9.  Les lampes de mineur de type Molnia
   9.10.  Les lampes de mineur à acétylène
   9.11.  Les lampes de mineur de type inconnu
   9.12.  Les lampes de mineur électriques

L'exploitation minière du charbon (5)

10.  Les accidents miniers
   10.1.  Les coups de grisou et coups de poussier
   10.2.  Le feu
   10.3.  L'eau et les inondations
      10.3.1.  Les galeries d'exhaure
   10.4.  Les éboulements
   10.5.  Liste chronologique des accidents miniers

Le Peuple de la Mine (1)

11.  Il était une fois le peuple de la mine
   11.1. Introduction
   11.2.  La découverte du charbon
   11.3.  Petite histoire de l'exploitation du charbon
      11.3.1.  Les premières exploitations minières

Le Peuple de la Mine (2)

      11.3.2.  La houille et la révolution industrielle
      11.3.3.  Les nouveaux riches
      11.3.4.  Les nouveaux riches et le pouvoir
      11.3.5.  La classe ouvrière
      11.3.6.  La classe ouvrière s'organise

Le Peuple de la Mine (3)

      11.3.7.  Zola et Germinal
      11.3.8.  Les thèmes de Zola
         11.3.8.1.  Les femmes
         11.3.8.2.  Les enfants

Le Peuple de la Mine (4)

      11.3.9.  Le Paternalisme
      11.3.10.  La Déclaration de Quaregnon
      11.3.11.  Le Syndicalisme

Le Peuple de la Mine (5)

      11.3.12.  Les conflits sociaux de 1886 en Wallonie
      11.3.13.  Nouvelles lois suite aux grèves

Le Peuple de la Mine (6)

      11.3.14.  La grève de 1906
      11.3.15.  Les premiers immigrés
      11.3.16.  Les grèves de 1913
      11.3.17.  La Première Guerre Mondiale

Le Peuple de la Mine (7)

      11.3.18. Les Polonais
      11.3.19.  L'Entre-deux Guerres

Le Peuple de la Mine (8)

      11.3.20.  La Deuxième Guerre Mondiale
      11.3.21.  L'Après Guerre
      11.3.22. Les années '50 et suivantes : Le Déclin

Le Peuple de la Mine (9)

      11.3.23.  La Culture Minière
         Introduction
         Les Chorales, Harmonies et Fanfares
         Les Géants
         Le Jardinage
         La Colombophilie
         Le Javelot
         Le Sport
            Le Football
            Le Cyclisme
            Le Tir à l'Arc et les Jeux d'Indiens
         Les Combats de Coqs et les Coqueleux
         Les Guinguettes
         Les Bouloirs
         Les Kermesses, Ducasses, Braderies et autres Fêtes Populaires
            Les Braderies
            Les Ducasses et Kermesses
         Autres Loisirs
         La Napoule
         Conclusion
 
       

12. Quelques semaines, en compagnie d'un mineur et de sa famille

   12.1. Au petit matin
   12.2. Le départ vers la mine
   12.3. Arrivé au puits, Jules se prépare
   12.4. La descente aux enfers
   12.5. Au travail
   12.6. La chaleur
   12.7. On étouffe, ici !
   12.8. Le briquet au fond
   12.9. Toujours surveillés
   12.10. Pendant ce temps-là...
   12.11. Fin de journée...
   12.12. Retour à la maison
   12.13. Au jardin.
   12.14. Le souper
   12.15. Tu seras mineur, mon fils !
   12.16. L'accident
   12.17. Le dimanche et la ducasse
   12.18. Et pour finir...

Le Peuple de la Mine (1)

11.  Il était une fois le peuple de la mine

11.1. Introduction
11.2.  La découverte du charbon
11.3.  Petite histoire de l'exploitation du charbon

11.3.1.  Les premières exploitations minières

Le Peuple de la Mine (2)

11.3.2.  La houille et la révolution industrielle
11.3.3.  Les nouveaux riches
11.3.4.  Les nouveaux riches et le pouvoir
11.3.5.  La classe ouvrière
11.3.6.  La classe ouvrière s'organise

Le Peuple de la Mine (3)

11.3.7.  Zola et Germinal
11.3.8.  Les thèmes de Zola

11.3.8.1.  Les femmes
11.3.8.2.  Les enfants

Le Peuple de la Mine (4)

11.3.9.  Le Paternalisme
11.3.10.  La Déclaration de Quaregnon
11.3.11.  Le Syndicalisme

Le Peuple de la Mine (5)

11.3.12.  Les conflits sociaux de 1886 en Wallonie
11.3.13.  Nouvelles lois suite aux grèves

Le Peuple de la Mine (6)

11.3.14.  La grève de 1906
11.3.15.  Les premiers immigrés
11.3.16.  Les grèves de 1913
11.3.17.  La Première Guerre Mondiale

Le Peuple de la Mine (7)

11.3.18. Les Polonais
11.3.19.  L'Entre-deux Guerres

Le Peuple de la Mine (8)

11.3.20.  La Deuxième Guerre Mondiale
11.3.21.  L'Après Guerre
11.3.22. Les années '50 et suivantes : Le Déclin

Le Peuple de la Mine (9)

11.3.23.  La Culture Minière

Introduction
Les Chorales, Harmonies et Fanfares
Les Géants
Le Jardinage
La Colombophilie
Le Javelot
Le Sport

Le Football
Le Cyclisme
Le Tir à l'Arc et les Jeux d'Indiens

Les Combats de Coqs et les Coqueleux
Les Guinguettes
Les Bouloirs
Les Kermesses, Ducasses, Braderies et autres Fêtes Populaires

Les Braderies
Les Ducasses et Kermesses

Autres Loisirs
La Napoule
Conclusion

11.3.23. La Culture Minière

Introduction

Cette grande histoire industrielle est avant tout une histoire d’hommes et de femmes.  Les Compagnies minières avaient une très forte emprise sur la vie des hommes et contrôlaient de manière directe ou indirecte leur vie privée ainsi que celle de leur famille.
Le rythme de vie et les temps de loisirs étaient totalement dépendants du travail à la mine. Trois siècles d’activité industrielle ont vu se développer une véritable culture minière.

"Les mineurs sont fiers. Ils le sont de leur métier auquel son caractère rude et dangereux confère une particulière noblesse. Ils le sont de la sympathie dont, pour la même raison, la population les entoure. Ils le sont de leur rôle, exceptionnel dans la nation tant que celle-ci a, au premier chef, besoin d'eux. C’est pourquoi, si dure que leur soit la mine où ils arrachent le charbon, péniblement dans les ténèbres, menacés et parfois victimes d'éboulements, de coups de grisou, de silicose, ils y tiennent profondément. D’ailleurs, divers avantages de salaires, de retraite, de logement, qui leurs sont attribués, contribuent à les y attacher. Pour des motifs qui sont d'ordre moral en même temps que matériel, ils ressentent donc les mesures restrictives, non pas seulement comme un tort infligé à certains d'entre eux, mais encore comme une injustice et une erreur à l'égard de leur vocation." Cet extrait, des Mémoires d'Espoir du Général de Gaulle illustre certaines mentalités de cette corporation.

Le patrimoine du Bassin minier témoigne d’abord de l’apparition et de la constitution d’un modèle de classe ouvrière, de ses relations au patronat et au travail et de ses actions collectives. Dans le cadre du travail à la fosse, s’est forgée une cohésion de groupe, une identité collective qui a donné naissance à une véritable conscience de classe prenant forme dans les mouvements collectifs de revendication qui témoignent de l’engagement d’un groupe qui a organisé sa révolte et qui s’est structuré par les syndicats.  Dans les bassins miniers français, belges, européens et internationaux, la précocité de ces actions collectives a fait progresser la législation du travail et la situation des mineurs a parfois été très en avance comparée à d’autres métiers.

Le secteur minier a été le domaine d’activités le plus sujet aux conflits sociaux, qui ont marqué durablement le territoire.  Les luttes politiques et sociales menées par les ouvriers et en particulier les mineurs du bassin du Nord – Pas-de-Calais, de Saint-Etienne et de Wallonie, ont forgé une réputation de "Pays Noir – Pays Rouge".

Cette question sociale rejoint aujourd’hui la question identitaire, dans la métamorphose d’une région ouvrière dont l’évolution apparaît comme un résumé du mouvement social.  Ce véritable creuset pour le mouvement social et syndical a façonné l’identité de la région, marquée par une histoire sociale qui a non seulement eu d’importantes conséquences sur l’évolution des structures économiques et sociales, mais qui a également modifié les représentations sociales, marqué les imaginaires, et empreint la région d’une certaine conscience politique (les bassins miniers ont vu naître de nombreuses personnalités politiques socialistes et communistes). L’industrie minière a été un véritable laboratoire, à la fois politique, social, et syndical.

Le lien des habitants des bassins miniers à cet ensemble d’éléments iconographiques, d’images mentales, de références communes (hauts-lieux, valeurs, représentations…) participe du processus identitaire de filiation et d’appartenance à un groupe et à un territoire.  La mine est un univers spécifique, différent des autres industries.
Les notions de territoire et d’identité s’entrecroisent, notamment autour du récit de l’aventure industrielle et minière. Le territoire peut être considéré comme support identitaire ou comme producteur d’identité.  Il fait le lien entre l’histoire et les habitants, notamment par la permanence des lieux symboliques du passé industriel et minier. La notion de territoire s’entendant ici plus comme un espace économique, social et culturel que comme une délimitation administrative et géographique. Personne dans les bassins miniers n’est ignorant ou indifférent à l’histoire de la région, tout le monde a conscience de l’exceptionnalité de cette histoire et de ce que son héritage implique.  Une société façonne, grâce à la culture qu’elle produit, la personnalité des membres qui la composent et l’identité sociale renvoie à un sentiment de similitude entre les personnes de même appartenance. Cela signifie que l’histoire et l’héritage qu’elle produit ont une influence sur l’identité et les représentations d’aujourd’hui. Plus que l’activité industrielle en général, l’exploitation minière en particulier a créé une communauté, et une identité autour d’elle. L’histoire minière, entremêlée de l’histoire industrielle, a donc laissé un héritage commun qui permet au territoire de construire une identité en intégrant ces éléments.

Reconnaître la région par ce qui la caractérise comme éléments communs à l’ensemble du territoire, mais aussi par ce qui la distingue des autres territoires : là est tout l’enjeu de la notion d’identité, fortement liée à celle d’une communauté, d’un territoire urbain à forte identité. La région s’est construite autour des références au passé qui constituent des fondements de son identité, évoluant au fil du temps et avec la transformation du traitement et de la réception de l’héritage. Ces évolutions font et défont les histoires, les mémoires, les images, les représentations, et ainsi jouent sur les références commune des occupants des bassins miniers. Le territoire, ses paysages, ses hommes et ses femmes, sont influencés de manière peu visible mais bien réelle par l’histoire industrielle et en particulier minière.  L’identité commence par le poids du passé, le déterminisme de l’histoire. Mais une identité collective est le fruit d’une dynamique qui nous permet de changer tout en restant nous-mêmes, et où s’articulent continuité et changement, souvenirs partagés et projection dans l’avenir, tradition et créativité.  Ainsi, l’ensemble de ces éléments sont transmis par différents vecteurs et différents supports au sein du territoire. Il faut bien admettre avec les historiens, que le passé ne meurt jamais complètement et que même les hommes qui l’oublient le gardent en eux toujours à leur insu.  Ainsi, bien que les mines soient fermées depuis près de trente ans maintenant dans les différents bassins miniers belges ou français, la mémoire minière y est encore bien présente et marque encore les esprits. La notion de mémoire collective est définie comme une mémoire construite, partagée et transmise par un groupe déterminé.  L’espace urbain, vécu et habité, produit une mémoire collective nécessaire pour habiter la ville, mais aussi pour la reconstruire comme une entité sociale cohérente. La mémoire des lieux fait partie de cette construction. Ainsi, de nombreux noms, de lieux, de personnes, de puits, de catastrophes, résonnent dans les esprits, et rappellent le passé minier encore bien vivant.

La mine est une histoire familiale pour une grande partie des habitants présents sur le territoire depuis plusieurs générations. L’enjeu principal de la mémoire est celui de l’héritage et de la transmission. Les générations n’ayant pas connu la mine alors qu’elle était encore ouverte, vivante, se retrouvent actrices d’une transition, porteuses d’un héritage dont elles ont plus ou moins conscience et qu’elles n’ont pas nécessairement la volonté de porter. Pourtant, nombre d’héritiers de ce patrimoine immatériel perçoivent une sorte de responsabilité dans cet héritage.  Cela se traduit par une opposition des habitants qui n’ont pourtant pas connu la mine en tant que tel, à la destruction des derniers vestiges miniers comme si c’était une tentative d’effacement de la mémoire collective, comme s’il s’agissait d’un attentat perpétré contre l’individu et ce qu’il est.

La mémoire est "à côté d’une histoire écrite", c’est "une histoire vivante qui se perpétue et se renouvelle à travers le temps". Si l’histoire sélectionne de manière scientifique et rationnelle, la mémoire a un rapport émotif à ses souvenirs, la mémoire renvoie à une considération de la quotidienneté de l’histoire, du vécu, du ressenti des témoins. Mais le groupe qui vit d'abord et surtout pour lui-même, vise à perpétuer les sentiments et les images qui forment la substance de sa pensée. Pour les générations de mineurs, la fin de la mine était aussi la fin d’une lignée de mineur, la fin d’un métier qui avait traversé les temps et les générations. La fermeture est un moment particulier pour eux, mais il en deviendra aussi un pour ceux qui arriveront après, malgré eux. Au-delà des personnes possédant des liens familiaux avec d’anciens mineurs, le sentiment de responsabilité dans la réception et la transmission se retrouve parfois chez certains acteurs ayant simplement des liens affectifs avec le monde de la mine.

L’immédiate après-mine a été marquée par la volonté de tourner la page de ce passé qui était devenu douloureux pour ceux et celles qui avaient dû en faire le deuil. La mémoire ne s’est réveillée que plusieurs années après, lorsque des acteurs sont allés la chercher pour la rendre au territoire. Ce processus a été entraîné également par le phénomène générationnel. En effet, les enfants de mineurs étaient bien plus discrets et timides sur le récit de la mine, peut-être parce qu’ils avaient souffert de sa vie, mais aussi de sa mort.

L’enfant est aussi en contact avec ses grands-parents, et par eux c'est jusqu'à un passé plus reculé encore qu'il remonte. Les grands-parents se rapprochent des enfants, peut-être parce que, pour des raisons différentes, les uns et les autres se désintéressent des événements contemporains sur lesquels se fixe l'attention des parents. Ainsi, la génération des petits-enfants, est plus encline à interroger ce passé, et à se réapproprier cette mémoire.

La mémoire collective est un support de liaison entre l’individu et le monde social qu’il occupe. Elle donne des points de repère aux individus, leur permettant de se situer et de trouver une place dans le groupe, et par rapport aux autres. La mémoire collective devient alors un élément cimentant la cohésion du groupe historique.  Le souvenir d’un passé commun est l’élément essentiel à la cohérence et la cohésion d’une entité urbaine comme la ville ou la région.  L’existence d’une mémoire collective est la preuve que l’histoire a marqué collectivement les hommes, et elle donne une légitimité au territoire, qui devient une entité plus ou moins homogène et cohérente.

Les représentations sociales sont ainsi communes à un ensemble d’individus constitués en groupe social, et qui influent sur l’organisation et les visions de ce même groupe et des individus en son sein. Dans cette optique on peut considérer que les représentations agissent sur les phénomènes identitaires, mais qu’à l’inverse elles sont aussi déterminées par eux. Tout un passé d’insécurité et de luttes, en effet, constitue une sorte de capital qui s’est imposé au fil du temps dans la conscience collective, l’âme collective, et sur lequel s’appuieront les mouvements sociaux et actions syndicales. Qu’il s’agisse de grèves, de fusillades ou de catastrophes minières, les représentations collectives qui en sont issues contribueront largement à la formation d’une identité culturelle dont nous avons souligné les richesses.

Tous ces souvenirs de grands événements qui se sont produits dans les bassins miniers ont laissé des traces dans les mémoires et dans les consciences politiques, sous un jour glorieux (résistance des mineurs, acquisition de droits, courage et dévotion dans la lutte, solidarité, mais aussi arrestations, blessés, morts etc...). Plus que les événements, ce sont aussi les hommes qui les ont faits qui ont marqué les esprits, sous un jour glorieux : la figure de tous ces hommes (et ces femmes) victimes de ces luttes sociales et de leur répression.

Au-delà de l’influence du communisme prolétarien, du socialisme libertaire, du catholicisme social ou même de l’anarchisme nihiliste, la construction de la région s’est faite en parallèle de la construction d’une classe ouvrière dont la conscience de classe a laissé une trace. Pour certains mineurs, la transmission de cette histoire sociale est importante d’un point de vue politique, elle doit laisser un enseignement politique aux nouvelles générations.

Voici le témoignage d'Auguste-Marie Poinchard, 87 ans en 2008, ancien mineur, délégué de la FGTB qui nous parle des valeurs du monde de la mine : "On est dans un monde où le travail a une importance énorme. Le problème du chômage met à mal cette croyance. Le patrimoine industriel parle de l'ordinaire du monde du travail, valeur ébranlée aujourd'hui.
Le patrimoine industriel touche donc l'organisation même de notre monde d'aujourd'hui.
Je pense quand même que, pour la jeunesse, pour le futur, pour le futur de la jeunesse d’aujourd’hui, et pour les enfants qu’ils auront, et qui auront eux-mêmes d’autres enfants, je pense quand même qu’il faut un devoir de mémoire.
Ca démontre l’évolution du modernisme.  On est parti de nos simples mains, c’est le cas de le dire, pour arriver à une mécanisation qui est, soi-disant, faite pour améliorer la condition de l’homme, ce qui n’est pas toujours vrai.  Nos gouvernants et tout ce qui s’en suit, ce sont des gens qui sont payés grassement pour promulguer des lois qui, de toute manière favoriseront les plus nantis... et si la masse du peuple a l'impression qu'une loi leur donne un avantage, en creusant un peu, on se rend compte que ce qui est donné de la main gauche est repris de manière cachée par la main droite. Comment disait encore De Funès dans "La Folie des Grandeurs"..."Les pauvres c'est fait pour être très pauvres et les riches très riches".  On en est toujours au même point, c’est le capitalisme qui mène la danse et qui la mène trop souvent à sa guise.
L'héritage culturel du passé minier vise à montrer aux jeunes, au futur, qu’il y a des hommes qui ont vraiment peiné, et puis qu’on a exploités. Parce qu’effectivement c’est la vérité, l’ouvrier il a toujours été exploité, et il l’est toujours exploité, et qui continuera à être exploité…
Parce que moi c’est ce que je dis, si le travail était bien partagé d’abord, bien partagé et payé en conséquence il n’y aurait jamais eu de tragédies.  Rappelez-vous à La Ricamarie près de Saint-Étienne, le 16 juin 1869, l’armée tire sur des manifestants venus avec leurs familles pour réclamer la libération d’autres manifestants faits prisonniers. Cette fusillade aura fait treize morts et neuf blessés. Pourquoi ? 
Alors que chez tous les mineurs il est un lieu commun qui fait sourire mais qui puise ses origines dans une réalité toujours vérifiée : il existerait un "caractère minier"; empreint de cordialité, de simplicité, de sens du travail bien fait et de solidarité avec des valeurs telles que l’accueil, la tolérance, la générosité, pour lesquelles les mineurs sont particulièrement réputés, et l’esprit régional des Pays Noirs sont encore empreints de ces mentalités. En effet, la rudesse des conditions de vie, le travail en équipe, la vie en cités, le danger permanent obligeant les travailleurs à veiller les uns sur les autres, le soutien dans les épreuves (grèves, accidents, deuils etc.), auraient forgé un esprit de solidarité et d’entraide peu comparable à d’autres milieux, et auraient contribué à faire émerger cet esprit de solidarité et de camaraderie, encore vanté aujourd’hui. Ces difficiles conditions de travail et le grand nombre et la gravité des accidents ont donné naissance à cette solidarité, qui s’est organisée grâce aux premières initiatives d’action sociale de la mine, et renforcée par la vie dans les cités, où la proximité confortait la vie communautaire.
La vie était ponctuée de rituels, des douches à la remontée du fond, jusqu’aux loisirs après le travail. Ainsi, la pétanque, le café, la pêche, les cartes, les amicales, le jardinage, les fanfares, les pigeons, les coqs, le football, le cyclisme…, étaient parmi les activités privilégiées des mineurs. Si bien que les houillères avaient parfois elles-mêmes construit des locaux pour accueillir les amicales, des terrains de football ou de pétanque, toujours dans la logique de contrôler leur main-d’œuvre. Au-delà des loisirs, les jardins ouvriers étaient également une activité très importante chez les mineurs, jardins encore entretenus aujourd’hui.
Les pratiques culturelles des mineurs étaient spécifiquement marquées par une vie en communauté, tant au travail qu’à la maison, a fortiori lorsqu’ils habitaient dans les cités.
De nombreux événements permettaient aux familles de mineurs de partager des moments de convivialité, certains faisant partie de la tradition des mineurs.
Parmi les rituels et la tradition, la célébration de la Sainte Barbe était un élément important. Dans ce métier de mineur en permanence exposé au danger, la présence de la sainte patronne semblait protéger et rassurer, particulièrement sous la forme d’une statue présente au fond de la mine et parfois même dans les maisons. Au-delà de la référence quotidienne, elle était fêtée chaque 4 décembre (qui était à l’époque chômé pour les mineurs), où la tradition était de remonter la statue du fond, de procéder à une cérémonie religieuse, et de faire la fête.
Aujourd’hui la tradition se perpétue, et le rituel est toujours le même : la statue de la Sainte Barbe est portée par des anciens mineurs lors d’une procession qui part de l’Église pour y revenir après être passée par tous les quartiers populaires de la ville.
D’autres pratiques collectives ont lieu pour aider les pauvres, les nécessiteux, ou les blessés : kermesses, fêtes de bienfaisance, loteries.  D’autre part, la population d’origine étrangère étant particulièrement importante dans les bassins miniers, la ville et ses habitants ont développé un sens de l’accueil qui leur vaut la réputation d’être des gens ouverts, généreux, et tolérants.  Je voulais dire une chose, après guerre il y a eu une évolution qui s’est faite au niveau des mentalités. Qu’elles soient italiennes, arabes, belges ou françaises, ces populations, ce sont des ouvriers, ce sont des ouvriers exploités comme vous. C’est grâce aux organisations syndicales qu’un peu d’ordre a été mis là-dedans, et ça, il ne faut pas l’oublier parce que c’est important, je crois.  Parce que finalement, à la sortie, hein !, qu’on soit tous blancs ou noirs, au fond de la mine on était tous noirs là-bas au bout d’un certain temps !"

Aujourd’hui encore, cette mémoire du "travail à la fosse" est sensiblement enracinée dans le territoire : en témoignent les nombreuses stèles commémoratives en l’honneur de la corporation minière qui parsèment le Bassin minier.  Éléments à part entière du patrimoine, ces modestes "lieux de mémoire" rappellent au quotidien l’histoire humaine liée à l’exploitation minière.

La mémoire historique se nourrit de la mémoire collective, sans pouvoir toutefois non plus éliminer totalement la mémoire individuelle. Toutefois, la mémoire ne s’entretient pas seule, des opérations mémorielles sont nécessaires à sa perpétuation : la mémoire est une construction sociale contemporaine, qui, pour faire sens, doit être constamment entretenue.  La mémoire individuelle des anciens mineurs et leurs familles doit se parler, se transmettre, et laisser une trace cohabiter avec la mémoire collective. Il y a toujours une grande figure, un lieu emblématique, un événement, qui va permettre de faire jouer, cohabiter, la grande et la petite histoire, et quelquefois passer de l’une à l’autre.  Les enjeux de la mémoire individuelle sont particuliers par rapport à ceux de la mémoire collective. Le témoignage revêt d’une part les enjeux du rapport au présent. Il permet d’échapper un peu à la vieillesse, de retrouver une place sociale aujourd’hui perdue, d’évoquer un passé valorisant, de retrouver aussi une énergie et une force aujourd’hui perdues du fait d’un âge avancé. D’autre part, il est aussi l’occasion d’une reconnaissance envers les autres (pour rendre hommage), et pour soi (pour prouver que cette vie a bien existé, et qu’on a bien appartenu à ce monde, souvent idéalisé et glorifié par ailleurs).  Le témoignage est aussi un lien avec l’environnement, essentiellement la famille. Il permet de laisser une trace, pour s’inscrire dans une filiation, une "histoire sociale commune".

L’immigration a accompagné l’histoire du Bassin minier franco-belge durant ses trois siècles d’activité.  Au fur et à mesure de leur développement, les mines deviennent un puissant aimant démographique et particulièrement après le premier conflit mondial. Ainsi, des hommes et des femmes de 28 nationalités différentes sont venus travailler chez nous : albanais, algérien, allemand, américain, anglais, autrichien, canadien, chinois, danois, espagnol, grec, hollandais, hongrois, iranien, italien, luxembourgeois, marocain, polonais, portugais, roumain, russe, serbe ou yougoslave, sénégalais, somalien, suisse, tchèque ou slovaque, tunisien, turc. Parmi les plus importantes, les immigrations polonaises, italiennes, algériennes et marocaines sont venues, par leurs traditions et leurs cultures, enrichir toute la région.

D’abord initiées par les Compagnies Minières et désormais soutenues par les Municipalités et l’État, les pratiques de loisirs constituent une des plus remarquables permanences de la culture minière.

Esquissés dans la seconde moitié du XIXe siècle, les contours de la culture minière accordent aux loisirs une place singulière.  L'émergence progressive d'un temps "à soi", d'un "temps libéré" distinct de l'activité salariée apparaît autant comme une conquête, fruit de luttes et de revendications sociales, que comme un espace de réalisation personnelle et collective, ayant pour effet de renforcer l'identité minière, dans ses déclinaisons individuelles et collectives. Dans le bassin minier du Nord – Pas-de-Calais, cet avènement des loisirs se caractérise par sa diversité, et l'intégration progressive des activités qui le caractérisent (sports, vacances collectives, loisirs ordinaires) dans une temporalité et des espaces particuliers (stades, gymnases, arrière-salles des estaminets, univers domestique du mineur, etc.). En tous points enchâssés dans cette culture de masse dont les formes se figent au cours du premier quart du XXème siècle, ces activités de loisirs n'en affichent pas moins quelques traits saillants : un mode d'organisation pour partie déterminé par les Compagnies des mines puis les Houillères nationales, une vitalité et densité associative, de forts liens de sociabilité intra-communautaires ou qui au contraire distinguent les groupes, les catégories, les nationalités (polonais, italiens, notamment).

L'histoire du territoire que recouvrait le Nord-Pas-de-Calais fut longtemps commune avec l'histoire de la Belgique, celle d'une terre qui "pendant près de mille ans servit de champ de bataille à toute l'Europe" et fut disputée depuis la Guerre des Gaules; à l'époque des invasions barbares, les Francs saliens s'y établirent, et elle fut le berceau de la dynastie mérovingienne.

À partir du IXème siècle, la région, divisée par la frontière de l'Escaut, connut l'émergence de plusieurs principautés, dont les comtés de Flandre, de Hainaut et d'Artois. Cette époque, confuse d'un point de vue politique, est celle où les villes gagnèrent une grande indépendance, et une prospérité économique et culturelle qui vit son apogée au XVème siècle dans les Pays-Bas bourguignons. Après les longs conflits franco-espagnols du XVIème siècle, la région fut annexée à la France, lors des guerres de conquête de Louis XIV.

Lors de la révolution industrielle du XIXème siècle, le Nord, puis le Pas-de-Calais, connurent un développement économique et un essor démographique sans précédent qui en fit la "première usine de France", et un haut lieu des luttes du mouvement ouvrier.

Au XXème siècle, la région fut durement touchée lors des deux guerres mondiales : elle fut au cœur des combats pendant le conflit de 14-18.

Plusieurs facteurs tendent à favoriser le développement économique de la région au début du XIXème siècle et à la faire entrer en priorité dans l'ère de la évolution industrielle. Le blocus continental imposé par Napoléon contre le Royaume-Uni pendant son règne, tout d'abord, conduit les Nordistes à produire des biens qu'ils se procuraient auparavant à l'étranger. C'est ainsi que naît par exemple l'industrie sucrière ou que sont introduites des machines à vapeur britanniques dans les filatures pour accélérer le rendement. Mais ce blocus induit également des problèmes au niveau des financements et des débouchés.

Le centre de la région (de Hazebrouck à Valenciennes) se révéla extrêmement riche en charbon, alors l'une des principales sources d'énergie avec le bois, mais il était en concurrence avec les mines du Borinage, faisant alors partie de l'Empire autrichien. C'est après l'apparition de la Belgique en 1830, que le protectionnisme de la Restauration favorise l'essor rapide de l'exploitation du bassin houiller.

Le développement des mines, associé à la propagation du chemin de fer, font qu'une grande partie des villes et des campagnes du département se sont transformées par l'effet de l'industrialisation galopante, de l'explosion démographique, du développement de la classe ouvrière…

On le voit, les traditions du Nord - Pas-de-Calais, et de la Wallonie sont intimement liées et sont issues d'un terreau mêlant histoire régionale, Histoire de l'Europe, traditions ouvrières, fêtes patronales et religion, mélanges socioculturel et paternalisme patronal.

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Les chorales, harmonies et fanfares

La pratique musicale fut particulièrement encouragée. Les plus anciennes fanfares furent créées à l'époque de l'industrialisation. En effet, dès 1860, la majorité des Compagnies minières possède plusieurs sociétés musicales. Dans un soucis d'encadrer au maximum les travailleurs même dans leurs loisirs, elles paient tous les frais, que ce soit les uniformes ou les instruments. Et, pour parfaire les partitions, il n'était pas rare que des patrons créent des écoles de musique. Ces sociétés se répartissent principalement en trois groupes : l’harmonie, la batterie-fanfare et la fanfare. La région détient un record : celui du plus grand nombre de fanfares, batteries-fanfares et harmonies ! La fédération régionale des sociétés musicales, crée en 1903, recense toutes les informations sur près de 800 sociétés musicales, 43 000 musiciens et plus de 12 000 élèves dans la région Nord-Pas de Calais.

Ces sociétés musicales sont de toutes les fêtes et manifestations. Très attachés à leur société musicale, les musiciens amateurs perpétuent l'idéal de ces formations : "Musique du peuple, interprétée par le peuple".

Cette musique du peuple rythme toujours les cortèges des carnavaleux : à l'échelle d'un quartier ou d'une métropole ! Elles ont accompagné les cérémonies, manifestations officielles et fêtes de tout genre. L'activité orphéonique a été et reste très vivante dans la région. Des milliers de musiciens amateurs se rencontrent régulièrement, pour s'entraîner bien sûr, pour se confronter aussi et surtout pour le bonheur des habitants ! Les fanfares, batteries-fanfares et harmonies continuent d'accompagner cérémonies, remises de décorations, fêtes, carnavals et sorties de géants; car chez les Ch'tis, la musique c'est une passion populaire. Ainsi, le 4 décembre de chaque année, lors de la fête de la Sainte Barbe, patronne des mineurs, les harmonies jouent de la musique et les Compagnies organisent un banquet.

Cette activité ne s’est pas éteinte avec la fermeture des puits et les harmonies, fanfares et batteries-fanfares sont aujourd’hui un facteur culturel important du bassin minier. Avec le soutien des municipalités, les sociétés musicales se renouvèlent en formant des jeunes via les écoles de musiques et en élargissant leur répertoire. Ces formations musicales de mineurs étaient présentes dans chaque fosse dont elles deviennent souvent la vitrine lors de grandes compétitions.

Fanfare La Prolétarienne d'Hénin Liétard vers 1945.

Fanfare de Bruay en 1953.

Harmonie des mineurs de Wingles en 1938.

Harmonie des mines de Lens vers la fin des années 1950.

la Chorale des petits chanteurs d'Artois à Libercourt a été créée par Monsieur Hardy qui en devint le directeur. Passionné par le chant, c'était pour lui une évidence de profiter de toutes les opportunités que lui offrait la région pour créer quelque chose dont les possibilités vocales étaient les plus larges possibles. C'est pourquoi il a mélangé filles et garçons, mais aussi jeunes Français et Polonais.

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Les Géants

La Belgique et le Nord de la France sont les terres traditionnelles de prédilection des géants portés comme le montre la carte ci-dessous.

Les premiers géants sont nés à l'époque où la région faisait partie des Pays-Bas espagnols.  Ils dansent et défilent dans les rues au cours des fêtes et processions religieuses, mais les déviances profanes de certains géants ne sont pas du goût de l’Église. Ceux-là sont proscrits des processions religieuses, et défilent dans les cortèges et dansent dans les rues les jours de carnavals, braderies, kermesses, ducasses et autres fêtes païennes. La Révolution tente également de faire disparaître la tradition des géants, car elle est perçue comme une survivance de l’Ancien Régime, qui véhiculerait des valeurs contraires aux principes révolutionnaires.

Malgré ces conjonctures peu favorables, les géants, en tant que symboles de l’identité des villes, s’adaptent aux changements de régimes politiques comme à l’évolution de la vie religieuse : Gayant portera successivement le blason de Charles Quint, puis le soleil de Louis XIV , avant d’arborer les armes de la ville.

La "famille" Gayant.

Le XIXème siècle est celui de la renaissance du géant; la pensée romantique, à la recherche des origines de l’homme et de la société, offre un terreau favorable à la renaissance des traditions anciennes, donc à celle du géant.

Dans le folklore du Nord de la France et de la Belgique, le géant est considéré comme le fondateur et le protecteur des villes. Il représente un personnage populaire ou une figure locale, un guerrier, un métier symbolisé ou le fruit d'une légende.  Ce sont alors des mannequins gigantesques hérités de rites médiévaux. La tradition veut qu’ils soient portés. Ils sont, en général, inspirés de la mythologie grecque, romaine, de l’Ancien et du Nouveau Testament, ou de Chanson de geste. Le plus ancien répertorié est né à Douai en 1530 et il voit son rôle s’accroître à mesure que ses sorties et ses danses prennent de l’importance, notamment avec la révolution industrielle et l’augmentation de la population.

Créé par un groupe de personnes qui partagent des valeurs communes, le géant est un symbole majeur de l’identité collective. Porté par une ou plusieurs personnes, il se déplace seul, en couple, ou en famille, lors de son jour de fête. En effet, chaque géant possède son jour de sortie : le porteur lui donne alors vie, le fait danser, embrasser une géante, saluer la foule… Ils apparaissent souvent lors de cortèges ou parades accompagnés de la fanfare locale. L'orchestre joue des marches de carnavals, de ducasses ou des airs et des chansons qui leur sont dédiés.  Chaque géant a son histoire, les géants naissent, sont baptisés, se marient et ont des enfants comme les hommes. Le géant, en tant que représentant des habitants du lieu où il vit, est enraciné dans la tradition et fait partie de la culture populaire.

La physionomie et sa taille des géants sont variables, et leurs appellations varient selon les régions. En flamand, le géant est connu sous le nom de "Reuze" et sous le nom de "Gayant" en picard ch'ti.

De nombreuses villes ont leur géant, tant en France avec Reuze Papa et Reuze Maman à Cassel, Martin et Martine à Cambrai, Roland d'Hazebrouck, Messire de Comines à Comines qu'en Belgique, avec Jan Turpin de Nieuport et les nombreux géants de la ducasse d'Ath.

Les sorties des géants ont été arrêtées lors des deux guerres mondiales, mais la tradition reprend à la fin du XXème siècle. Certaines villes créent alors de nouveaux géants, comme Cafougnette en 1948 à Denain; d'autres villes ressuscitent leurs géants disparus, comme Steenvoorde avec la Belle Hélène, une géante qui a vu le jour en 1853 et fut recréée en 1980.

Les géants du Nord de la France ? On en dénombre quelque 560 qui sont implantés aux quatre coins de la région. On en trouve également dans les départements de l'Aisne, de l'Oise et de la Somme. Cependant, la tradition des géants portés disparait, et de plus en plus de géants sont sur des chars ou roues et ils ne peuvent plus vraiment danser.

Pour lutter contre la disparition des géants portés des associations (Les Amis de Fromulus à Steenvoorde par exemple) tentent de préserver la tradition. Dans la commune de Pertain dans la Somme), un nouveau géant est né en septembre 2015.

Odette m'lampiste, née le 24 juin 2010 à Evin Malmaison, 3,90mètres de haut pour un poids de 40 kgs.
Merci à Mr Moutier pour la photo.

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Le jardinage

Avant la fabuleuse épopée minière de notre région, les mineurs reconvertis étaient tous d'origine paysanne. Les campagnes françaises se vident de leur main d'œuvre au profit des centres industriels qui voient le jour et en Belgique, ce sont des cohortes de paysans flamands qui viennent travailler dans les mines et les usines de Wallonie. D'où ce culte ancestral consacré à l'amour de la terre.

Parmi ces pratiques ludiques soutenues par les houillères, se trouve le jardinage.

Ces mêmes compagnies agrémentèrent l'esthétique de ces cités minières sombres, en plantant des haies de troènes qui délimitaient les jardins, des passages de terre battue officiant de rues à l'époque.

Un démenti supplémentaire, est ici évident ,à tous ceux qui ont vu et qui persistent à voir dans notre région que le noir pays, dont nous avons trop souffert de par sa réputation... Du temps de l’exploitation minière, le jardin apportait non seulement une valeur ajoutée à la qualité paysagère des cités mais aussi un atout en nature pour le mineur qui cultive son potager.

Les gardes de compagnie, veillaient et contrôlaient de façon sévère et très stricte, à ce que chaque jardin de mineur soit correctement entretenu et cultivé, au même titre que le bon entretien des habitations des familles de mineur. Des sanctions financières étaient même prévues pour les mineurs n’entretenant pas leur jardin correctement.

Cependant, le rapport à la terre et à la nature, perçu comme des espaces de liberté, est de tous temps très présent parmi les mineurs. C’est encore aujourd’hui une réalité parmi les anciens mineurs et les propriétaires de jardins des cités minières.

Les mineurs ont toujours aimé avec passion leur jardin, toujours entretenu avec des soins particuliers et méticuleux, une véritable passion, voire une vocation.

Si la pratique du jardinage est une activité promue par les Compagnies Minières afin de donner une "note colorée" au Pays Noir tout en offrant aux mineurs un "loisir hygiénique", Ce n’est ici qu’une propagande pour donner un bel aspect aux corons miséreux. Ce "loisir obligatoire" permettait d’occuper le temps de repos et de loisirs des mineurs et d’éviter les revendications salariales. Il faut bien se rendre compte qu'un mineur qui a travaillé comme un forçat 12, 10 ou 8 heures au fond dans un environnement hostile, dans une chaleur torride, dans un endroit mal aéré, dans des chantiers chargés de poussières… a franchement autre chose à faire que de se fatiguer encore plus par un travail au jardin pour faire pousser quelques fleurs… pourtant ils le font car outre la pression de la Compagnie relayée par les gardes des cités minières, la production de légumes du potager est un besoin.  En effet, les salaires de misère payés par les compagnies ne permettent pas aux mineurs de subvenir aux besoins primaires de la famille.  Si les protéines de la viande ne sont pas toujours présentes sur la table de la famille, un apport de légumes frais du jardin et donc de vitamines n’est pas négligeable.  Dans le chef des mineurs, c’est donc bien une nécessité économique plutôt qu’une volonté de décoration de la cité minière.

Corons et jardin.

Pour la plupart, il s'agissait de l'une des seules sources d'évasion qui leur était permises, tout en permettant d'apporter à leur famille un profit économique non négligeable en termes de récolte de fruits et légumes.

Bien des années plus tard, ce coin de terre est un lieu de détente entretenu avec beaucoup de soin.

Les mineurs et leurs épouses étaient aussi de grands amateurs de fleurs, à tel point, que parterres et façades fleuris rivalisaient de couleur et d'originalité enviées par chacun d'entre eux.

La vocation de ces mineurs jardiniers fut telle, que des concours de jardins ouvriers sont organisés chaque année par les sociétés spécialisées.

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La colombophilie

Les Compagnies Minières ont fortement encouragé la pratique de la colombophilie, en acceptant la réalisation de pigeonniers que les mineurs avaient pris l’habitude de construire de leurs propres mains.

Au retour de la mine, il est des mineurs, passionnés colombophiles, qui, avant même de se laver, avant même d'embrasser femme et enfant, se précipitent au pigeonnier pour rendre visite à leurs protégés, voir si tout va bien, s'ils sont tous là, si les femelles couvent bien leurs oeufs, si des pigeonneaux sont nés...

A partir de la seconde moitié du 19ème siècle, la colombophilie est très clairement promue par l’industrie minière parmi les sports et les loisirs des ouvriers. Cette activité offrait aux mineurs adeptes de cette pratique, les "coulonneux", comme on disait, un moyen de détente appréciable après avoir passé de nombreuses heures au fond. La plupart des pigeonniers a aujourd’hui fait peau neuve et la colombophilie demeure encore particulièrement forte dans le Bassin minier.

Un père de famille montre, visiblement très fier, un pigeon à ses enfants. Peut-être est-ce un nouveau venu ou le vainqueur d'une course...

Je me rappelle de ce qu'on racontait à propos de mon arrière grand-père lors des réunions de famille...
Pierre-Joseph Van Impe, né en 1872, mineur de son état et grand colombophile devant l'Eternel.

Un colombophile (appelé "coulonneux" dans le Nord de la France et "pidgeoniste" en Belgique, dans la région de Charleroi) posté dans son grenier et qui guette le retour de ses pigeons...

Il élevait des pigeons, croisait les races, sélectionnait les plus rapides et inscrivait ses meilleurs spécimens aux courses de pigeons. Il fallait les "enloger" (les inscrire avec carte d'identité et bague numérotée et les déposer dans une cage spéciale) puis on les transportait jusqu'au lieu du lâcher. Au jour et à l'heure dite, tous les pigeons inscrits à la course sont libérés en même temps. Ils revenaient aussi vite que possible à leur pigeonnier et là, le colombophile récupèrait la bague de l'animal qu'il insérait dans un étui (le constatateur) qui attestera de l'heure d'arrivée. Le premier arrivé est évidemment le vainqueur. L'idée est donc de parier sur son pigeon... et s'il est premier, on rafle la cagnotte.

Un constatateur avec son horloge intégrée et son étui pour y glisser la bague.

Toutes les astuces étaient évidemment bonnes pour pour que son pigeon arrive le premier :
Lui donner des graines de chanvre dans son mélange pour pigeons, ce qui va exciter sa libido et le séparer de sa femelle pendant les quelques jours qui précèdent la course.  Lorsqu'on va le libérer loin de son pigeonnier, il va tout mettre en œuvre pour revenir le plus vite possible auprès de sa belle...

Les pidgeonistes (en wallon) pouvaient enloger leurs protégés sur des courses de petite distance (Beauvais, Saint Quentin...), de moyenne distance (Poitiers, Dijon...) ou de longue distance (Perpignan, Dax, Valence...Barcelone).
J'entends encore le bulletin de renseignements colombophiles de radio Lille. "Beauvais, brumeux, ciel bas, visibilité moyenne, 15 degrés, calme, convoyeurs attendent. Dax, temps clair, peu nuageux, soleil, bonne visibilité, 20 degrés, calme, lâchers à partir de 8h00."

Trois colombophiles dans les années 1950 qui présentent leurs champions. Les mineurs vouaient une véritable passion pour ces petites bêtes. Ils les soignaient, les chouchoutaient et les entrainaient comme de véritables athlètes... à tel point que certaines femmes étaient jalouses de l'attention que les hommes portaient à leurs pigeons.

Et cette anecdote qui fit le tour du Pays de Charleroi...
Nous sommes au printemps 1945.  Les Américains nous ont libérés de l'emprise nazie et les armées allemandes ont perdu la bataille des Ardennes.  Les jours du IIIème Reich sont comptés.  Au retour de promenade, Pierre-Joseph, âgé de 73 ans, pensionné mineur depuis quelques années, va jeter un coup d'œil à son pigeonnier.  Et là, il voit un pigeon bleu qu'il ne connaît pas en train de roucouler et de faire la cour à une de ses pigeonnes. 
- "Mais qui c'est ce petit nouveau ?" 

Cela arrive souvent.  Il y a de nombreux pigeonniers dans la région.  Les oiseaux sortent, rentrent, vont à leur guise... mais rentrent toujours dans leur propre pigeonnier pour la nuit...  parfois, certains se perdent, sont attirés par un congénère et se retrouvent là où ils ne doivent pas être. 

Heureusement les pigeons sont bagués et portent un numéro d'identification qui permet de retrouver son propriétaire.  Mon arrière grand-père attrape l'animal délicatement, et se rend chez Noël Herregots, président le la Société Colombophile de Ransart pour compulser le ficher d'identification des pigeons, connaître le propriétaire de l'animal et le lui ramener ... mais cette bague est bizarre... outre le numéro inconnu, elle porte un petit étui en aluminium scellé.  Il n'est pas compliqué de comprendre que ce volatile est un pigeon-messager... mais pour qui ?  Le numéro indique au président que c'est un pigeon américain.

Un coup de téléphone au QG des forces armées alliées de Charleroi et deux jeunes GI's en Jeep viennent pour récupérer l'animal. Il est évident aux yeux du vieil homme que ces deux gamins sont incapables de s'occuper correctement d'un pigeon : ils pourraient lui faire mal ou pire, le blesser. Il décide donc de les accompagner jusque Charleroi. Un peu vexés, les deux cow-boys vont emmener le mineur dans leur Jeep Willis bringuebalante et ne vont pas manquer de le secouer histoire de s'amuser un peu.

Arrivé au QG, c'est un lieutenant parlant français qui l'accueille et qui veut prendre le pigeon. Question du vieil homme :
- "Vous avez beaucoup de pigeons ?
- Je n'ai pas de pigeon !
- Vous n'avez pas de pigeon ? Vous n'avez pas de pigeonnier alors !
- Non !
- Alors je ne donne pas l'animal à un freluquet qui ne saura pas s'en occuper ! Allez me chercher votre supérieur !"

Décontenancé, le lieutenant va chercher le colonel qui veut à son tour récupérer le pigeon mais qui, lui, non plus ne connaît rien à la colombophilie. Pierre-Joseph reste sur ses positions et ne confiera l'animal qu'à une personne qui sait soigner les pigeons... mais le colonel veut son message... et le ton monte... il n'en faudrait pas plus pour qu'on enferme ou qu'on fusille le vieil homme...

"Veuillez me donner le pigeon et le message !
- Vous n'êtes pas colombophile, vous ne savez pas vous occuper d'un pigeon. En retirant la bague, vous risquez de blesser le pigeon.
- Ce n'est pas grave, ce n'est qu'un pigeon. L'important c'est le message ! (chose qu'il ne fallait pas dire à un colombophile...)
- M'en fout de votre message, ce qui est important, c'est le bien-être de l'animal ! Si vous le voulez, je vous le donne, votre message !
- Non ! C'est un pigeon américain avec un message américain... c'est un américain qui s'en chargera !

C'est l'impasse et le colonel hésite à employer la force avec le vieil homme au demeurant sympathique, borné, têtu mais sympathique. C'est l'aumônier, entendant la discussion qui va faire mander un soldat du 12ème groupe de la 1ère armée, originaire d'un petit village au sud de Denver qui élève des pigeons dans sa ferme. Une conversation s'engage entre le vieux mineur et le soldat, sous la traduction du lieutenant. Cela devient surréaliste !

Le message est récupéré... ce qu'il contient ? "Secret-défense"... et après tout, on s'en fout...
Toujours est-il que ne sachant que faire du pigeon, le colonel l'a offert au vieil homme qui est revenu tout fier avec son "américain".
Mon arrière grand-père a eu le nez de le mettre en couple avec ses meilleures femelles et les fils de l'américain ont gagné de nombreuses courses, si bien qu'on est venu de loin pour acheter et "adopter" des "bleus américains".

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Le javelot et les javeloteux

Le javelot est un jeu traditionnel spécifique au Nord de la France et une discipline sportive reconnue en France (au même titre que la pétanque à Marseille ou la pelote basque à Bayonne), par le ministère de la Jeunesse et des Sports depuis 1984. Il se joue essentiellement dans le Nord de la France, en Belgique et en Hongrie. En France, cette pratique est maintenant inscrite à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français depuis 2012/span>

Sport d’Athlétisme, le lancer de javelot était déjà pratiqué en Crète durant la période minoenne (de 2700 à 1200 av.J.C.).
Mais il ne faut pas le confondre le Javelot Tir Sur Cible avec le javelot de l'athlétisme.
Des écrits font état des prémices de ce jeu en Champagne et au XIIème siècle. Historiquement, après les Ducs de Bourgogne, la Flandre et le Nord de la France sont espagnols. Certains historiens pensent que le javelot tir sur cible dériverait du lancer de couteau, discipline dans laquelle excellaient les occupants espagnols. Les Flamands ont certainement voulu adopter un jeu d'habileté à leur goût et à leur portée qui serait un mélange entre la lance (= sagaie, javeline, haste, pilum ou javelot) dont le javelot n'en a pourtant gardé que la pointe, et la flèche, dont il a emprunté et amplifié l'empennage pour assurer un bon équilibre dans l'air.

Un javelot est une sorte de très grosse fléchette composée de 2 éléments, une pointe en métal de 6 à 10 cm de long, d'un poids libre (entre 250 et 400g en général), et un empennage en plumes naturelles teintées qui assure son équilibre aérostatique. Il existe aujourd’hui deux fournisseurs français de javelots : la famille Delalin qui fabrique des javelots depuis 1955. Le second fournisseur se trouve près de Lens.

Un morceau de tronc d'arbre en peuplier de 40 cm de côté minimum servait de cible. A défaut de tronc on se servait du seigle, il suffisait de serrer cette paille entre des chevrons de bois. Le centre de la cible se situe à 85 cm du sol et les cibles sont espacées entre elles de 2m50. Les pistes de jeu sont séparées par des barrières métalliques. Le javelot tir sur cible se pratique en intérieur, dans un gymnase aménagé pour l’occasion ou en extérieur (dans un pré).

La cible est composée de deux cercles concentriques délimités par des bagues d’acier : un rouge à l’extérieur et un rond blanc au centre, légèrement creusé. Le cercle rouge mesure 21 cm de diamètre et rapporte 1 point quand un javelot s’y plante, le rond blanc au centre mesure 6 cm de diamètre et rapporte 2 points.

Le joueur se place sur un "plancher" fabriqué de lattes brutes de 5 cm d’épaisseur et de 1 m de long, assemblées entre elles sur 2 m. Le bord du plancher est placé à 8 m de la cible Le lanceur tient le javelot paume en l’air. Il se positionne sur le plancher, pieds joints. Il jauge la cible, écarte légèrement les jambes, en ramène une derrière lui (ou avance un pied selon sa technique), il fléchit, balance la main qui tient le javelot derrière lui et remonte le bras rapidement à la verticale pour le lâcher lorsqu’il arrive a peu près à la hauteur de son épaule. Le mouvement de lancer est donc un mouvement qui va de bas en haut. Le javelot monte ainsi en cloche pour redescendre dans la cible.

Le javelot devient alors un moyen d'émulation, d'échange, de rencontres et, par-là même un spectacle qui eut ses heures de gloire à la fin du XIXème, début du XXème siècle dans le Nord de la France.

Ce jeu est pratiqué en majorité dans le Nord (59), le Pas-de-Calais (62), dans la Somme (80), l’Aisne (02) et l’Oise  (60), mais aussi dans quelques clubs en Moselle (57), en région parisienne, dans le Gard (30) et à la Réunion (974) mais aussi pratiqué en Belgique.

C’est un jeu d'adresse qui demande beaucoup de concentration, de calme et un contrôle total du geste au moment du lancer, il est donc parfaitement adapté à un public jeune et / ou féminin.  A cette "Belle Epoque", c'est dans les arrières salles ou dans les cours des estaminets, principaux lieux de rencontre à l'époque, que les mineurs et les ouvriers pratiquent le javelot et en font une activité d’une grande convivialité.  Après une bonne journée de travail, les gens se retrouvaient le soir, pour discuter, jouer ensemble et passer un bon moment oubliant ainsi les soucis de la journée terminée.  Après la seconde guerre mondiale, des associations se créent, puis des regroupements commencent à se former : Entente Minière dans le Bruaysis, Union Sportive du Javelot dans l'Arrageois.  Dans les années 1970, le javelot sort progressivement des arrières cours de cafés pour conquérir un plus large public, et en particulier celui des jeunes et des femmes.  Des salles communales ("javelodromes") sont alors mises à la disposition des associations par les municipalités, permettant en outre de jouer en toute saison. Ce jeu traditionnel envisage dès cette époque de devenir un sport à part entière.  Il lui faudra pourtant attendre 1983, après avoir réalisé la plus large union possible des clubs du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, pour voir naître la Fédération Française de Javelot Tir Sur Cible (FFJTSC) et la Ligue Nord-Pas-de-Calais de Javelot T.S.C. L'agrément ministériel de la fédération est obtenu le 16 janvier 1984. Le javelot entre dès lors dans les salles de sport pour ses compétitions officielles.

P.S. Merci à Philippe Plouvier pour les photos.

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Le sport

Dans leur esprit paternaliste, les Compagnies désirent offrir à leurs ouvriers les loisirs sains qui les font sortir au grand air et qui les oxygènent au maximum. Dans cette optique, elles favorisent, dès la fin du XIXème siècle, le développement de l’activité sportive car le sport nécessite des aptitudes physiques et une hygiène de vie saine appréciables pour qui veut disposer de bons ouvriers. En construisant des stades et en dotant les équipes (par fosse) de tenues aux blasons des Compagnies, de très nombreux clubs d’athlétisme sont ainsi créés d’où émergent des sportifs qui connaissent une carrière internationale. La boxe fait également partie des sports encouragés, au même titre que le cyclisme. Quant au football, il connaît une adhésion totale et un lien très fort avec la mine. De nombreuses associations sportives actuelles du Bassin minier trouvent leur origine dans cette culture sportive d’entreprise.

Le football

A l'ombre des terrils, il y avait un club sportif corporatif des houillères qui jouait dans le stade des houillères.

En 2008, j'ai pu rencontrer Mr. Gervais Martel, président du Racing Club de Lens.  Au cours de la conversation que nous avons eue, il a pu me donner des informations concrètes sur l'implication des houillères dans la création et la gestion du club.

Les premières évocations de football dans la commune de Lens datent de 1905 au moment où le football-association se diffuse au sein des élites bourgeoises au Nord de la France.
Le patron du café "Chez Douterlinghe" a l'idée de fonder un club après avoir assisté à plusieurs rencontres de lycéens disputées sur la place Verte de la ville. Le premier comité directeur du club est élu au début de l'année 1906 et le nom retenu pour la formation est le Racing Club Lensois, en référence au prestigieux Racing Club de France.
Pour pouvoir disputer une compétition officielle de la Ligue d'Artois, le club dépose ses statuts à la sous-préfecture de Béthune le 18 octobre 1907.
Le club dispute le championnat de la Ligue d’Artois en 1907-1908 et évolue pour cela sur une pâture puis un terrain que met à disposition la Compagnie des mines de Lens.
Le Racing Club de Lens (RCL) est d'abord un club amateur, disputant les championnats régionaux USFSA (Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques) avant 1914.
Durant la période qui précède la première guerre mondiale, messieurs Van den Weghe, Lotin et Douterlinghe sont les présidents successifs du club.
En 1922, le club compte alors sa première recrue étrangère, l'Italien Nanni suivi d’ouvriers polonais immigrés venus pour travailler à la mine.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, son développement s'inscrit dans le processus de démocratisation du football. Vainqueur du Championnat d'Artois en 1926, l'équipe première du club intègre la Division d'honneur de la Ligue et suscite rapidement l'intérêt des dirigeants de la Compagnie des mines de Lens, qui voient dans le football un moyen de promotion de l'entreprise et de contrôle social efficace. Elle fait construire sous l'initiative de Félix Bollaert, son président, un stade conforme à ces ambitions. En 1934, Louis Brossard, ingénieur de la Compagnie et président du club, donne le statut professionnel avec un budget conséquent injecté par la Compagnie minière qui permet de recruter à l'extérieur des joueurs comme Georges Beaucourt (transféré de Lille pour 150 000 francs, une somme énorme à l'époque), l'autrichien Anton Marek, ou le hongrois Ladislas Schmidt (Siklo).
Après la seconde guerre mondiale, les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC) nationalisées reprennent le club. Si les joueurs sont majoritairement des mineurs, l'adhésion des ouvriers au club de supporters était limitée à cause de l'origine du club (bourgeois et patronal), ce sont les dirigeants communistes, sous l'impulsion du maire de Lens Auguste Lecœur, et de la CGT, qui vont faire du RCL un enjeu identitaire. Dans le contexte de la "bataille du charbon" et de la construction du mineur-héros, l'identité de classe est sollicitée autant pour supporter le club que pour mobiliser les militants. On peut effectivement alors parler de "Racing-club minier" qui dépasse les "chauvinismes" locaux. Après les grèves de 1948 et le départ des communistes et syndicalistes CGT des postes ministériels et d'administrateurs des Charbonnages, les Houillères reprennent en main le club en en faisant "un outil de pacification sociale et de contrôle social" tout en restaurant l'autorité des cadres. Elles favorisent alors le recrutement de joueurs locaux, d'origine polonaise, et travaillant à la mine, notamment Maryan Winiewski, Théo Szkludlaski, Stephan Ziemczak, Arnold Sowinski, poursuivant ainsi la politique d'identification et d'adhésion des ouvriers. Parallèlement, est créé le statut du "footballeur-mineur" qui permet de cumuler un emploi aux Houillères et un contrat de joueur professionnel.
C'est à partir de la saison 1955-1956 qu'apparaît le blason avec sur fond noir, une lampe de mineur jaune lançant des rayons rouge, symbolisant ainsi le RCL comme le club des mineurs. Il sera modifié en 1968, toujours avec la lampe sur fond sang et or, puis la lampe ira s'intégrer en 1979 aux tours du blason de la ville de Lens.

Soutenue par l'action énergique de Maurice Herzog, Haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports (1958-1963), la démocratisation des pratiques sportives dans les années soixante n'empêche pas le football-association de continuer à régner en maître en pays minier. Son ancrage demeure dans le Nord – Pas-de-Calais où le contrôle des principaux clubs amateurs puis professionnels par les Compagnies des mines puis les Houillères nationales du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC) reste puissant.
Dans les années soixante, le "paternalisme sportif" mis en place dans l'entre-deux-guerres s'étend désormais aux écoles élémentaires des villes du Bassin minier, avec la création des "écoles de football". Légitimées par les autorités académiques locales, elles s'inscrivent d'ailleurs dans un processus de sportivisation des contenus des leçons d'éducation physique, que l'on peut observer à la lecture des programmes officiels. Aiguillés par les compétitions organisées par l'USEP (Union Sportive de l'Enseignement du Premier Degré, fondée en 1939), cette introduction du sport dans les écoles élémentaires permet au club de football pour adultes d'avoir ses futurs adhérents, comme c'est le cas également du célèbre Racing Club de Lens (RCL).
Ainsi, dès l'école élémentaire, la fréquentation des "écoles de football" laisse espérer aux plus jeunes une future carrière professionnelle, tandis que des installations modernes et adaptées offrent aux adultes licenciés dans les clubs amateurs des conditions de pratique idéales.

Activité compensatrice, récréative, mais qui se décline également dans une dimension compétitive (la densité de la trame urbaine en pays minier favorise la multiplication des "derbys" et accroît les rivalités de clocher entre clubs), le football constitue pour le mineur une forme "d'habitus sportif" aux formes multiples : soit parce qu'il le pratique, soit parce qu'il assiste aux rencontres du dimanche après-midi, soit parce qu'il appartient à l'un des nombreuses sections de supporters officiels du Racing Club de Lens. Au point que le football paraisse comme l'un des traits insécables de la culture minière.

Un dimanche après-midi, des mineurs s'entraînent au football. Michel Drucker interroge Monsieur Dufresne, mineur de fond, qu'il avait rencontré la veille sur le carreau de mine et avait suivi au fond jusque sur son lieu de travail. Ainsi la plupart des joueurs qui sont sur le stade à Avion ce jour-là sont mineurs et le reporter qui les avait vus la veille au fond, a bien du mal à les reconnaître comme ça.  Ce ne sont plus les mêmes hommes. Le contexte est bien différent. Descendus au fond à 05h du matin, ils sont remontés à midi et demi, ils se sont un peu reposé et à 14 heures les voila sur le terrain. Il y a là des mineurs de fond, des ouvriers de jour et des manutentionnaires du lavoir. Le reporter sportif estime que c’est assez phénoménal de voir des gens qui se lèvent alors qu’il fait encore nuit, qu’ils travaillent péniblement 8 à 9 heures au fond, qui remontent en fin de matinée et qui jouent au football l’après midi. Ça, c’est une performance quand même ! Mais Monsieur Dufresne explique que c’est une performance certaine, mais qui est faite à la fois de courage et puis d’amour pour ce qu’ils font : amour pour le sport et amour pour le métier.

Le temps du sport de masse
Si certaines activités ludiques semblent quelque peu s'effacer du paysage minier dans les années soixante, d'autres formes de pratiques connaissent un essor remarquable : la massification des sports, et notamment des sports collectifs, s'inscrit tout naturellement dans la seconde vague de démocratisation des pratiques sportives qui caractérise la France des Sixties. Dans le Nord – Pas-de-Calais, elle est aussi la marque d'un « paternalisme sportif » singulier, né dès l'entre-deux-guerres, et que les Houillères du Bassin du Nord Pas-de-Calais reprennent à leur compte. L'encadrement des mineurs et le contrôle de la population juvénile (masculine et féminine), sur fond de préoccupations hygiénistes et éducatives, étant des priorités affichées : pratiqués à l'école et au sein de clubs bénéficiant du soutien financier des Houillères et des municipalités (notamment en terme d'équipements et d'installations), sports collectifs et individuels saturent l'espace récréatif : handball à Billy-Montigny, basket-ball à Vendin-le-Vieil, gymnastique à Harnes ou encore natation à Valenciennes.

Le football, une culture populaire...
Primus inter pares... au sein du système des sports fédéral, le football mérite que l'on s'y arrête quelque peu, les compagnies des mines ayant très tôt perçu tout l'intérêt d'un contrôle efficient de sa pratique et des formes de spectacle sportif qu'il autorise dès les années vingt. A l'image de l'US Bully, la plupart des clubs de football amateur sont d'abord l'expression d'une volonté patronale d'offrir un « loisir sain et fédérateur » aux populations locales.

Français et immigrés sont intimement liés à ce système. Raymond Kopa né Kopaszewski le 13 Octobre 1931 à Noeux-les-Mines ne fait pas exception. Cette légende du football mondial (tenant le ballon sur la photo) est décédée ce 3 mars 2017 à l’âge de 85 ans. Le succès des clubs s'explique par la politique des jeunes, et l'aide des Houillères du Bassin Nord-Pas-de-Calais. Les joueurs sont employés aux mines et sont joueurs semi-professionnels. La direction des HBNPC "a compris le bien social que peut apporter une équipe de football dans une région où le football est roi".

Mais le football du Nord de la France n'est pas le seul à subir ou bénéficier (tout dépend du point de vue) de l'influence des compagnies minières. En Belgique, de nombreux clubs sportifs ont la même origine.

Ce fut en 1919 que fut fondé par des ouvriers mineurs le club de football de Watershei sous la dénomination de Waterchei's Sport Vereeniging THOR. L'ajout des quatre lettres THOR était plus que symbolique. Contrairement à une idée trop préconçue, elles n'étaient pas une évocation de la divinité scandinave voulant souligner le caractère dur des joueurs. THOR était l'abréviation de "Tot Herstellen Onze Rechten", littéralement "Jusqu'à la Réhabilitation de Nos Droits. Il s'agissait d'un coup de griffe, d'une plainte, tout à fait légitime, vis-à-vis du comportement du patronat de l'époque, très peu enclin à se soucier des conditions de vie et de travail des ouvriers. Un patronat qui de plus était à l'époque quasi exclusivement francophone ou "francophile". Le choix des couleurs du club : Jaune et Noir, celles de la Flandre, n'était évidemment ni anodin, ni le fait du hasard.

Le FC Winterslag vit le jour à Winterslag, en 1923. Rapidement, l'entité s'affilia à l'Union Royale Belge des Sociétés de Football Association (URBSFA). Ayant choisi les couleurs Rouge et Noir, le club évolua au Noordlaanstadion (il fut démoli en 2002), où plus d'une équipe vint se briser les dents contre les Vieze Mannen (les Vilains Gaillards), surnom longtemps porté par les joueurs locaux. Le club se vit attribuer le matricule 322 en décembre 1926.

Dès leurs origines, Winterslag et Waterschei furent étroitement liés à l'industrie minière du Limbourg. Et leur fusion en 1988 pour former le K. RC Genk ne changea pas la donne. L'histoire de ce nouveau club est indissociable de celle des deux clubs qui le constituèrent.

Un autre club fondé en 1924 sous le nom de Cercle Sportif Kleine Heide le 10 juin 1925 n'échappe pas à la règle. Il s'affilie à a l'Union Royale Belge des Sociétés de Football Association (URBSFA) sous la dénomination de Beeringen Football Club. Après une première saison dans la plus basse des séries régionales limbourgeoises, le club reçoit le statut lui permettant de jouer en troisième provinciale dès la saison 1926-1927 où il est directement champion, accédant ainsi à la Deuxième division provinciale, à l'époque la plus haute division provinciale directement sous les séries nationales. Le 26 décembre, lors de la publication de la première liste des numéros de matricule, Beeringen FC se voit attribuer le matricule 522.

En Wallonie, c'est pareil...

Ancien joueur de l’Union Sportive Liégeoise, et ingénieur à la Société des Charbonnages Unis de l’Ouest de Mons. Monsieur Lamy fonde et préside en 1922 le Sporting Club Boussutois. Il fournit également le premier terrain du club. Le 15 février 1922, le club s’affilie à l’Union Belge, et est versé dans les séries régionales hennuyères pour le début de la saison suivante. En décembre 1926, il reçoit le matricule 167.
Le 1er juillet 1982, le club fusionne avec le Football Club Élougeois, un club de l’entité voisine d’Élouges porteur du matricule 2195. Le nouveau club adapte son nom en Royal Francs Borains Boussu-Bois Élouges, et conserve le matricule 167. En 1985, le club raccourcit alors son nom en Royal Francs Borains, à l’initiative du président Jean Zarzecki.

Le cyclisme

Le cyclisme a beaucoup changé depuis le temps où, dans les jardins du Palais Royal, les jeunes élégants des années 1820 chevauchaient de lourdes draisiennes. Ce sport est aujourd'hui l'un des plus populaires, et certaines compétitions, comme le Tour de France, sont devenues de véritables mythes.

Grâce aux améliorations techniques apportées aux bicyclettes, des compétitions cyclistes se développent rapidement. La première course à bicyclette fut organisée en 1868, à Saint-Cloud, en France, par les frères Ollivier, directeurs des usines de cycles Michaux. Elle fut gagnée par le Britannique James Moore.

La première grande épreuve a lieu le 7 novembre 1869, quand cent coureurs prennent le départ de la course Paris-Rouen. James Moore parcourt les 123 km sur route en 10h40'. Des femmes participent également à cette compétition, et Miss America termine à la 29ème place. L'engouement pour la bicyclette est tel que les Compagnies minières saisirent la balle au bond et favorisèrent la création de clubs cyclistes pour les mineurs et organisèrent les dimanches et jours fériés, des randonnées dans toute la région, histoire de fédérer les mineurs autour d'un loisir sain et de les sortir des habituels estaminets enfumés où ils s'enivraient et dansaient au son de l'accordéon.

L'Union vélocipédique de France est créée en 1881 afin de gérer le calendrier des compétitions (elle deviendra, en 1940, la Fédération Française de Cyclisme). Les progrès techniques, en particulier l'invention du pneumatique par Dunlop en 1888, qui augmentèrent le confort et permirent une rapide amélioration des performances, pour un prix relativement modeste, favorisèrent l'engouement général pour la bicyclette. En 1891, deux courses prestigieuses sont organisées : Bordeaux-Paris (le premier est le Britannique George-Pilkington Mills, qui effectue les 580 km en 26h34'54") et Paris-Brest-Paris (le premier est le Français Charles Terront, qui accomplit les 1.200 km du parcours en 71h22').

De nombreuses courses sur piste ont également lieu dans des vélodromes. Dès 1876, le Britannique A. Doods parcourt 25,598 km en 1h, et Charles Terront, en 1879, couvre 546,927 km en 24h. A partir de 1893, les championnats du monde sont disputés régulièrement. Au programme des jeux Olympiques d'Athènes, en 1896, apparaissent les épreuves de cyclisme, et l'Union Cycliste Internationale (UCI) voit le jour en 1900. Le Tour de France fut créé en 1903.

Groupe de mineurs-cyclistes à la "Belle Epoque". Très pratiqué dès l'apparition du vélo à la fin du XIXe siècle, le cyclisme de loisir a connu une longue éclipse avant d'effectuer à partir des années 1960 une renaissance qui se poursuit aujourd'hui. Qu'ils utilisent un vélo de route parfois semblable à ceux des champions, un VTC (vélo tout chemin), un vélo de randonnée pour porter de lourdes sacoches en voyage, ou un VTT (vélo tout-terrain), pratique avec ses gros pneus sur les sentiers et les chemins empierrés, les cyclotouristes sont aujourd'hui en Belgique plusieurs centaines de milliers.

Les épreuves sur route ont la faveur du public, qui en profite librement : c'est là qu'on peut voir, et même parfois toucher, les coureurs, dans une ambiance de kermesse populaire favorisée par le déploiement d'énormes moyens publicitaires. Dans les courses en ligne, les coureurs partent ensemble et le lieu de départ et celui d'arrivée sont distincts. Dans les courses en circuit, les coureurs, qui partent ensemble également, effectuent le même parcours plusieurs fois à la suite.

Les classiques sont des épreuves disputées en général entre deux villes, sur un parcours de 250 km environ. Chaque classique présente une spécificité. Paris-Roubaix, par exemple, traverse les chemins pavés de "l'Enfer du Nord". Les crevaisons, les chutes y sont fréquentes. Le Tour des Flandres se caractérise par la succession de côtes (monts) mal pavées. L'épreuve Milan-San Remo se joue souvent dans les dernières côtes, et le Tour de Lombardie présente un parcours très accidenté.

Paris-Roubaix est l'une des plus anciennes courses cyclistes, créée en 1896 par Théodore Vienne, après l'ouverture du nouveau vélodrome à Roubaix. Cette classique flandrienne s'est disputée tous les ans jusqu'à nos jours, en mars ou en avril, interrompue seulement par les deux guerres mondiales. Depuis 1966, elle ne part plus de la région parisienne mais de Picardie : de Chantilly de 1966 à 1976 et de Compiègne, depuis 1977, avant de parcourir plus de deux cent cinquante kilomètres vers le nord.

Surnommée "L'Enfer du Nord", "La dure des dures", comme le vantent les affiches de la 106ème édition, "La Pascale" ou encore "La Reine des Classiques" voire "La plus belle des classiques", la course inclut plusieurs secteurs pavés, tel le décisif "Carrefour de l'Arbre", augmentant notablement les risques de chutes et de crevaison et la mythique tranchée de Wallers-Arenberg, découverte par le régional Jean Stablinski en 1967. Ses deux kilomètres sont "un rodéo où tout tremble". Ce secteur pavé, de son vrai nom la "Drève des Boules d'Hérin", a été restaurée après de nombreux effondrements dus aux galeries de mines toutes proches. D'autres secteurs, très étroits, ont été tracés entre les champs de betteraves et ils ne peuvent être empruntés qu'en file indienne. Quand l'épreuve se déroule sous la pluie, la boue ajoute à la difficulté et aux risques. Le vainqueur est non seulement un homme fort du peloton, mais il doit aussi être chanceux et bien soutenu par ses équipiers.

Jean Stablinski, de son vrai nom Jean Stablewski (un journaliste de "La Voix des Sports" commettant une erreur, le nomme dans son article "Jean Stablinski". Ce nom restera employé durant sa carrière.) est le 6ème enfant de Martin Stablewski qui a quitté sa Pologne et s'est installé en France à l'âge de 25 ans, en 1924. Il travaille à la Zinguerie franco-belge de Thun-Saint-Amand, dans le département du Nord. Jean Stablewski naît le 21 mai 1932 à Thun-Saint-Amand. En 1946, à 14 ans, il est contraint de quitter l'école pour travailler à la zinguerie, faute de quoi la maison de la famille leur serait reprise. Il est naturalisé français en 1948. Pour compléter ses revenus, vers l'âge de 15 ans, Jean Stablewski joue de l'accordéon dans des bals. À l'Harmonie de Lecelles, il fait la connaissance d'un cycliste nommé Masséra et découvre son sport. Malgré l'opposition de sa mère, il achète un vélo et gagne ses premières courses organisées lors de kermesses dans la région.

Jean Stablinski, membre de l'équipe Bic.

Membre des Écureuils amandinois, Jean Stablewski y court aux côtés d'Elie Marsy, un des meilleurs coureurs de la région et futur professionnel. Il évolue l'année suivante face à des coureurs plus expérimentés, comme Gabriel Dubois. En 1950, il quitte la zinguerie de Thun-Saint-Amand et travaille pendant trois mois à la mine, à Bellaing.

Jean Stablinski et ses collègues mineurs.

C'est à cette époque qu'il commence à entrevoir la possibilité de faire carrière dans le cyclisme. Membre de la Pédale thunoise, il remporte en mai le Grand Prix Leonide Lekieffre.  Il s'inscrit à l'école du bâtiment d'Hérin pour devenir cimentier-plâtrier. Premier de sa promotion, il est recruté à Valenciennes par les Établissements Fortier. Jean Stablinski devient cycliste professionnel en septembre 1952 et devient un des principaux lieutenant de Jacques Anquetil.

Le tir à l'arc et les jeux d'Indiens

Sport malheureusement peu connu dans notre région, le tir à l'arc a pourtant quelques fervents adeptes à Auchel et dans d'autres villes de notre région minière.

Il est difficile de dater précisément l'apparition du tir à l'arc, cependant certaines trouvailles archéologiques permettent d'affirmer que l'apparition de l'arc remonte à la préhistoire. Depuis, l'arc a occupé une place plus ou moins importante dans les sociétés selon les époques. L'arc a été l'attribut de plusieurs divinités dans les mythologies grecques, romaines, nordiques et asiatiques.

L'armée romaine comptait de nombreuses compagnies d'archers, mais en Europe, c'est au Moyen Age que le tir à l'arc connait son âge d'or. L'Angleterre fût le premier royaume d'Europe à généraliser l'utilisation d'archers au combat aux vues des avantages tactiques que l'arc peut procurer. Pendant la Guerre de Cent Ans, l'archerie fut déterminante lors des batailles de Crécy en 1346, de Poitiers en 1356 et d'Azincourt en 1415, où elle permit aux troupes anglaises de défaire les armées françaises. Les Picards et les Bourguignons qui étaient alors les alliés des Anglais, se perfectionnèrent dans la pratique du tir à l'arc.

La cause commune de la disparition progressive de l'arc au fil du temps est l'apparition de l'arme à feu, qui prendra sa place sur les champs de bataille.

La Révolution Française dissout les Compagnies d’Arc, très suspectes du fait de leur militarisation et de leur attachement religieux. Certains capitaines seront même exécutés et d’autres seront persécutés. A partir des années 1800, les Compagnies se reforment petit à petit, en particulier dans le Nord de la France, en Picardie et en Flandre. La composante religieuse est écartée au profit de la composante chevaleresque. En 1863, les Compagnies adoptent de nouveaux statuts, supprimant formellement la composante religieuse et se rapprochant du compagnonnage. A la fin du XIXème siècle, la région Nord, Pas-de-Calais, Artois, Flandre française, Flandre Belge et Hainaut compte environ 300 compagnies.

En 1899, on assiste à la création d’une Fédération des Compagnies d’Arc d’Île de France, avec de nouveau une refonte des règles de chevalerie en en supprimant les composantes politiques. En 1928, la fédération s’étend à la France entière et prend le nom de Fédération Française de Tir à l’Arc (FFTA). Le tir à l’arc devient discipline olympique. On constate alors une augmentation régulière du nombre des licenciés, une orientation marquée vers la compétition et une diminution des valeurs de la chevalerie. Des clubs de tir à l’arc sont créés à la place des compagnies d’autrefois. Les années 1960 voient une disparition progressive de la Chevalerie d’arc, même dans les Compagnies.  On constate à l’heure actuelle une renaissance discrète de celle-ci.

La pratique du tir à l'arc à la perche verticale ou horizontale reste très vivace dans la région du Nord de la France, la Picardie, l'Artois et la Wallonie. Ce sport issu d'une longue tradition que des milliers d'adeptes s'attachent à faire vivre au sein de sociétés. La naissance des sociétés d'archers remonte au XIVème siècle. En Belgique, le tir à l'arc est vertical. Il est pratiqué par toutes les couches sociales, hommes, femmes et enfants mais la démocratisation de ce sport n'a pas fait disparaître certaines traditions. Le but de cette activité étant d'atteindre un "oiseau" (objet constitué d'un bouchon de liège et de plumes très colorées) situé à 20 à 30 mètres en haut d'une perche.

Parmi les 18 épreuves organisées chaque année l'une d'entre elles, se déroulant le lundi de Pâques, est surtout consacrée au "Tir à l'oiseau".
Ce tir spécial désigne, pour toute la saison, le joueur le plus précis (et le plus heureux), au titre de "Roi". 
En atteste ce "Journal l'Illustration" n° 1623 du 4 avril 1874, page 213 : gravure représentant le tir à l'arc à l'oiseau. 

Dans le secteur d'Auchel, comme dans d'autres régions du bassin minier du Pas de Calais, ce sont les mineurs belges qui plantèrent les premières perches de tir à l'arc, lorsqu'ils vinrent travailler dans les concessions nouvelles.
Chaque dimanche les archers se retrouvaient sur le pré, au pied du mât et chacun rivalisait d'adresse.
Voici le sommet de la perche situé à 20 ou 30 mètres du sol et portant les "oiseaux", sorte de plumeaux qu'il faut faire tomber avec ses flèches.

Selon certaines de nos informations, ce jeu serait né avec les marins qui plaçaient un oiseau en haut du mat et tiraient dessus. Cette pratique se retrouve dans les récits d’Homère (l’Iliade) et de Virgile (l’Enéide). Selon d’autres, ce serait les militaires qui s’entrainaient ainsi au tir sur des cibles de bois, après la guerre de 100 ans. De toute manière, dans la région Nord-Pas-de-Calais, les origines de ce jeu remonteraient au Moyen Age. Ce jeu serait étroitement lié avec l’histoire de l’archerie, perfectionnée par les Anglais et importé sur le territoire durant la Guerre de Cent Ans (1337-1453).
La pratique de l’arc qui se serait généralisée et améliorée au fil des siècles aurait donné naissance à ce jeu. Il est dit que les archers s’entrainaient en plaçant un oiseau de bois au sommet d’un mât. Sous l’Ancien Régime, dans le Nord Pas-de-Calais, seuls les archers réunis au sein d’une confrérie pouvaient pratiquer le tir à l’arc sur perche verticale de façon organisée. Les archers sont réunis dans des confréries apparues dès le XIIIème siècle. Pour entrer dans les confréries, il fallait être parrainé par deux membres et posséder un casier judiciaire vierge. Les sociétés les plus anciennes des villages sont les plus prestigieuses de par leur histoire. Il nous est également signalé que les sociétés d’archers sont souvent les plus anciennes associations des villages, ce qui montre une continuité de la pratique. C’était également un jeu onéreux et pratiqué par les nobles et les bourgeois. Il s’agissait d’une pratique élitiste qui s’est démocratisée peu à peu.
En fouillant un peu, on se rend compte que les registres de ces confréries sont très bien renseignés et permettent de remonter jusqu’au XIXème siècle, voire même exceptionnellement jusqu’au XVIIème siècle.

1910, en Flandre, groupe d'archers sur le Schotterhof. Ce mot apparaît en 1607 quand ville de Dunkerque achète un grand verger de 3 mesures 140 verges et y aménage deux grands jardins, celui de Sainte-Barbe pour les arquebusiers, et celui de Saint-Sébastien pour les archers, et ce terrain prit le nom de Schotterhof.

A la "Belle Epoque", dans le Nord de la France, la Confrérie des archers de Saint Firmin.  Cette confrérie, fondée vers 1865 comptait, il y a quelques décennies, une trentaine d'adhérents.

Le caractère religieux des confréries a fortement ancré cette pratique dans les villages locaux. Aujourd’hui, lors de son érection, une perche est baptisée par tradition, même si les associations d’archers sont laïques. La perche reçoit alors le nom d’une femme importante qui en devient la marraine.
Le terme de "confrérie" est progressivement abandonné et dans les années 1980, les confréries d’archers sont toutes devenues des associations (loi 1901). Cet abandon des règles de la confrérie permet notamment la participation des femmes.

La Fédération des Archers créée en 1906 et devient l’Union des Associations d’Archers du Nord de la France en 1956. Ce regroupement a permis l’uniformisation des règles et la réglementation du jeu. Il est devenu fédération aujourd’hui.

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Les combats de coqs et les coqueleux

Voici une tradition, un jeu tout aussi barbare que les combats de gladiateurs sous la Rome antique, les combats de chiens ou la corrida espagnole : les combats de coqs.

Cette pratique tellement barbare fut interdite en Belgique dès 1929 mais demeure dans la Nord de la France. D'arrêtés municipaux en décrets préfectoraux, les autorités françaises essaient que cette coutume s'essouffle peu à peu et disparaisse d'elle-même. Actuellement, le Conseil constitutionnel confirme l'interdiction d'ouvrir de nouveaux gallodromes, (sorte d'arênes où se battent les coqs), mais autorise ceux existant, notamment dans le Nord-Pas-de Calais à, poursuivre leur activité.

Un gallodrome

Dans les années '20, il y avait près de 15.000 coqueleux dans la région. Aujourd’hui, il en reste moins de 600 mais il y aurait encore 4.000 coqueleux licenciés, belges pour la plupart, qui profitent de la législation laxiste française.

Roubaix, 1911, les Jeux de Flandre.

Le Nord-Pas-de-Calais, dernière région de France où les combats de coqs sont encore autorisés, voit disparaître un à un ses coqueleux, les éleveurs de gladiateurs à crête. Pratiqué depuis des générations, ce loisir n’intéresse plus que les vieux briscards du gallodrome, les rings où les gallinacés s’étripent, le plus souvent à l’arrière d’un estaminet. Légalement. Mais pour combien de temps encore ?
Si le code pénal autorise les combats dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie, comme dans le Nord-Pas-de-Calais, il spécifie qu’ils ne peuvent se dérouler que dans des rings préexistants. L’objectif, inscrit dans la loi en 1964, est de faire disparaître progressivement cette pratique. Dans le Nord, c’est presque chose faite. Ce loisir que même De Gaulle n’a pas réussi à abolir vit ses dernières heures. Honnêtement, je crois que d’ici dix ans, il n’y aura plus de combats. Quand un gallodrome ferme, il n’y a personne pour le reprendre. Ce n'est pas rentable et ça n’intéresse pas les jeunes.

Je n'entrerai pas dans la polémique même si je pense, au fond de moi que les corridas et autres spectacles faisant se battre des animaux, tout comme certaines expérimentations sur les animaux sont à proscrire et même à interdire, on trouve, dans ce cas précis, face à face des défenseurs de la cause animale et les défenseurs du folklore local.

Préparer un coq de combat n'est pas une mince affaire. Il existe de véritables "écuries". La renommée de certains éleveurs professionnels s'étend parfois aux confins du départemant, de la région et même au delà de la frontière. L'engouement est tel qu'il a fallu réglementer les combats et surtout les paris qui les accompagnent.

Le coq est d’abord élevés en groupe à sa naissance. Ces animaux ne sont pas naturellement agressifs, on les "conditionne", on les "prépare" en les enfermant dans des cages individuelles, en compagnie d'autres coqs, eux aussi enfermés. L'adrénaline et les hormones mâles font leur travail. S'ensuit une "bataille de chants". C'est à celui qui chantera le plus, le plus fort et le plus longtemps pour surpasser ses congénères. Ces conditions créent un stress important chez l’animal et le rendent particulièrement agressifs et hostiles à ses congénères. Puis on lui coupe les ergots. Son propriétaire le soumet à un régime particulier, l'entraîne quotidiennement, le soigne comme la prunelle de ses yeux. Un champion peut rapporter gros avec les paris. Mais les combats sont impitoyables et se soldent généralement par la mort de l'un des adversaires.

Les préliminaires de la rencontre sont longs et méticuleux : pesage et choix des combattants, pose des ergots artificiels (éperons d'acier de 5 à 6 cm de long renforçant les éperons naturels que l'on a tronqués). Certains coqs sont redoutables ayant déjà tué de nombreux adversaires et rien que l'énoncé de leur nom fait frémir. Certains combattants sont connus dans toute la région, et il n'est pas à plusieurs kilomètres à la ronde ni homme, ni femme, ni enfant qui ne prononce leur nom avec respect.

Au moment du combat, les coqueleux les mettent face à face, les agitent pour les énerver. Dès qu'ils paraissent, les mauvais plaisants réservent un bol du bouillon qu'on ferait avec la chair du perdant, car c'est à cet usage profane qu'on réserve les coqs morts au champ d'honneur. Les habitués du gallodrome, gens de tactique, discutent les résultats probables de la lutte. Enfin les listes des paris sont closes et l'on en vient aux prises... Les propriétaires les lâchent dans le ring, au milieu des cris des parieurs. Les animaux paradent, se toisent dans une espèce de round d'observation, prélude à une lutte sans merci.

Petit round d'observation.

Ni Ajax, ni Patrocle, ni Marcellus, ni Ulysse, ni aucun guerrier immortalisé par sa fougueuse audace, ne peut décrire un coq chargeant son ennemi. Ses deux terribles épées d'acier toujours en l'air, frappant d'estoc. Si le pauvre challenger évite les trois premiers coups, disait-on, il a quelque chance. Mais la difficulté est là... le peut-il? Pendant que les parieurs et autres spectateurs formulent des hypothèses et émettent des avis sur l'un ou l'autre combattant, dans l'arène, la déferlante de coups continue.

L'assaut.

Le champion, le plus fougueux s'élance de plus belle, fouillant dans le vide avec ses ergots d'acier, de nature à percer une armure de chevalier. L'autre coq, dans cette grave circonstance, temporise, laissant passer l'orage, esquive, évite les coups et se prépare pour des temps meilleurs. Au bout de quatre minutes, le champion, ébahi de ne pas voir son ennemi mort, ne sait plus ce qu'il fait. Ses épées frappent toujours avec la même furie, mais elles n'atteignent rien. C'est alors que celui qui, aux yeux des spécialistes, ne valait pas un radis et qui avait supporté les railleries des spectateurs, prend l'offensive et attaque vivement. La peur gagne visiblement les amis du champion. Les chances sont devenues égales : l'un est furieux et fatigué, l'autre ést reposé et calme. Tout à coup, les hommes poussent un cri : le champion vient de recevoir un coup qui l'a jeté à terre. Mais, entre coqs, l'honneur n'est pas satisfait sans qu'il y ait un mort, et le combat continue. C'était devenu lamentable : le redoutable tueur, les ailes traînantes et les yeux fermés, chargeait encore vaillamment, comme le Roi de Bohême à la bataille de Crécy ; mais l'autre le frappe encore de ses deux épées, et alors le blessé tombe de nouveau et ne se relève plus.

La mise à mort.

L'ouragan s'est évaporé. Son maître le relève avec désespoir, cherche sa blessure, fait jouer ses membres : rien n'y fait. Il est mort. Une fois le combat terminé, le perdant est cuisiné et consommé... et il faudra véritablement fallu une bonne portion du bouillon qu'il en aura fait, le soir, pour le remettre de sa douleur.

Ce récit, à peine imagé, témoigne de l'âpreté des combats que peuvent se livrer deux coqs.. et surtout de la coupable et lâche cruauté des propriétaires, spectateurs et parieurs qui se retranchent bêtement derrière leur soi-disant "folklore local" pour justifier pareille pratique bestiale.

En 1889, le peintre roubaisien Rémy Cogghe (1854-1935) peint l'un de ses tableaux majeurs, primé lors du Salon des artistes français, aujourd'hui exposé au musée de "La Piscine" à Roubaix. Le combat de coqs en Flandre nous montre le public où bourgeois et ouvriers se côtoient autour de l’arène d’un gallodrome – pour la plupart, des amis peints avec un souci de réalisme étonnant – et qui sont les témoins de la fureur d’un combat sans merci qui se soldera par la mort du vaincu. 

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Les guinguettes, bals musettes et autres accordéoneux

Le samedi, les ouvriers et les mineurs se retrouvent dans les estaminets. On y boit, on y mange et le soir, on pousse les tables et les chaises pour créer une piste de danse et le petit cabaret se transforme en guinguette improvisée où l'on danse au son de l'accordéon. Tout le monde participe à ce bal populaire aussi appelé bal musette.

Pochettes de disques "Chez Julot" très populaires dans les bals musettes. Le dessin très suggestif montre bien l'ambiance et le type de couche sociale qui se se retrouve dans ces endroits parfois mal famés.

Le bal musette est le genre musical propre à la fin du XIXème siècle et jusque dans les années '50 que jouent les orchestres conduits par un accordéon et qui regroupe divers types de musique, mais caractérisés par le fait d'être joués dans le style musette. On y trouve la marche, la valse musette, la java, le paso musette et le tango musette. Dans le musette, les danseurs privilégient des danses plus faciles, plus sensuelles et plus rapides que les versions habituelles, et susceptibles d'être dansées dans des espaces restreints, comme les arrière-salles de bistros.

L'entrée du bal musette est gratuite. Mais les danseurs achètent des jetons à la caisse. Ces jetons étaient en aluminium ou en bronze, de formes diverses (cercle, losange, octogone...) avec des découpures différentes permettant de les identifier dans l'obscurité au simple toucher. Ils portaient au recto le nom du bal et au verso l'inscription "Bon pour une danse". Vers la moitié de la danse, le patron du bal passait entre les couples avec une sacoche en annonçant "Passez la monnaie" et les danseurs donnaient un jeton de bal.

Dans ces endroits, seuls les ouvriers et les basses couches de la société sy retrouvent. Les bourgeois n'y viennent pas, sauf s'ils veulent s'encannailler. Ils préfèrent les valses de Vienne, les tangos argentins et les danses de salon. Ces endroits sont des défouloirs pour des ouvriers et des mineurs qui ont trimé toute une semaine. On y danse, on y boit, on s'y bouscule et les bagarres sont fréquentes. Prostituées et entraineuses sont présentes et ajoutent une touche colorée à ces endroits qui deviennent parfois "la Cour des Miracles". Dans certains quartiers, après 18h00, il était inconcevable, qu'une jeune fille ou qu'un jeune homme "bien-comme-il-faut" aille s'y promenener.

Evidemment, avec le temps, tout cela a bien changé... mais le musette restera "la musique du peuple".

Instrument symbole du musette, célébré dans quantité de chansons, l'accordéon utilisé dans ce style se caractérise par des registres spécialement adaptés, dans lesquels les deux ou trois anches métalliques mises en vibration pour chaque note sont légèrement désaccordées. Cela permet d'émettre des harmoniques aigües donnant à l'instrument une sonorité perçante voire un peu criarde (le même principe est appliqué pour accorder un piano bastringue), qui imite approximativement le son des cornemuses et cabrettes d'autrefois, et qui a surtout l'avantage d'assurer une présence sonore bien supérieure, ce qui était essentiel pour se faire entendre dans le brouhaha des salles de bal au temps où il n'y avait pas de sonorisation.

Dans la région de Lille, les sociétés carnavalesques ont voulu célébrer l'accordéoniste, personnage emblématique de toutes les réjouissances, bals, fêtes, ducasses et kermesses. Ils ont construit et baptisé un géant "El cordéoneux" qui défile avec tous ses confrères lors des carnavals.

L'introduction de l'accordéon dans le musette est en grande partie le fait de la diaspora italienne. Dès la fin du XIXème siècle, la fabrication d'accordéons est devenue en Italie une grosse industrie fortement exportatrice, et les émigrants italiens contribuent à populariser l'instrument dans les grandes villes de France. L'adoption de l'accordéon dans le musette fait fleurir dans les premières décennies du XXème> siècle tout un secteur d'activité essentiellement tenu par des Italiens : revendeurs, réparateurs, accordeurs, et même fabricants, comme la famille Cavagnolo. Les grandes marques consacrées dans le musette, outre Cavagnolo, sont toutes italiennes : Fratelli Crosio, Piermaria, Crucianelli. La communauté italienne a également donné au musette un grand nombre d'instrumentistes.

À partir du début des années 1960, le musette régresse pour des causes convergentes :

  • la mondialisation des musiques sous les influences anglo-saxonnes
  • le développement des danses à quatre temps telles que le rock 'n' roll
  • étant par définition une musique amplifiée, le rock impose son volume bien avant que le musette s'adapte à la sonorisation
  • l'utilisation croissante des enregistrements sonores pour danser : la discothèque remplace le bal
  • les anciens quartiers populaires de Paris s'embourgeoisent, les classes populaires partent en banlieue
  • la généralisation de la télévision qui remplace peu à peu les sorties pour les loisirs.

Toutefois, après avoir durement encaissé la déferlante du disco à la fin des années 1970, le musette bénéficie d'un regain d'intérêt en tant qu'élément du patrimoine populaire et de témoignage resté vivant du folklore urbain français de la première moitié du XXème siècle.

Les principaux acteurs du musette sont, à ma connaissance, :

  • Émile Vacher, accordéoniste et chanteur français, considéré comme le créateur du genre musette, né le 7 mai 1883 à Tours et mort le 8 avril 1969 à Paris.
  • Maurice Alexander, accordéoniste et chef d'orchestre français, né le 27 mars 1902 et décédé à Vaux-le-Pénil le 27 juin 1980.
  • Marceau Verschueren (son prénom, Marceau, a été son nom d'artiste, et il existe une confusion sur le V. qui signifie son nom et non "Victor" comme l'usage semble l'avoir utilisé) est l'un des plus grands accordéonistes français (réputé pour l'utilisation de la main gauche), né le 29 décembre 1902 à Liévin et mort le 22 octobre 1990 à Gournay-sur-Marne.
  • Antonio Murena, dit Tony Murena, accordéoniste et compositeur italien, né le 24 janvier 1915 à Borgo Val di Taro et mort le 29 janvier 1971 au Vésinet.
  • Jo Privat, accordéoniste français, né le 15 avril 1919 Ménilmontant et mort le 3 avril 1996 à Savigny-le-Temple. Il a longtemps été la référence du musette aussi bien dans l’interprétation que la tenue de scène.
  • André Verschuere, dit André Verchuren, accordéoniste français, né le 28 décembre 1920 à Neuilly-sous-Clermont et mort le 10 juillet 2013 à Chantilly. Il serait l’accordéoniste ayant vendu le plus de disques, avec plus de 70 millions d'unités vendues.
  • Aimable Pluchard, dit Aimable, accordéoniste français, né le 10 mai 1922 à Trith-Saint-Léger et décédé le 31 octobre 1997 à Villemoisson-sur-Orge.
  • Yvette Horner, de son vrai nom Yvette Hornère, accordéoniste, pianiste et compositrice française, née le 22 septembre 1922 à Tarbes. Après avoir remporté la Coupe du monde de l'accordéon en 1948, elle obtient le grand prix du disque de l’académie Charles-Cros en 1950 grâce à l'album "Le Jardin secret d'Yvette Horner". Elle établit sa popularité en accompagnant la caravane du Tour de France à onze reprises.
  • Raymond Boisserie, accordéoniste et auteur-compositeur français, né le 30 juin 1926 à Chatou.
  • Marcel Azzola, accordéoniste français, né le 10 juillet 1927 à Paris.
  • Jean Cardon, accordéoniste français, né à Paris en 1931 et mort en 1990. Il est connu pour avoir accompagné Léo Ferré en studio et sur scène, de 1954 à 1963.
  • Richard Galliano, accordéoniste et bandonéoniste et compositeur franco-italien, né le 12 décembre 1950 à Cannes.

André Verchuren accompagné d'une formation de jeunes accordéonistes d'Hénin-Liétard. André Verchuren a fait ses débuts à Hénin-Liétard (aujourd'hui Hénin-Beaumont) où son père, ancien mineur, tenait une école d'accordéon.

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Les bouloirs, billeteux et quilleteux

Encore un jeu qui a presque complètement disparu : le bouloir.

Les quilles et les boules.

En quoi cela consiste-il ?

Le jeu de bouloir était, au milieu du siècle dernier très répandu un peu partout en Wallonie. Cet ancêtre du bowling se composait d'un terrain couvert, de 12 mètres de long et 4 mètres de large, souvent situé à l'arrière court des cafés, cabarets et estaminets. A un bout se tiennent les joueurs qui jouent seuls ou par équipes de deux. A l'autre bout se trouve un "gamin" qui place les quilles en bois sur les points rouges marqués au sol : une ligne de 5, pas plus, pas moins. Les quilles sont des espèces de cylindres en bois un peu évasés sur le dessus. Attachée au mur, courant en pente vers les joueurs, se trouve une rigole dans laquelle le gamin pose les boules après le lancer pour qu'elles reviennent vers leur propriétaire.

Un bouloir couvert.

Un bouloir en extérieur.

La typicité de ce jeu provient tout d'abord de l'aspect des boules, qui sont faites d'un bois dur (en bois de frêne), cerclées de fer pour les consolider, et creusées d'un trou tapissé de cuir afin que le joueur puisse y introduire la main sans risquer de se blesser avec une écharde.

Quelques types de boules.

Quand les quilles sont placées, le gamin se place dans une guérite pour se protéger et c'est aux billeteux de jouer. Le but est de parier sur la quille qu'on va abattre. Pas question de faire rouler le boule comme au bowling. La boule doit voler dans le ciel et retomber sur la quille visée... sans faire tomber les autres.

Je me rappelle que mon grand père paternel passait de longues heures à polir ses boules, à les cercler de bandes de fer, à les huiler... en un mot, à les entretenir avec soin pour qu'il les ait bien en main et surtout qu'elles ne lui occasionnent pas de blessure. Le samedi soir, il allait au café "Au Bon Accueil" là où il y avait un jeu de bouloir. Et les parties se déroulaient dans une ambiance "bon enfant", autour d’un bon verre. Les paris et les parties s'enchaînent. Mon grand-père pariait une bière ou un chocolat (il rentrait toujours avec une dizaine de chocolats Jacques)...

... jusqu'au moment où Omer, un de ses copains pariait "el verre à goutte"...

Là, c'était du sérieux. C'était une tournée générale qui était en jeu !  Le gamin retirait toutes les quilles et plaçait au centre une quille différente. Elle ressemblait à une bouteille de vin d'Alsace avec un sommet plat, juste pour y poser un petit verre à goutte avec pied. Et mon grand père de lancer sa boule qui volait dans les airs et venait faire tomber le verre à liqueur sans toucher la quille qui, elle, restait bien droite.

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Les Kermesses, Ducasses, Braderies et autres fêtes populaires

La culture du Nord-Pas-de-Calais et de la Wallonie est une composante de la culture francophone et flamande où se mêlent de multiples influences. La région fut de tout temps un carrefour de l'Europe, et a connu un grand brassage de population tant par les différentes guerres qu'elle a subies que par l'immigration qu'elle a suscitée.

Les Braderies

S’il y a une chose qui "signe" l’identité du Nord, c’est bien la braderie. En Wallonie, on les appelle "brocante" ou "marché aux puces". Temploux (près de Namur) Bruxelles (place du Jeu de Balle) et Lille organisent ces gigantesques vide-greniers où on trouve souvent de tout et surtout de n’importe quoi pour des prix dérisoires.
Le mot "brader" vient du néerlandais "braden", signifiant "rôtir" car la composant "nourriture" est toujours présente en ces endroits : on y passe à la broche saucisses et poulets accompagnés des célèbres frites.

La tradition raconte que le phénomène est né au XIIème siècle, quand des domestiques lillois reçurent l’autorisation, le temps d’une nuit dans l’année, de vendre les vieux vêtements et autres objets usagés de leurs maîtres. À l’époque, cette braderie s’appelait la "franche foire", car ni l’État ni la commune n’imposaient la recette ni le droit de place.

Les braderies et brocantes prirent ensuite de l'ampleur au fil des siècles. Aujourd'hui chaque petit village, lors de sa fête annuelle organise sa brocante, son vide-grenier ou sa braderie... à tel point que dans les années '90, on a vu un phénomène qu'on pourrait résumer par "trop de brocantes tue la brocante". Mais les "grandes institutions" comme la brocante de Temploux, la braderie de Lille et le marché aux puces de Bruxelles résistent car ce sont des rendez-vous incontournables que les sociologues décrivent comme "le besoin de se retrouver ensemble", dans un monde où les rapports sociaux passent de plus en plus par les machines et les écrans, sentiment grégaire de l'être humain additionné à des conditions de vie difficiles dues aux différentes crises économiques que l'Europe de l'Ouest a subies qui ont poussé les gens à ne rien jeter et à mettre de côté, juste au cas où.

Résultat, le recyclage fait fureur un peu partout et les collectionneurs sont légion. Toutes sortes d’objets, anciens et plus récents, se retrouvent donc régulièrement étalés pour être vendus sur les trottoirs des villes et des bourgs. On discute, on négocie, on boit, on mange, dans une ambiance festive et chaleureuse, le long de kilomètres d’étals, au milieu d’exposants amateurs et professionnels, et on se presse, dans une bousculade bon enfant, dans l’espoir de dénicher les affaires du siècle, même si, malheureusement, elles se font de plus en plus rares...

Les Ducasses et Kermesses

La ducasse est une fête populaire annuelle de villages et petites villes, en Belgique et dans le nord de la France, organisée généralement le jour de la fête du saint patron de la localité. La ducasse, contraction du mot dédicace (on dédicace ce jour au saint de la paroisse), c'est la fête patronale du bourg ou du quartier.
Les régions davantage influencées par la langue flamande parlent de "Kermesse". La kermesse (du neérlandais Kerkmisse, "Messe de l'église") désigne en Belgique, en France, au Luxembourg, et en Suisse romande, une fête paroissiale, patronale, de bienfaisance ou une foire annuelle.
Par extension, en France le terme désigne les fêtes annuelles des établissements scolaires, le plus souvent celles des écoles maternelles et primaires : ce sont souvent des fêtes enplein air, avec divers stands de vente et de jeux. Pour ce genre d'activités extra-scolaires, en Belgique, on parlera de fancy-fair.

La ducasse du Nord, c'est la kermesse flamande, c'est le pardon breton. C’est un air d’accordéon entre les baraques foraines. C’est le bal populaire et la cuite des célibataires.
La fête foraine est un rassemblement en plein air de forains indépendants itinérants revenant à date fixe. Elle regroupe des attractions et manèges, ainsi que divers stands, tels que jeux de tirs ou vente de nourriture et friandises.

Avec l’arrivée de la télévision, les gens trouvent moins le besoin de sortir de chez eux et les "petites fêtes foraines de quartier" tendent à disparaître. Pour continuer d'attirer les foules, les forains font appel à des attractions de plus en plus impressionnantes. Ce procédé est toujours d’actualité, le credo des fêtes foraines aujourd’hui témoigne de cet état d'esprit : "Toujours plus vite et plus haut, toujours plus fou, toujours plus fort".

"Ils ont troué la nuit D'un éclair de paillettes d'argent. Ils vont tuer l'ennui Pour un soir dans la tête des gens. (Edith Piaf)

On y trouve encore des attractions traditionnelles, telles que tirs, loteries, confiseries, manèges d’enfants, voyantes ou entre-sorts, ainsi que des cirques et des ménageries, même si ces derniers vont peu à peu disparaître au profit des grandes attractions. À côté du "Mur de la mort" et du "Globe Infernal" où des forains à moto, puis en voiture défient les lois de la gravité, se côtoient des manèges d’avions, des circuits de karting, puis des montagnes russes avec les premières sensations fortes…

Les comédiens ont installé leurs tréteaux Ils ont dressé leur estrade Et tendu des calicots Les comédiens ont parcouru les faubourgs Ils ont donné la parade A grand renfort de tambour Devant l’église une roulotte peinte en vert Avec les chaises d’un théâtre à ciel ouvert Et derrière eux comme un cortège en folie Ils drainent tout le pays, les comédiens (Charles Aznavour)

Un moment de répit dans une vie de travail d'esclave, un sourire dans un monde triste, un peu de couleur dans un monde gris, oublier un instant ses soucis, faire la fête en famille et avec des amis... un moment de répit.

Que vaut un sourire d'enfant ?... tout l'or du monde... ou plutôt tout le charbon du monde.

Juste un peu de bonheur...

Un noeud dans les cheveux, on met sa belle robe, on se fait beau et on passe un dimanche ailleurs qu'au pied du terril.

La joie retrouvée...Roulez, jeunesse !!!

Et pour les plus grands, les premières autos tamponneuses.

Premiers rendez-vous, premiers amours,
Écoutez la chanson foraine
Qui parle des amants perdus
Ça sent l'amour et puis la peine
Les comédiens ont démonté leurs tréteaux
Ils ont ôté leur estrade
Et plié les calicots
D'un grand rire entremêlé de pleurs
Ils ont tué l'ennui
Ils ont plié bagages et repris leur chemin,
Ils ont pris la monnaie dans le creux de leurs mains.
Ils laisseront au fond du cœur de chacun
Un peu de la sérénade
Et du bonheur d’Arlequin
Demain matin quand le soleil va se lever
Ils seront loin, et nous croirons avoir rêvé (Charles Aznavour + Léo Ferré + Edith Piaf)

Les parcs d'attractions excepté aux États-Unis, sont encore rares à cette époque en France et seules les fêtes foraines comportent des attractions à sensations, qui en ont donc l'exclusivité, ce qui sera le cas jusqu'aux années 1980.

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Autres Loisirs

Bien d'autres loisirs existaient et passionnaient les ouvriers et les mineurs. Je n'en citerai que deux : La pêche à la ligne et la pétanque.

Les rivières de France et de Belgique étaient très poissonneuses : truites, gardons, brèmes, perches, brochets, carpes, goujons... faisaient la joie des petits et grands.

Beugin est un village de 420 habitants se situant à 2 km d'Houdain sur la route en direction des communes de La Comté et de Magnicourt.
Beugin est surtout connu des pêcheurs de la région pour son lac aux eaux profondes et limpides surplombé d'une falaise de grés rose dans un trés vaste espace boisé.
Ce lac est issu d'une source d'eau claire qui fût invonlontairement perçée par des ouvriers creusant une carriére de grés sur le site même il y a plus d'un siècle. Les eaux ont envahi progressivement cette carrière devenue depuis l'actuel lac.
Les anciens racontent que deux jeunes fiancés dont les parents refusèrent mutuellement leur mariage, s'y seraient volontairement noyés.
Ce hâvre de paix était la destination prisée, le dimanche, des mineurs de la compagnie des mines de Bruay où ils venaient avec leur famille par train depuis la halte des Alouettes pour s'y détendre.

De nos jours on peut se promener et pêcher le long de la berge réaménagée coté route.
Le lac d'une superficie d'un hectare et demi et d'une profondeur de plus de 10 mêtres par endroits abonde de grosses carpes, rotangles, tanches, trés gros gardons et surtout de truites qui sont déversées chaque week end.

La pétanque, "importée" de Marseille, permettait, au pied des terrils, un peu de détente.

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La Napoule

Affiche publicitaires des Houillères du Bassin du Nord pas de Calais inciitant les mineurs à participer au tirage au sort désignant les chanceux qui pourront bénéficier des deux semaines de vacances au château des mineurs à la Napoule, près de Cannes.

Des loisirs "sous contrôle" trouvent tout naturellement leur place dans une politique sociale des Houillères aux formes plus explicites : les ateliers éducatifs recréent un univers fortement hiérarchisé où les activités artisanales proposées aux mineurs (menuiserie, vannerie, travail du cuir, etc.) n'ont d'autre objectif que d'aménager leur habitat et les conforter dans leurs conditions de vie matérielle. Ainsi, les houillères de Bruay organisent, le dimanche, des ateliers éducatifs dont l'activité consiste, avec des moyens matériels et des conseils, à aider le mineur ou sa famille à réaliser se ses propres mains, des objets utiles ou décoratifs. "Le faire soi-même coûte moins cher que de l'acheter" et donc les compétences dispensées aux mineurs justifient les bas salaires. "Ils n'ont pas besoin d'argent pour acheter cet ustensile puisqu'ils ont appris à le fabriquer... pourquoi donc leur accorder une augmentation de salaire..."

L'organisation de vacances collectives constituant le volet le plus visible de cette politique : dans le sillage des mouvements de jeunesse et d'éducation populaire, les colonies des Houillères offrent aux fils et filles de mineurs des activités en tous points identiques à celles offertes aux autres enfants. La mer, la montagne et la campagne sont également offerts aux adultes, qu'ils soient actifs ou retraités.

Témoignage de Rodolphe Urbain, 49 ans en 2008 qui nous raconte son expérience des colonies de vacances des Houillères : Enfants de mineurs, nous évoluions toute l'année dans un complexe industriel, où les bruits de toutes sortes nous énervaient, nous fatiguaient...
Nous souffrions du peu de soleil que connnaît notre région Nord Pas de Calais embrumée.
Passer les grandes vacances d'été dans les corons sombres que nous habitions à longueur d'année n'était pas notre souhait, ni celui de nos parents qui n'avaient pas les moyens financiers pour s'offrir de véritables vacances en famille....
Il devint donc de plus en plus indispensable que toute cette jeunesse que nous formions se retrouve dans des régions ensoleillées, en pleine nature, dans un calme absolu.
Et les colonies de vacances, mises en place par les Houillères du Bassin du Nord Pas de Calais furent pour nous la solution idéale.
Vivre en commun totalement pendant trois semaines, c'était une expérience qui valait la peine d'être vécue. C'était une école de vie sociale :
Au contact des autres, on s'enrichissait. Certaines activités nous amenaient à "mettre la main à la pâte", à prendre des responsabilités. La colonie de vacances complétait par là même l'action éducative de l'école et de la famille.
Achetées par les Houillères, des gentilhommières, accueillaient les enfants de mineurs que nous étions. Nous nous retrouvions dans un cadre qui répondait à nos rêves, qui évoquait les contes de fée ou les récits de chevalerie que nous affectionnions particulièrement.
Ces centres de vacances étaient situés dans des lieux calmes, dans un cadre de verdure où nous goûtions tout à loisir aux joies de la forêt, de la campagne, de la mer...
Près de 16.000 enfants se retrouvèrent ainsi chaque année dans les 55 centres de colonies, tenus par les Houillères.
Tous les parents qui y ont envoyé leurs enfants furent ravis de les voir revenir épanouis, enchantés, regonflés, pour toute une année...
Pour ma part, j'ai eu l'occasion dans ma jeunesse de découvrir les joies de la colonie de vacances, ce fut à Saint Marcel Durfay en Auvergne en 1969 ; j'avais 10 ans...

Le 5 mai 1947 le domaine du château "Agecroft" à Mandelieu, sur les bords de la Méditerranée, est acheté pour le compte des Houillères du Nord et Pas de Calais par Mr. Léon Delfosse, Directeur Général Adjoint. La même année, le centre de congés de La Napoule appelé également "Château des Mineurs" est ouvert aux ouvriers et employés des Mines et à leur famille pour un séjour de deux semaines.

"Le Château des mineurs" est une grande bâtisse aux pierres rouges, aux murs crénelés, encadrée par deux tours carrées. Il fut construit entre 1918 et 1920 par Harry Leland de Lengley. C’est en mémoire de son grand père dénommé "Agecroft" qu’il nomma son château. 

Le château Agecroft.

Des cheminées monumentales et de très grandes portes en fer forgé venant d’Egypte décorent l’intérieur.

Cheminée de la salle à manger

Il n'était pas question, à l'époque, de dresser, comme dans les restaurants d'aujourd'hui, des tables de 2 ou de 4 personnes. C'était de longues tablées où tout le monde mangeait ensemble, histoire, même en vacances, de susciter l'esprit de groupe, de former la communauté des mineurs, alliant, vie de groupe, convivialité et socialisation. Le fait d’être servi à table a marqué les esprits. Les familles étaient servies comme des riches et comme ils n’allaient pas au restaurant c’était vraiment quelque chose de sensationnel.

En 1984, s’étendait sur 171 hectares mais le domaine d’Agecroft ne comprenait à l’origine que le château et ses dépendances implantés sur les 10 hectares de la propriété mais très vite huit grands baraquements, dits chalets, furent ajoutés.

Le premier de ces bâtiments, "les Fougères", comportait 48 chambres et fut ouvert en janvier 1953; le second "les Mimosas", plus important avec ses 71 chambres, ouvrit ses portes en novembre 1955. Un troisième bâtiment "la Roseraie", comptant 49 chambres, fut construit en 1963, ce qui en ajoutant les 17 chambres du château, portait le nombre à 185 chambres. C’est en 1977 que sont bâtis "les Orangers" et "les Tamaris". Les tous derniers aménagements des Houillères datent de 1983.

En 1994, n'ayant plus d'utilité puisque tous les charbonnages ont fermé leurs portes, la Société des Charbonnages de France vend le château au CCAS (Comité d'Exploitation d’EDF). Dès 1995, 283 lits sont mis à la disposition des gaziers et électriciens. En juillet 1999: La "Société Civile du Domaine d'Agecroft est crée par les CE de EDF et de la RATP pour gérer le domaine : le château n’est plus celui des mineurs mais ouvert au public tout en perpétuant la tradition du tourisme social. On peut ajouter que de nombreux couples de mineurs, amoureux ou nostalgiques de la région, ont pris leur retraite à La Napoule et s’y sont installés. Il doit être surprenant que dans ce petit coin au parler pointu et chantant du midi, on entende soudain une pointe d'accent du Nord.

La retraite au soleil?

Il y avait tant de demandes et le nombre de places vacantes chaque année au Centre étant limité, qu’un tirage au sort était effectué chaque année pour désigner les familles qui pouvaient bénéficier de ces vacances Quelle fierté dans les maisons quand on apprenait que "c’était son tour".

Pour faciliter le séjour des vacanciers, les HBNPC avaient même émis un fascicule de quelques pages donnant des indications sur l’organisation du voyage et du séjour. On ressent dans ce livret que certains n’avaient jamais voyagé puisqu’on y trouve ce genre de recommandations : "A l’arrivée à la gare de La Napoule, détachez votre ticket SNCF "Aller" et conserver le "Retour".

Dés 1950, 9.600 personnes purent en profiter contre 2800 en 1948, première année complète de fonctionnement du Centre. La capacité d’hébergement de La Napoule était de 500 à 600 personnes, soit un rythme de plus de 10.000 vacanciers à l’année. A la fin de la "campagne 1976" 287.091 personnes avaient été accueillies au Centre depuis son ouverture en 1947.

Pendant une trentaine d’années, les mineurs prirent un train spécial de la SNCF à Douai.
Très vite, dans la joie de partir en vacances, les relations étaient établies d’un compartiment à l’autre. En gare de Mandelieu, des groupes d’amis étaient déjà constitués.

Le départ vers les vacances

A partir de janvier 1977, le transport pour La Napoule fut assuré par avion au départ de Lille-Lesquin.
Un samedi sur deux, entre 800 et 1000 voyageurs empruntaient toutes les deux semaines les Mercure ou Airbus d’Air Inter entre Lesquin et Nice.

La grande majorité des voyageurs en profitaient pour faire leur baptême de l’air tout en gagnant une journée de vacances supplémentaire.

L'arrivée à l'aéroport de Nice.

Déposés à la porte du domaine, les mineurs et leur famille devaient emprunter une longue allée en forte pente pour pour arriver au château. Un vrai "casse patte" sous le soleil du midi pour ceux qui venaient de voyager une journée en train.
Des grosses plantes grasses pointues (des agaves) ornaient cette escalade. C’est là que tout le monde a au moins pris une photo.

La vue sur la baie de La Napoule depuis le Château est magnifique.

En presque 40 années d'existence, le Centre de La Napoule a permis à quelques dizaines de milliers de familles de mineurs du Nord et du Pas de Calais, qui avaient la réputation certainement exagérée, de ne pas quitter leur région, de découvrir de nouveaux horizons, un climat sensiblement différents de celui du Nords de la France, mais surtout d'apprendre à vivre pleinement la période des congés. C’était le soleil, le dépaysement, un autre climat mais aussi le voyage !
De même que le métier s'apprend, il faut aussi apprendre à occuper ses loisirs.
Le Comité d'Entreprise des H.B.N.P.C a parfaitement compris et assumé cette mission non seulement à La Napoule mais aussi dans les colonies et les camps de vacances qu'il organisait chaque année au profit de plusieurs milliers d'enfants et d'adolescents et encore dans les ateliers éducatifs ouverts au personnel de l'entreprise.

La mer étant à deux pas (350 mètres), les activités aquatiques étaient mises en avant : C’est sur la plage de La Napoule aménagée à l'intention des pensionnaires et placée sous la surveillance d'un maître nageur, que bon nombre d'enfants de mineurs ont pris leurs premiers bains de mer en compagnie de leurs parents...
... mais ont aussi fait du pédalo, du canoé, des châteaux de sable... ont pu lézarder au soleil et prendre du repos face à la mer.

Les joies de la mer.

La région incitait à la promenade, à la détente et aux visites.
Menton, Vintimille, Toulon, Valberg, Grasse, Vallauris, Vence-Nice, Juan les Pins, Verdon, Biot, Saint Jean, Cap Ferrat, Safari de l'Esterel, les 3 vallées... figuraient parmi les nombreuses excursions proposées et qui permettaient de découvrir les richesses touristiques, artistiques et artisanales de la région Sud.

Promenades, détente... un dépaysement total pour les mineurs du Nord.

D'autre part, le Centre proposait une gamme étendue d'activités diverses. Les vacanciers avaient à leur disposition des salles où ils pouvaient lire, jouer aux cartes ou regarder leurs émissions de télévision préférées.
La salle des fêtes, construite en 1956, disposait de 500 places; elle était insonorisée et climatisée. Des soirées de variétés, des concours de chants, des bals, des séances de cinéma, etc…, y étaient organisés.
Il y avait aussi une salle équipée de jeux pour enfants et adultes, un terrain de golf miniature, des terrains de jeux pour enfants de moins et de plus de dix ans, une garderie pour les plus petits était assurée et les vacanciers pouvaient également visiter la serre et ses nombreuses variétés horticoles, tellement différentes de celles présentes dans le Nord.

Pour les mineurs et leur famille, ces vacances furent inoubliables.

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Conclusion

Aussi les loisirs participent-ils de plein droit aux formes d'expression d'une culture minière, dont ils déclinent certaines valeurs et caractéristiques. Par la pratique et le spectacle sportifs, par le développement des loisirs et des vacances collectives, ou le maintien d'activités plus traditionnelles, la population du pays noir, dans les années soixante, met ses pas dans ceux de la culture de masse. Au-delà des inflexions déjà soulignées qui ont pour effet de renforcer les solidarités et de cultiver un sentiment d'appartenance (dans la géographie, dans l'expression de singularités identitaires ou de classes d'âge), la particularité de ce temps libéré est d'être finalement un temps contraint, contrôlé, et règlementé. Dans la majorité des cas précités, l'offre de loisirs relève en effet du bon vouloir des Compagnies (puis des Houillères) et s'inscrit dans une politique sociale dont les ramifications vont jusqu'à toucher le mineur dans l'intimité d'un quotidien "à soi" dont il devrait seul bénéficier de l'usufruit. Elle n'en cimente pas moins les communautés et les générations.

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